Hôtel-Dieu des Hospices de Beaune : une programmation culturelle sous le signe de la charité

L’Hôtel-Dieu des Hospices Civils de Beaune propose désormais une large programmation annuelle, placée cette année sous le thème de la charité. Sa responsable Sandrine Allard-Saint-Albin explique le pourquoi du comment de ce « patrimoine vivant hospitalier » appelé à rayonner différemment. 

L’Hôtel-Dieu des Hospices de Beaune, un patrimoine au cœur de ville appelé à un nouveau destin culturel. © AG Laborde-Ceyrac/Histoires de Patrimoine/BFC Tourisme

460 000 visiteurs en 2023. Avec ce nouveau record, l’Hôtel-Dieu des Hospices Civils de Beaune est plus que jamais le site payant le plus fréquenté de la Bourgogne. C’est bien, très bien même, mais pas de quoi non plus danser sur les tuiles vernissées pour Sandrine Allard-Saint-Albin, qui y voit le signe d’une reprise du tourisme international, bien aidé cette année-là par la Coupe du monde de rugby en France. 

La responsable du site beaunois préfère focaliser son attention sur la pérennité de la nouvelle offre culturelle d’un Hôtel-Dieu désormais voué à prendre toute sa place de « patrimoine vivant hospitalier » dans la capitale des vins de Bourgogne. Cet objectif demande d’aller au-delà de la carte postale, avec une programmation réfléchie et originale, qui toucherait aussi bien le touriste américain venu assister aux réjouissances de novembre que le Beaunois en quête de sensations locales.

Redonner du sens 

Trois grands thèmes annuels donnent donc le rythme : à l’hospitalité de 2023 succède la charité, avant l’humanité en 2025. De quoi contribuer à « redonner le sens du lieu, dont la notoriété est formidable mais qui doit répondre à une question : sait-on bien, quand on en ressort, qu’il s’agissait d’un hôpital ? » Avec un autre défi immédiat à ne pas perdre de vue : la place de l’habitant dans un site très fréquenté par les touristes.

Sandrine Allard-Saint-Albin (« SASA » pour les intimes) et son équipe militent déjà pour réhabiliter dans le langage courant l’appellation « hôtel-Dieu », masquée il est vrai par le générique « Hospices de Beaune », en référence au domaine viticole. C’est pourtant ce qu’ont souhaité au plus profond d’eux, dès 1443, les fondateurs Nicolas Rolin et Guigone de Salins : un hôpital au cœur de la cité, administré par un personnel laïc avec son maître et soigné par les médecins et les sœurs hospitalières, qui recevaient, sans jugement, pèlerins et indigents.

Sandrine Allard-Saint-Albin, responsable de l’Hôtel-Dieu des Hospices de Beaune et chasseuse de trésor occasionnelle… © Antoine Martel / DBM

L’Hôtel-Dieu, ouvert 365 jours par an

Arrivée fin 2021, Sandrine se passionne pour ce cas d’école, en lien continu avec Guillaume Koch, le directeur des Hospices Civils. Elle rêvait de s’installer ici, en Côte-d’Or, où elle s’arrêtait petite en famille sur la route des Alpes. En coulisses, l’Hôtel-Dieu qu’elle dirige est une machine bien huilée, ouverte 365 jours par an « pour rester fidèle à sa tradition hospitalière originelle » (fermeture exceptionnelle le 12 juillet de 9h à 13h30 pour cause de flamme olympique !), qui approche la cinquantaine de collaborateurs en haute saison, entre médiateurs, guides-conférenciers, surveillants et agents boutique, événementiels, accueil…

Depuis 2023, une importante étude patrimoniale de l’Hôtel-Dieu suit son cours, en lien avec les services des Hospices Civils de Beaune et les acteurs institutionnels, pour assurer la préservation du site et son attractivité. Un diagnostic sanitaire « permettra de se projeter sur un calendrier de restauration et d’aménagements », tout en affinant le parcours muséographique et les services proposés aux visiteurs.

Regards croisés

Fil rouge de 2024, la charité ne manque pas de ressources. « Ce n’est pas un vain mot ici, elle évoque directement une communauté soignante qui a perduré jusqu’au XXe siècle », estime justement la responsable, formée à l’histoire de l’art et très soucieuse de proposer des regards croisés avec son environnement. L’âme charitable de l’Hôtel-Dieu flotte dans la ville, de ses remparts jusqu’à son ancien orphelinat (lire encadré ci-dessous)

Cette vision « hors les murs » permet d’intégrer naturellement de belles propositions comme Baroque en fête, le 25 mai dernier, en lien avec le Festival international d’opéra baroque et romantique de Beaune, dont Maximilien Hondermarck reprend le flambeau transmis par l’incroyable Anne Blanchard. La charité permet de revenir sur des figures parfois méconnues mais centrales de l’histoire de Beaune, de Guillemette, veuve d’Humbert, aux frères Bétault. Elle propose encore, à la marge de la Vente des vins en novembre, de plonger dans les passionnantes archives avec le chargé des collections Bruno François. 

Et que dire de ce dialogue avec Cîteaux, organisé le 5 septembre dans le cadre de la Journée internationale de la charité ? « L’abbaye a rédigé sa charte de charité cistercienne en 1119, bien avant celle de l’Hôtel-Dieu. Nous voulions croiser ces histoires entre le frère économe de Cîteaux et la supérieure générale de la communauté des sœurs hospitalières », détaille Sandrine Allard-Saint-Albin. 

Au milieu des visites flash, escape games, visites sensorielles, ateliers créatifs et autres balades contées, émergent notamment ces échanges entre les soignants d’hier et d’aujourd’hui. L’institution beaunoise, faut-il le rappeler, compte encore au quotidien un millier de professionnels de la santé sur ses différents sites. Cette programmation de l’Hôtel-Dieu honore aussi les siens. Charité bien ordonnée…

👉 Programme de la saison 2024 et billetterie sur reservation-hoteldieu.hospices-de-beaune.com

De la charité à l’humanité

Pour sa saison 2024 centrée sur le thème de la charité, l’Hôtel-Dieu présente l’exposition « Hospice de la Charité » jusqu’au 31 décembre, mettant en lumière cet orphelinat fondé en 1645 par Antoine Rousseau, Barbe Deslandes et Barbe Richard, dont la mission était d’accueillir, nourrir, mais surtout éduquer et former les orphelins de la ville. « En temps de guerre, où les familles étaient souvent séparées, il s’agissait d’assurer l’éducation, la formation à un métier », commente Sandrine Allard-Saint-Albin. Dans la salle Saint-Nicolas, cette exposition accueille objets, témoignages et documents d’archives mettant en lumière l’engagement des sœurs de la Charité, dont l’orphelinat fusionna avec l’Hôtel-Dieu à la Révolution, pour former les Hospices d’Humanité. Soit le thème tout trouvé de 2025. Et la boucle sera ainsi bouclée.

En costume du XVIIe siècle, un groupe d’orphelines de l’Hospice de la Charité avec la mère Marie Roux, supérieure de la communauté des sœurs de la Charité de 1892 à 1933. À la Révolution, un regroupement s’opéra entre l’Hôtel-Dieu, destiné au soin des malades, et l’Hospice de la Charité, chargé de recueillir et d’élever les orphelins. L’ensemble fut doté d’une administration centrale et prit le nom d’Hospices d’Humanité. © Archives municipales de Beaune / Fonds des sœurs hospitalières