Le nouveau directeur général de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) prendra ses fonctions en janvier 2024, l’année de l’installation à l’Hôtel Bouchu d’Esterno de Dijon et de la célébration du centenaire. Premier représentant de l’hémisphère sud à être élu, ce juriste néo-zélandais entend œuvrer au grand rapprochement international. Entretien en VF.
Votre feuille de route débutera le 1er janvier. Quelles sont vos priorités ?
Je veux renforcer l’OIV dans son rôle de référence internationale pour le secteur de la vigne et du vin. Cette vision a trois grands axes : veiller à ce qu’elle dispose de la bonne stratégie et des bonnes structures pour répondre aux défis du secteur ; renforcer les relations de l’OIV avec ses membres, les pays tiers, les autres organisations internationales et le secteur en lui-même ; la positionner comme un leader mondial sur les enjeux les plus urgents : changement climatique, rôle du vin dans la société et digitalisation.
La Chine et les États-Unis, pour différentes raisons, ne sont pas membres de l’OIV. Cela peut-il changer en 2024 ?
L’OIV doit représenter tous les pays qui s’intéressent au secteur de la vigne et du vin et je poursuivrai l’expansion des membres pendant mon mandat. Nous avons reçu des signaux positifs de la part de la Chine, qui se prépare à adhérer, ce qui est très encourageant. À l’heure actuelle, nous n’avons aucune indication des États-Unis, mais je vais travailler à renforcer nos relations.
Les Américains ont claqué la porte de l’OIV il y a vingt ans, déplorant une représentativité des pays producteurs à l’avantage du « vieux monde ». Cette opposition a-t-elle encore un sens aujourd’hui ?
Mon élection comme premier directeur général d’un pays de l’hémisphère sud envoie un message fort : l’OIV est une organisation mondiale au service d’un secteur mondial. Bien sûr, il y a des différences de perspective entre les pays en raison de leur histoire, de leurs réglementations, etc. Mais pour moi, la caractérisation old world et new world n’est pas très précise ou utile en fin de compte. Je crois fondamentalement que les pays viticoles ont beaucoup plus en commun qu’ils n’ont de différences. Les pays viticoles doivent s’unir pour faire progresser nos intérêts communs. L’OIV est l’endroit pour.
Comme votre président Luigi Moio, vous avez mené une partie de vos études en Bourgogne…
J’ai passé plusieurs mois à Dijon il y a 20 ans comme chercheur dans le cadre du projet « Wine Filière Project ». J’ai passé la plupart de mon temps à rechercher des articles et des textes juridiques, à participer à des entrevues et à assister à des conférences… Mais j’ai aussi profité de la ville et du vignoble, que j’ai adoré. Je suis même revenu ici pendant ma lune de miel et ai présenté la fameuse chouette à mon épouse. J’ai hâte de prendre mes fonctions ici. Je suis impressionné par les nombreux travaux d’embellissement qui ont eu lieu ces dernières années. La ville est encore plus attrayante.
On imagine que beaucoup de vos échanges se font à distance. Diriger l’OIV depuis Madrid ou New York, serait-ce si différent ?
L’OIV fonctionne en ligne, c’est inévitable. Il faut aussi voyager, visiter les membres et les non-membres, participer à des réunions et des travaux scientifiques dans le monde entier. Toutefois, comme toute organisation intergouvernementale, elle doit avoir un siège permanent. C’est une exigence de son statut juridique et c’est surtout d’une grande importance pratique et symbolique. Le fait de réunir in situ le personnel, les experts et les délégués de l’OIV contribue à la qualité des interactions et des relations qui sont au cœur de nos travaux. Installer notre organisation dans une région viticole, l’une des plus célèbres au monde, est évidemment très riche de sens.
L’Hôtel Bouchu vous sied-il ?
Ce nouveau siège est une chance. Ce sera la maison de l’OIV et une maison pour toute la famille de la vigne et du vin. Cet hôtel particulier en cours de rénovation, pour le nouveau siècle de l’OIV, est également un signal puissant. Nous avons des racines dans l’histoire, mais nous nous réjouissons de l’avenir.
Un DG est toujours bien entouré. Qui seront vos « lieutenants » ?
19 personnes de toute nationalité composent l’équipe de l’OIV : France, Espagne, Italie, Portugal, Moldavie, Serbie, Argentine, Chili, Brésil, Turquie, Japon… Le champ d’expertise est varié : viticulture, œnologie, droit, économie, sciences sociales, communication et plus encore.
Beaune est la capitale des vins de Bourgogne. L’OIV a-t-elle intérêt à voir ce qu’il s’y passe ?
Bien sûr ! Le personnel, les délégués et les experts de l’OIV sont tous passionnés par la vigne et le vin. Personnellement, j’attends cela avec impatience et suis particulièrement intéressé par la nouvelle Cité des Climats.
Votre congrès du centenaire aura lieu à Dijon à l’automne 2024. Les chercheurs du monde entier y présenteront leur travail. Quelle avancée récente vous a marqué ?
