Il est le « monsieur vin » de Sotheby’s dans le monde entier. Britannique exilé de longue date à New York, Jamie Ritchie est le nouveau personnage clé de Beaune et sa vente des Hospices. Portrait.
« C’est un des accomplissements dans ma carrière, il n’y a pas de plus grand honneur pour notre équipe. » En mars 2021, lors de l’officialisation de Sotheby’s comme organisateur de la Vente des vins des Hospices de Beaune pour les cinq prochaines éditions, il n’avait pas fait semblant d’être heureux. Jamie Ritchie sait à quel point la capitale des bourgognes est une clé pour le marché français, avec Bordeaux où la vénérable maison d’enchères compte aussi un pied à terre.
Lui et sa garde rapprochée ont pris l’affaire très au sérieux (lire notre entretien à ce sujet). Ils sont allés illico au contact du directeur des Hospices Alain Poher pour saisir toute la complexité de cette organisation, ont crotté leurs chaussures dans les rangs de vigne avec la régisseuse Ludivine Griveau-Gemma, ont écouté les anecdotes de l’incontournable consultant maison Jasper Morris, ont trinqué avec tous les acteurs importants de l’événement… En coulisses, tout le monde a été assez vite charmé par cet homme d’approche simple, humour british et verbe américain, toujours tiré à quatre épingles, cheveu gominé, cravate en tricot et épaisses montures noires.
L’essor américain et asiatique
Né à Londres, le jeune étudiant en droit s’intéressait déjà au vin, qu’il ramenait volontiers par caisses quand il était « à (son) goût et pas trop cher ». Comment ne pas être influencé, aussi, par ce père achetant tout ce qu’il pouvait dans les petites ventes aux enchères du coin, y compris le matériel de jardinage pour entretenir la maison de campagne blottie dans les verts bocages du Wiltshire.
En 1990, Jamie Ritchie intègre Sotheby’s à Londres. Celui qui se rêvait acteur ne sait pas encore qu’il aura droit à des milliers de représentations marteau en main : on lui confie rapidement un marché américain décomplexé, qui a soif de flacons d’exception. En 1994, c’est l’expatriation à New York. « La mission devait durer cinq ans et j’y vis toujours », sourit l’englishman, qui connaîtra, après l’âge d’or américain stoppé avec la crise de 2008, la nouvelle ère de l’essor asiatique.
D’à peine 5 millions à ses débuts, le volumes d’affaires de Sotheby’s pour les vins et spiritueux est passé à 140 millions de dollars en 2021. Jamie Ritchie est devenu entretemps l’un des plus grands commissaires priseurs de vins au monde. Il a piloté le lancement de la branche Sotheby’s Wine, spécialisée dans les vins et spiritueux, dont il est officiellement le directeur mondial depuis 2016. Le bourgogne le plus cher au monde, une romanée-conti 1945 tirée de la cave personnelle de Robert Drouhin, adjugée 558 000 dollars à New York en 2018, c’était lui, toujours avec le même vieux marteau rafistolé, « parce qu’il a quelque chose de rassurant, comme un vieil ami. »
75 000 bouteilles et une rencontre
Sous sa direction, Sotheby’s s’est ouvert au numérique et à la vente au détail. Une chose en entrainant une autre, les enchères ont profité d’un sérieux rajeunissement des acheteurs. L’intéressé loue les standards d’une maison « intègre, douée pour l’innovation, en particulier concernant le contrôle des contrefaçons et de la qualité irréprochable des vins proposés. » De toutes ses ventes dans les plus beaux endroits du monde, il n’oublie jamais de citer celle de 1993, en Allemagne. 75 000 bouteilles du prince de la maison Thurn und Taxis à ventiler en trois jours et la rencontre d’Emmanuelle, une Française qu’il épousera.
Jamie Ritchie en a gardé la compréhension de la langue de Molière – il préfère répondre en anglais pour ne trahir aucune de ses pensées -, l’amour de la french cuisine (vive le rôti du dimanche !) et une admiration sincère pour toutes ses régions viticoles, Bourgogne compris : « Une région totalement unique, mêlant histoire, qualité et esprit de communauté, tout cela à une échelle que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. »
Rubrique en partenariat avec Wall Street English,
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Tous les épisodes « Wall Street English »
🇳🇿 #19 John Barker, directeur général de l’OIV
🇺🇸 #18 Tommy Pace et Lara Young, cogérants de la microbrasserie Vif
🇬🇧 #17 Katherine Frelon, boulangère du Fournil de Flavigny
🇬🇧 #16 Keith Cruiks, formateur Wall Street English et blues man
🇬🇧 #15 Jamie Ritchie, président de Sotheby’s Wine
🇺🇸 #14 Matt McClune, micro-torréfacteur à Saint-Romain
🇳🇿 #13 Hugh Chalmers, entraîneur néo-zélandais du CS Beaune
🇺🇸 # 12 Denis Toner, Beaune in the USA
🇬🇧 #11 Paul Day, sculpteur bourguignon d’adoption
🇺🇸 #10 Tobias Yang, directeur du Château de Chailly
🇺🇸 #9 Becky Wasserman, adieu à une grande dame du vin
🇦🇺 #8 Jane Eyre, ex-coiffeuse devenue Négociante de l’année 2021
🇺🇸 #7 Brittany Black, créatrice d’une librairie anglophone
🇬🇧 #6 Christopher Wooldridge, le docteur vélo et mister bike de Dijon
🇺🇸 #5 Alex Miles, personnage multicasquette et fin gourmet
🇬🇧 #4 Deborah Arnold, Dijon et sa cité des dukes
🇬🇧 #3 Jasper Morris, pape des dégustateurs en Bourgogne
🇦🇺 #2 Kevin Pearsh et ses totems de Commarin
🇬🇧 #1 Clive et Tanith Cummings, protecteurs de l’abbaye de La Bussière