Ils sont derrière le fulgurant succès de Vin & Hip Hop au château du Clos de Vougeot. Avec leur société Hautes Côtes, Milena Berman et Loïc Lamy proposent des expériences autour de l’art et du vin. Bourgogne et États-Unis ne se sont jamais aussi bien entendus.
Un peu de jazz dans l’intimité du Caveau des Arches, mine de rien, ça peut vous changer la vie. Milena Berman et Loïc Lamy en savent quelque chose : ils se sont rencontrés sous les voûtes de cette adresse beaunoise réputée, il y a quelques années. Chacun était avec son groupe d’amis. Une belle Californienne sensible au made in France d’un côté, un grand millésime 86 taillé dans le massif de la Chartreuse de l’autre, pensez donc… « Je la trouvais un peu trop bavarde pendant le concert, j’étais le rabat-joie qui disait chut », s’amuse l’intéressé.
Le duo a uni son destin depuis. Un petit Lucien est même arrivé en 2019 pour tirer le meilleur de ses parents… et rapporter de ses séjours américains quelques gâteaux, introuvables ici. Tout en gardant un bureau à Beaune, Milena et Loïc ont installé le cocon familial dans le village magique de Meloisey. Hautes Côtes, leur société autour d’expériences mêlant l’art et le vin, est née comme une évidence.
Mouton à cinq pattes
Milena est dans son élément. Avant d’arriver en Bourgogne il y a une dizaine d’années, sa formation en histoire de l’art lui a ouvert les portes d’un riche parcours international, entre San Francisco et l’Allemagne maternelle. « Un vrai mouton à cinq pattes », dit-elle, au service d’un métier pointu et d’un écosysytème exigeant entre galeries, artistes, fondations, mécènes, entreprises… Milena parle quatre langues « dont le français appris ici, au bar du Square (sourires) ». Elle a le souci de relier les gens et les cultures, avec un certain sens du raffinement mais en se tenant à l’écart de tout snobisme, dans son style tout en douceur.
La maternité et la pandémie lui ont fait revoir ses projets. TERRA est devenu son autre bébé, ici en Côte de Beaune. Des expositions contemporaines dans des lieux exclusifs de la Côte (lire encadré en fin d’article), gratuites, cosignées par deux commissaires de référence, Jenn Ellis et Emie Diamond.
Les Saisons de Loïc
Loïc a un parcours tout aussi international. Sa bosse du commerce l’a fait vendre des leds en Asie pour une entreprise française. « En bon Français, on me faisait toujours choisir le vin au restaurant », glisse ce Grenoblois, finalement revenu au bercail pour l’Université du vin de Suze-la-Rousse.
De « mauvais sommelier », Loïc s’est découvert quelque talent et une passion pour la production, à Chablis puis Volnay, au domaine de Montille. Avec Eric Pignal, son copain winemaker (anglicisme galvaudé mais de circonstance), il a fini par monter en 2019 – grand millésime décidément – une petite et prospère activité de négoce, Saisons, qui s’approvisionne chez des vignerons travaillant en bio et biodynamie.
Les cuvées sont élevées dans la petite cave de Meloisey. L’aventure se poursuit depuis avec Tommy Pace, un autre Américain (tiens donc !) bien connu localement pour brasser les excellentes bières Vif.
Le phénomène Vin & Hip Hop
Animé par ces échanges devenus naturels entre la Bourgogne et les Etats-Unis, rompu à l’événementiel œnotouristique, le duo de Hautes Côtes a souhaité convoquer l’esprit hip-hop entre nos vignes. L’événement fut assez modeste au départ : quelques grilled cheese à grignoter, des domaines amis pour ouvrir des canons et un peu de musique au clos du Moulin aux Moines, avec aux manettes le master of ceremony Jeremaine Stone, papa du concept Wine & Hip Hop.
Cool, franchement original, l’événement a créé un élan rafraichissant dans le petit monde parfois compassé du vin. « C’est aussi la magie de la Bourgogne. De plus en plus de domaines et de partenaires ont été séduits par cet événement conçu dans l’esprit d’une paulée d’après vendanges pour célébrer nos relations franco-américaines », retrace le duo, qui a pu compter sur l’appui de personnalités respectées du vin comme Dominique Lafon et Jérémy Seysses du domaine Dujac.
Ces bons conseillers ont fait bouger les lignes. « C’est génial votre truc, il faut le faire au Clos Vougeot ! », ont entendu Milena et Loïc. Du hip-hop entre les vénérables pierres cisterciennes du château ? Du jamais vu. Gardiens du temple, les Chevaliers du Tastevin ont vu d’un bon œil cette forme d’ouverture. « On s’est dit qu’ils n’allaient jamais accepter… Le lendemain, ils proposaient une date accueillir pour l’événement. » La première édition fut un carton, avec un mémorable set improvisé de MC Solaar. La seconde, le 9 octobre dernier, a acté le phénomène : la jauge de 550 personnes a été remplie en cinq minutes. Les téléphones de Milena et Loïc ont fumé face à l’afflux des demandes.
La programmation a passé un cap. La légende du rap new-yorkais Kool G Rap et le rappeur belge JeanJass étaient de la partie cette année. Oxmo Puccino a été aperçu verre à la main. Même l’équipe de basket des Brooklyn Nets, par un concours de circonstances comme la Bourgogne du vin sait en provoquer, a rejoint le mouvement. Heureuse victime de son succès, Hautes Côtes envisage un lieu supplémentaire pour contenter tout le monde. Un job à temps plein pour Milena et Loïc. Ont-ils encore le loisir d’écouter un peu de jazz autour d’un verre au Caveau des Arches ?
« TERRA », le terroir contemporain
De l’art contemporain interrogeant la notion de terroir, dans des lieux séculaires de la Côte, parfois secrets à l’image de l’ancien théâtre de Beaune, propriété privée qui n’avait plus reçu de public depuis 150 ans. La proposition ne manque pas de charme. Du 18 octobre au 17 novembre 2024, la deuxième édition de l’exposition collective baptisée « TERRA » installe une centaine d’œuvres provenant d’une quarantaine d’artistes dans trois lieux : le club privé 67 Paul Mall au sein de l’hôtel Moyne-Blandin à Beaune, le Château de Chevigny-en-Valière et la Maison de Pommard. Un événement unique en son genre signé Hautes Côtes, accessible gratuitement sur rendez-vous.