L’éventail est large dans notre secteur. Je suis toujours de près les données scientifiques et les innovations dans le domaine du changement climatique, ainsi que les questions de consommation et de santé. Ce sont des sujets très importants pour l’avenir du vin. Je suis fasciné par le travail récent qui a été fait à l’aide d’études génomiques pour retracer les voies de domestication de la vigne. Il montre comment les vignes ont été cultivées dès le début de la domestication agricole, il y a 11 000 ans. Ce travail renforce l’importance de la vigne pour notre histoire et notre culture.
Vous êtes avocat spécialisé dans le droit du vin. Sur quel aspect doit-on encore progresser ?
Les questions de durabilité, de changement climatique et de santé auront d’importantes implications juridiques. Nous voyons déjà de nombreuses propositions législatives pour de nouvelles initiatives d’étiquetage liées à ces sujets, même si leur base probante n’est pas toujours claire. Sur ces sujets, le point de vue scientifique objectif de l’OIV sera particulièrement précieux.
Quoi d’autre ?
Le développement de l’économie digitale est un autre sujet important. Cela aura des répercussions majeures sur notre secteur. Les technologies digitales feront sûrement partie du cadre réglementaire – nous avons déjà vu l’introduction de la première étiquette électronique pour l’étiquetage obligatoire des ingrédients du vin. Nous travaillons déjà sur ces sujets.
Surveillez-vous les annonces immobilières à Dijon ?
Heureusement, des dispositions sont déjà en place pour l’hébergement du directeur général à Dijon. On peut parfois voir flotter le drapeau de l’OIV rue Chabot-Charny !
Sur un plan plus personnel, que représente le vin dans votre vie ?
Il est à la fois une vocation et une passion. Tout au long de mes études et de ma carrière, le vin a été un sujet d’intérêt durable. Ce n’est pas seulement une appréciation du produit, mais aussi des lieux et des personnes qui composent le secteur de la vigne et du vin.
Vous avez plusieurs fois évoqué la culture māori dans vos prises de parole officielles. Pourquoi cela ?
C’est un élément culturel capital en Nouvelle-Zélande (Aotearoa en māori). Nous accordons une grande importance au traité de partenariat entre la reine Victoria et le peuple Māori signé en 1840. Le māori est une langue officielle. Un accueil dans cette langue est typiquement utilisé en matière de protocole, c’est un signe de respect. Quand j’évoque cette culture, je fais référence à cette singularité de mon pays, mais ce n’est pas simplement pour cela : le monde de la vigne et du vin peut englober de nombreux types d’expression culturelle. Je crois, en définitive, que c’est l’une des grandes forces de notre secteur.
Qui est John Barker, nouvel homme fort de l’OIV à Dijon ?
Né le 7 octobre 1968 en Nouvelle-Zélande, John Barker a obtenu sa maîtrise en Droit et Sciences sociales à l’université d’Auckland où il a conduit une recherche doctorale en Droit et Géographie intitulée : « Différents mondes : le droit et les géographies changeantes du vin en France et en Nouvelle-Zélande », une thèse de doctorat réalisée en partenariat avec l’INRA-ENESAD-Université de Bourgogne à Dijon, ville à partir de laquelle il dirigera l’OIV pour les cinq prochaines années à la suite de l’Espagnol Pau Roca. John Barker connaît l’organisation en profondeur, d’abord en tant qu’expert de la Nouvelle-Zélande (2005), puis comme président (2009-2012) et vice-président (2012-2014) de la commission « Économie et droit ». Déjà candidat au poste de DG en 2018, il avait poursuivi son travail comme expert de l’OIV et juriste reconnu dans le domaine du droit du vin.
Rubrique en partenariat avec Wall Street English,
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Tous les épisodes « Wall Street English »
🇳🇿 #19 John Barker, directeur général de l’OIV
🇺🇸 #18 Tommy Pace et Lara Young, cogérants de la microbrasserie Vif
🇬🇧 #17 Katherine Frelon, boulangère du Fournil de Flavigny
🇬🇧 #16 Keith Cruiks, formateur Wall Street English et blues man
🇬🇧 #15 Jamie Ritchie, président de Sotheby’s Wine
🇺🇸 #14 Matt McClune, micro-torréfacteur à Saint-Romain
🇳🇿 #13 Hugh Chalmers, entraîneur néo-zélandais du CS Beaune
🇺🇸 # 12 Denis Toner, Beaune in the USA
🇬🇧 #11 Paul Day, sculpteur bourguignon d’adoption
🇺🇸 #10 Tobias Yang, directeur du Château de Chailly
🇺🇸 #9 Becky Wasserman, adieu à une grande dame du vin
🇦🇺 #8 Jane Eyre, ex-coiffeuse devenue Négociante de l’année 2021
🇺🇸 #7 Brittany Black, créatrice d’une librairie anglophone
🇬🇧 #6 Christopher Wooldridge, le docteur vélo et mister bike de Dijon
🇺🇸 #5 Alex Miles, personnage multicasquette et fin gourmet
🇬🇧 #4 Deborah Arnold, Dijon et sa cité des dukes
🇬🇧 #3 Jasper Morris, pape des dégustateurs en Bourgogne
🇦🇺 #2 Kevin Pearsh et ses totems de Commarin
🇬🇧 #1 Clive et Tanith Cummings, protecteurs de l’abbaye de La Bussière