Six candidats en lice au CFA de La Noue, pour la finale des Jeunes talents Restaurateurs de France. Vous êtes parmi les cinq décideurs de leur destin. Petite cuisine interne d’un jury.
T’as d’beaux râbles tu sais. Les yeux dans les yeux, il vous mate, prêt à détaler à la moindre vexation. Peiné, Jeannot Lapin. Peiné car l’escargot orgueilleusement planté juste à côté de lui, sur son socle de betterave Chiogga, lui vole la vedette. Le voilà acteur central d’une assiette bien organisée, certes, mais trop organisée, sûrement. Aux élans architecturaux de son concepteur, on aurait préféré une plus grande mise en valeur des saveurs. C’est dans la discrétion que se fondent les meilleures choses, dans l’humilité que se construisent les plus grands projets, dans la maîtrise des équilibres que se créent les plaisirs les plus délirants.
Erreur de jeunesse ? Oui, comme pour tous les autres apprentis de cette session, pour tous les apprentis du monde, sinon, qu’apprendraient-ils ? Et puis, vous savez ce qu’on dit : la critique est aisée, l’art est difficile. Participer à un jury est donc une aventure lourde de conséquences. Ce n’est pas la vice-présidente du conseil régional de Bourgogne, elle-même un peu surprise de se voir en position aussi décisive au côté de votre (modeste) serviteur, qui dira le contraire. Chacun doit alors faire face à ses vérités et à ses propres contradictions. Décider du sort de gamins tremblants dans l’attente des résultats n’a rien d’un acte anodin. La demi-finale des Jeunes Talents organisée par les Restaurateurs de France est un enjeu plutôt qu’un jeu. Sur les six candidats présents, trois seulement iront en finale nationale à Paris, le 4 février prochain, au sein de la prestigieuse école Ferrandi. Là-bas, on leur demandera de plancher sur un agneau et ses trois garnitures, puis sur un dessert qui revisite un souvenir d’enfance. Les autres garderont pour eux leurs petites madeleines de Proust et leurs remises en question. Ils n’ont pas démérité et feront mieux la prochaine fois.
Le défilé des plats renforce le sentiment qu’il faut prendre la pleine mesure de ses responsabilités. Bien compliqué celui-là, avec ses noisettes torréfiées, sa densité, son sel abondant et son oignon d’Auxonne à la présence incongrue. Dommage, il y avait de l’idée. Puis vient le miracle d’une raviole de cresson bien maîtrisée, gavée à souhait et encadrée par quelques délicieuses pommes fondantes. Le lapin règne en chef d’orchestre de la composition. Il est farci à plein régime, de chair, de foie gras, de blanc de volaille et d’un blanc d’œuf. Fin du fin, il y a des abats dans ce plat généreux. Du foie, du rognon et même, c’est dire, du cœur. Sur ce dernier point, personne n’en doutait. Au final ce sera notre préféré, à titre personnel. Parce que nous (le « nous » représente ici le gourmet et son indissociable palais), « nous » avons pris plaisir à repiquer la fourchette à plusieurs reprises. Cette assiette n’est pas la mieux présentée, ni la plus technique, mais elle restera, au bout du compte, le petit moment savoureux tant espéré à l’amorce de la compétition. C’est bien cela qui donne un goût de « reviens-y », non ?
Les nouveaux Jeunes talents
La demi-finale du Concours Jeunes Talents s’est déroulée le vendredi 29 novembre au CFA La Noue à Dijon. Deux professionnels composaient le jury pour la partie technique : le chef étoilé de L’Auberge de la Charme Nicolas Isnard, le chef de cuisine du CFA Denis Mantel. A leurs côtés, trois amateurs « éclairés » pour la dégustation: Fadila Khattabi, vice-présidente de la Région en charge de la formation professionnelle et de l’apprentissage ; Sylvie Combastel, responsable communication Butagaz, Dominique Bruillot, éditeur Bourgogne Magazine et Dijon-Beaune Mag.
Les trois candidats qui ont décroché leur billet pour la finale : Quentin Guillermic, Flora Danica et Copenhague (Maison du Danemark), Paris 8ème ; Fanny Jérôme, La palette aux saveurs du marché à Wettolsheim (Haut-Rhin ) ; Emmanuel Lalia, L’écurie à Carcassonne (Aude).
Bravo aussi aux trois autres candidats participants : les deux bourguignons Simon Martin (Les 3 ducs à Daix, Côte-d’Or), Jérémy Leblan (Le Buffon à Montbard, Côte-d’Or) ; le Rhônalpin Valentin Bourges (La Charrette Bleue à Condorcet, Drôme).