Jean-Paul Rappeneau est un président du jury un peu particulier : il est Bourguignon et fier de l’être. C’est un geste fort que d’accueillir, pour cette 9e édition du Festival international du film policier de Beaune, ce grand monsieur de bientôt 85 ans, réalisateur de Cyrano de Bergerac et… grand amateur des vins de la Côte. Derrière une caméra comme en dégustation, laisser parler son cœur est encore ce qu’il y a de meilleur.
Par Michel Giraud
Pour Dijon-Beaune Mag n°64
8 avril 1932. Jean-Paul Rappeneau voit le jour à Auxerre. Il passe dix-sept ans entre Yonne et Morvan : « Mon père est né près de Saint-André-en-Morvan. J’y ai passé toutes mes vacances, chez mes oncles et mes tantes. Ce sont des moments qui ont compté dans ma vie ». À son actif, aussi, quelques heures sur les bancs du lycée Carnot à Dijon. Mais une envie plus forte que tout : le cinéma. Au début des années 50, Jean-Paul Rappeneau quitte sa Bourgogne, direction Paris, son rêve, là où il a « toujours voulu faire du cinéma. Monter à Paris, ce fut une sacrée aventure ! Au début, on oublie vite d’où on vient, puis plus la vie avance, plus on revient vers ses racines ».
C’est à travers le 7e art, bien sûr, qu’il redonnera à cette chère Bourgogne ce qu’elle lui a apporté. Le souvenir de ses premiers films amateurs en 16mm, surtout de son premier court-métrage professionnel : « Il s’appelait Chronique provinciale, je l’ai tourné à Auxerre », se remémore le réalisateur avec un brin de nostalgie. Mais au moment de retracer une filmographie aussi rare (8 longs-métrages à son actif) que marquante, c’est bien sûr Cyrano de Bergerac qui revient comme une évidence. La voix du cinéaste devient soudainement enjouée : « J’ai adoré faire ce film, il me l’a rendu au centuple. En tournage à Fontenay, à Dijon, j’étais fier d’être chez moi, en Bourgogne, sur mon territoire. Ce film a compté énormément pour moi, et pas seulement pour le succès qu’il a connu. »
« Je vibre ! »
Rappeneau l’orfèvre, le scénariste de l’Homme de Rio de Philippe De Broca, de Zazie dans le métro de Louis Malle, le réalisateur des Mariés de l’An II, du Sauvage, du Hussard sur le Toit. Au casting, Deneuve, Belmondo, Depardieu, Arditi… Jean-Paul Rappeneau, c’est aussi Belles Familles en 2015. Douze ans après Bon Voyage et ses 10 nominations aux César, il s’offre alors une sorte de clin d’œil autobiographique : « C’est un peu mon histoire, c’est vrai. » L’histoire de cet homme expatrié à Shanghai, et qui, de passage à Paris, apprend que la maison de famille dans laquelle il a grandi est au cœur d’un conflit. Son retour aux sources changera sa vie. « C’est vrai, sourit Rappeneau, que cette maison de famille ressemble à celle dans laquelle on a vécu à six avec mes frères et soeurs. Cette maison a depuis été détruite et remplacée par des immeubles. »
Forcément, quand on lui propose de prendre la présidence du jury du 9e Festival du film policier de Beaune, il fonce et « dit oui tout de suite. C’est le cœur qui a parlé. Beaune, c’est un haut lieu de la Bourgogne historique. J’y suis venu du temps où l’ARP y tenait ses rencontres cinématographiques annuelles, avec le souvenir de descentes de caves mémorables. Et, autant être franc, je me réjouis déjà de ce que nous boirons entre les films ! ». Et le polar, dans tout ça ? « Je n’en ai jamais tourné. J’avoue ne pas être un spécialiste du genre, mais je suis un excellent spectateur. Je vibre ! L’autre avantage est que je n’ai pas de critères de jugement figés, ni d’idées préconçues. C’est ce que j’avouerais volontiers à mon jury. Je veux simplement être surpris par les films, emporté par une histoire, saisi par une atmosphère ». Parole de Bourguignon !