Ouverte en juillet, la Halle Chambertin fait un lien passionnant entre le vin et la nature à Gevrey-Chambertin. La grandeur du premier est incarnée par la plus forte concentration de grands crus de la Bourgogne, la magie de la seconde par la fascinante Combe Lavaux-Jean Roland. Le tout servi par une scénographie intelligente et efficace, qui devrait plaire autant aux touristes qu’aux Bourguignons.
Cette Halle Chambertin, Christophe Lucand l’avait imaginée avec Jean-Marc Brochot, son vice-président en charge du tourisme, alors qu’il entamait sa présidence de la communauté de communes Gevrey-Nuits. Le nouveau maire gibriaçois voyait en elle « un espace qui exprime l’heureux mariage entre un lieu, une identité et une volonté ». La réponse est là, aujourd’hui. Avec une scénographie remarquable, claire, qui démontre les bienfaits de l’union sacrée entre le vin et la nature.
Le défi n’était pas gagné d’avance. La Côte de Nuits, c’est l’aristocratie mondiale du pinot noir. Avec ses neuf grands crus associés au nom de Chambertin, Gevrey en est l’incontestable sommet. Ce positionnement exclusif aurait pu être un frein à la spontanéité touristique. Les domaines de prestige ont leur logique. Leurs secrets sont bien gardés et ils se préoccupent déjà de garder leur rang de conquérants du monde. Ce qui ne facilite pas toujours l’accueil.
16 vins, quatre formules spéciales Halle Chambertin
La halle a déjà connu plusieurs vies avant celle-ci. Créée au XVIe siècle, reconstruite sous cette forme en 1830, elle fut un marché, certes, mais aussi le refuge de la garde nationale sous la Monarchie de juillet avant de devenir un temps le siège de la mairie.
En assemblant les thèmes du vin et de la nature, le projet de la Halle Chambertin apporte une lecture touristique intéressante du paysage local. La réserve naturelle de la Combe Lavaux-Jean Roland, que le faucon pèlerin se plait à fréquenter, est en effet un phare pour les promeneurs, randonneurs et autres grimpeurs, qui mobilise autant de monde que les caves. D’un autre côté, les 34 domaines viticoles du territoire communal ont à cœur de mettre en avant leur respect de l’environnement, d’intégrer la nature à leurs productions. L’intercommunalité n’a donc pas lésiné sur les moyens pour transformer sa halle. L’investissement dépasse les 500 000 euros. La « comcom » bien sûr, le Département, le Conseil régional, l’État via un fond de soutien à l’investissement local et la commune ont pris place dans le tour de table. Mais aussi quelques privés dont un groupement de 34 vignerons, actionnaires d’une SAS qui a financé des œnomatiques et permis de proposer aux visiteurs quatre formules de dégustation au verre, parmi 16 vins à déguster, qui vont de l’appellation régionale aux premiers crus.
Cette initiative bachique est le temps fort de la halte à la halle. Une trentaine de touristes, sans doute plus locaux que les autres années, et pour cause, ont opté pour elle dès le premier week-end d’ouverture du site mi-juillet. Rien d’étonnant. Cette proposition, originale dans sa forme et sa réalisation, désinhibe le passager curieux et permet de voyager à travers plusieurs domaines locaux dans un espace-temps des plus réduits. De plus, la dégustation se fait sur une table transparente, qui dévoile sous le verre des coupes géologiques pleine d’enseignements. Au terme de ce petit parcours bien pensé, on est enrichi intérieurement.
Soyez le nouveau roi Chambertin
Saluons tout d’abord la scénographie. Elle est l’œuvre de l’agence dijonnaise Les Pistoleros. Chacun y trouve son compte. Les plus petits par exemple, ont une table et des sièges à leur hauteur pour s’adonner à un jeu de l’oie spécifique, qui les éveille à l’environnement viticole. Puis, sur une façade viennent les paysages, sobrement et efficacement commentés, de la côte et de la combe. Plus loin, un tableau géant fait l’inventaire des espèces vivantes de la combe. À côté de lui, un autre distribue des cartes créées pour l’expo permanente, que l’on peut tirer au hasard pour, d’explication en explication, progresser dans sa connaissance de Gevrey-Chambertin.
Mais c’est à propos des métiers qu’on en apprend sans doute le plus. Casque sur les oreilles, on écoute les témoignages de vignerons recueillis par notre confrère et ami de France Inter Philippe Bertrand. L’exposition est parfaitement bilingue et hautement pédagogique. Un ouvrage de consultation, concis et graphiquement réussi, décrypte étape par étape le monde de la vigne, les gestes du vigneron, le sens profond que l’on donne ici au terroir.
Cette drôle de balade entre vin et nature, confinée dans l’espace d’une vieille halle revitalisée, est à visiter y compris par nous les Bourguignons, qui croyons parfois tout savoir sur le sujet. Ce parcours se termine d’ailleurs par une petite remontée dans le temps, savamment orchestrée, qui présente entre autres vestiges de la légende gibriaçoise, la couronne du Roi Chambertin. La vitre qui la protège ne peut s’empêcher de renvoyer votre image. Placez alors votre visage à la bonne hauteur, juste sous l’objet puis prenez une photo. Avec un poil d’habileté, c’est vous qui deviendrez le roi, le temps d’un instantané bien maîtrisé. Elle est pas belle la vie ?