Laurent Bénégui (prix Bichot 2012): « J’écris avec mes peurs »

Lauréat du prix Albert-Bichot 2012 et désormais habitué du salon Livres en vignes (le week-end prochain au château du Clos de Vougeot), Laurent Bénégui a joué le jeu des questions déroutantes. L’auteur de SMS s’en sort avec les honneurs… 

Par Emmanuelle de Jesus et Antoine Gavory, agence Proscriptum
Photo : Odillon Dimier

Bénégui

Vos héros sont souvent au bout du rouleau, cumulant emmerdements publics et privés et réussissant à se fourrer dans des situations incroyables… Auriez-vous isolé l’ADN du syndrome Pierre Richard, en ressuscitant une forme de comédie à la française à la mécanique réglée au millimètre ?

« J’écris avec mes peurs, ou disons que je me débarrasse dans mes livres de tout un tas de situations déplaisantes pour éviter qu’elles ne me tombent dessus dans la vraie vie. Du coup, ce sont mes héros qui trinquent. Je n’ai pas écrit que ce genre d’histoires, mais dans mes cinq deniers romans le personnage principal se prénomme Laurent. Guère besoin d’un diplôme en psychologie pour s’apercevoir qu’il n’y a pas loin entre la fiction et l’exorcisme… Je dois confesser que j’éprouve un certain plaisir à plonger les Laurent dans un environnement hostile, tant professionnel que privé, et à les observer, agiter leurs petites pattes et remonter la pente tout au long des 300 pages du roman. Evidemment, ces histoires seraient abominables si elles n’étaient traitées avec humour. En général celui du personnage, qui considère la position dans laquelle il se trouve avec un certain recul, comme le fait si bien la mouche prise au centre de la toile d’araignée. A l’humour distancié du personnage, à sa forme d’élégance désespérée, s’ajoute une comédie de situation dans laquelle j’aime me laisser la liberté que tout puisse arriver. Il n’y a pas de rebondissement ou de péripétie qui ne soit pas crédible, il importe seulement que le personnage, dans une situation donnée, réagisse de manière conforme à sa psychologie, à son état d’esprit du moment. Et c’est justement sa réaction qui apporte la véracité à la situation. Au fond ce ne sont pas les mécaniques qui doivent être huilées, mais bien les personnages. »

Votre site internet aligne non sans humour vos multiples casquettes : romancier, réalisateur, scénariste, producteur… vous qui avez fait des études de médecine, comment fait-on lorsque l’on est ainsi atteint d’une polycéphalie doublée d’un vrai succès populaire sans attraper la grosse tête ?

J’ai fait médecine parce que j’étais un fils sage et aimant. En vieillissant on change et on ne gagne pas forcément en sagesse, et comme on ne cesse de vieillir tout au long de la vie, on modifie constamment son cap et on finit complètement dingue. Heureusement, mes parents ne sont plus là pour entendre ça. Bref. La médecine m’a donné envie d’écrire et pas de soigner. Ecrire m’a fait découvrir les images et j’ai eu envie de faire du cinéma. En réalisant des films j’ai compris que l’argent régnait en maître dans le processus de création cinématographique, et j’ai décidé de ne pas faire comme si je ne le savais pas. Devenu producteur, j’ai découvert le plaisir de faire exister la création d’autrui, laquelle m’a fait à nouveau saliver pour l’écriture. Il ne me reste plus qu’à ouvrir un cabinet médical et la boucle sera bouclée. Dès que ce sera fait, je vous communiquerai l’adresse pour que vous preniez rendez-vous, vous n’avez pas bonne mine et un petit check-up ne vous ferait pas de mal. N’oubliez pas votre carte vitale.

* Edition 2014 de Livres en Vignes, les 27 et 28 septembre, sous la présidence de Dominique Bona de l’Académie française. Programme sur www.livresenvignes.com

 

Bichot, de la cave à la bibliothèque!

Depuis plusieurs années, la maison Albert Bichot est l’un des mécènes de Livres en vignes et l’entente se passe à merveille, au point qu’un prix Albert Bichot est remis depuis 2012 à l’auteur d’un roman de littérature générale. Michel Crestanello, directeur des ventes, est enthousiaste à propos de ce partenariat : « Un livre, comme le vin, concerne tout le monde ! Riche ou pauvre, jeune ou vieux, femme ou homme, beau ou laid… chacun peut être touché par l’un et par l’autre ! Il y a aussi dans un livre, comme dans le vin, la notion de partage : on offrira volontiers un livre ou un vin qui nous a ému. Convivialité, partage, aspect transgénérationnel… c’est ce qu’au sein de la maison on appelle l’esprit Albert Bichot ! » Un esprit qui traverse les murs : les clients, assure Michel Crestanello, comprennent parfaitement l’adéquation entre vigne et littérature comme relevant d’un même environnement culturel : « Une cave et une bibliothèque, conclut-il, c’est d’ailleurs drôlement ressemblant ! »