Dans une compétition de très haut niveau, devant une salle comble à Beaune, le sommelier du Spring à Paris est devenu Meilleur sommelier de France. Jonathan Bauer-Monneret a été applaudi comme une star, prouvant que le vin est bien un phénomène culturel.
Par Dominique Bruillot
Ils étaient cinquante, il n’en reste qu’un. Il s’appelle Jonathan Bauer-Monneret et fait les beaux jours du détonnant restaurant Spring à Paris. N’est donc pas Meilleur sommelier de France qui veut.
Maxime Brunet, le régional de l’étape n’a pourtant pas démérité en gagnant sa place dans le top ten de la demi-finale qui s’est jouée dimanche. Celui qui officie avec talent chez le doublement étoilé de Dijon William Frachot, s’il veut remettre le couvert, devra désormais s’armer d’encore plus de courage tant la compétition est rude. Il est resté, avec cinq autres de ses camarades de « combat », sur le banc de touche de la finale. Ce qui est déjà beaucoup, convenons-en.
De fait, on se rend surtout compte qu’un concours de Meilleur sommelier de France, cela ressemble à du show-biz. Les gens se bousculent au portillon pour voir les hommes en noir en découdre. Certains, pensant avoir la bonne invitation, sont même au bord de la crise de nerfs, bloqués à l’entrée.
Incroyable: le métier de sommelier, dans la droite ligne de celui de chef boosté (de manière excessive) par la téléréalité, serait-il en passe de devenir une star des temps modernes? Personne ne le souhaite vraiment, tant cette belle profession doit préserver avant toute chose toute l’élégance et la profondeur qui en font l’étoffe.
Piégés par un gamay!
La salle de la Lanterne magique à Beaune, donne alors le sentiment que se joue, en direct, une formidable joute de théâtre d’improvisation. Avec, sur le ring, les quatre rescapés de l’impitoyable sélection de la veille. Durant une demi-heure pour chacun des finalistes, un non moins impitoyable cahier des charges décliné en plusieurs ateliers, face à une salle comble, pose les règles du jeu.
Les pièges sont là. A l’épreuve de la dégustation à l’aveugle, les candidats font sensation et pourtant… ils se trompent pour la plupart. Le vouvray blanc le premier, déroute ces fins limiers au nez gâté. Le gamay du château des Jacques en Beaujolais (Maison Jadot), glissé au milieu de trois autres bourgognes, piège tout le monde, vainqueur du jour y compris. Tous ont vu en lui du pinot noir!
« Normal, tempère Michel Smolarek, président des sommeliers de Bourgogne et artisan de cette organisation titanesque vinifiée depuis des jours, je me suis moi-même fait avoir par la même bouteille lors d’une dégustation VITAE ». La science du goût et l’interprétation qui va avec sont au-delà des limites de la normalité. Le verdict donne la mesure du défi.
L’excellence est au rendez-vous, pourtant. « Jonathan a été très, très bon sur la proposition du mariage », analyse Michel Smolarek. Il s’agissait de composer, à partir d’une cave présentée sur l’instant, des associations complexes avec des plats emblématiques de la gastronomie bourguignonne (les huîtres de Marc Meneau, les fameuses grenouilles de Bernard Loiseau, la viande de Lameloise), dans un budget cerné.
Sur ce terrain glissant du conseil face à un hypothétique client, le sommelier du Spring à Paris, établissement connu pour la place qu’il donne avantageusement au vin, s’est distingué des autres. Chapeau bas l’artiste! Il est désormais Meilleur sommelier de France pour la vie… et pour le bien de la sommellerie considérée comme un art à part entière sur les terres bourguignonnes. Après tout, ne faisons pas la fine bouche, c’est bien ici que cette profession est née, nous devons nous en souvenir.
Les trois autres finalistes: Mikaël Grou (Georges V à Paris), Jean-Baptiste Klein (Clos des sens à Annecy-le-Vieux) et Florent Martin (Georges V à Paris).
Voir aussi le site de l’Union des sommeliers de France: http://www.sommelier-france.org/concours/actualites/2233-28e-concours-du-meilleur-sommelier-de-france-les-quatre-finalistes-sont
© photo : Jean Bernard