Alors que l’ancien hôpital général se prépare au chantier de la Cité de la gastronomie de Dijon, une équipe de l’Inrap creuse à l’emplacement de l’établissement médiéval primitif qui repose encore sous les bâtiments actuels : l’hôpital du Saint-Esprit, bâti en 1204, sur ce qui était alors une île de l’Ouche. Des vestiges rares et éphémères, à découvrir sur fouilles lors des prochaines Journées européennes du patrimoine (16-17 septembre).
Par Geoffroy Morhain
Le long de l’ancien parking du personnel hospitalier, la végétation reprend déjà ses droits sur le premier chantier archéologique mené à l’automne 2016, côté faubourg Raines, afin de mieux connaitre la vie de ce quartier populaire situé le long d’un bras de rivière aujourd’hui disparu. Désormais, les archéologues toujours un peu pressés de l’Inrap (leur intervention se fait toujours en amont d’autres travaux) se sont déplacés de quelques dizaines de mètres, au cœur même l’hôpital général cette fois. Dans une cour, là où s’étendait encore il y a peu un parterre jardiné, il ne reste plus qu’un puits d’ornement central du XVIIème siècle classé aux Monuments historiques… et un trou béant tout autour où des archéologues s’affairent minutieusement, balayette et truelle à la main, pour dégager les vestiges de bâtiments qui affleurent quelques mètres sous la surface.
Mille-feuilles temporel
Telle un mille-feuilles temporel, la paroi de l’excavation se lit facilement par couches successives : le bitume contemporain en haut, suivi par une chaussée pavée du XIXème siècle, une épaisseur de gravats révolutionnaires, puis quelques siècles de terre avant d’atteindre les pierres médiévales de l’hôpital fondé ici par le pouvoir ducal au tout début du XIIIème siècle et confié a congrégation religieuse du Saint-Esprit. Ayant pour fonction première l’accueil des pèlerins et des enfants abandonnés, cet établissement originel sera rejoint au XVIIème siècle par d’autres institutions hospitalières, réunies ensuite vers 1680 sous le vocable d’hôpital général.
Chaos de ruines au premier abord, le chantier de fouilles prend vite du sens avec les commentaires éclairés de Patrick Chopelain, archéologue à l’Inrap Dijon en charge du chantier : rapidement, murs, puits et cheminées prennent forme, laissant clairement apercevoir la salle des malades (bien plus petite et rustique que celle de Beaune) et sa « cour des fous », la chapelle et le logis du commandeur de l’hôpital, ainsi qu’un complexe hydraulique rassemblant canalisation pluviale, citerne et puits encore en eau.
Le temps est compté
Plus qu’une simple cartographie des lieux, l’ambition est de récolter des informations historiques sur l’univers d’un hôpital médiéval et de ses patients : « Les puits et autres citernes vont être systématiquement fouillés à la recherche d’objets personnels, de souvenirs de pèlerins, de morceaux de vaisselle, voire de squelettes d’enfants… On espère aussi pouvoir analyser des restes de repas et découvrir des trésors dans les latrines, notamment des maladies grâce à la parasitologie. » Après seulement trois semaines de fouille, du mobilier archéologique commence à parler : de superbes carreaux glaçurés de facture ducale, une matrice de sceau d’une grande finesse ayant appartenu à un certain Henri Lebergier, un bouton de métal cuivré en forme de tête de griffon…
Archéologues et visiteurs vont pourtant devoir se dépêcher, car d’ici quelques semaines, les fouilles seront recouvertes pour recevoir un nouveau chantier, celui des cellules commerciales de la Cité de la gastronomie qui seront installées juste au-dessus d’ici fin 2019. Une raison de plus pour ne pas manquer l’occasion de découvrir ces vestiges lors des visites organisées pour les Journées du patrimoine. Pas moins de 2 000 personnes avaient déjà répondu présent pour la visite de la première partie des fouilles l’an dernier, ça risque encore de se bousculer au portillon cette année…
Journée portes ouvertes, le samedi 16 septembre (14-18 h) et le dimanche 17 septembre 2017 (10-12 h et 14-18 h), entrée libre dans la limite des places disponibles (visites de 30 min environ), stand Inrap avec jeux pour enfants et Maison du projet dans la chapelle de l’hôpital général pour patienter si besoin.
Plus d’info au 03.80.60.84.10
L’INRAP, OU L’ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE
En France, chaque année, 700 km2 sont touchés par des travaux d’aménagement du territoire (carrières, terrassements, routes, bâtiments publics et privés…), entraînant la destruction des vestiges que recèle le sous-sol. L’archéologie préventive, en étudiant environ 20 % de ces surfaces permet de sauvegarder, par l’étude, les archives du sol. Ainsi, depuis une trentaine d’années, des milliers de sites, en milieu urbain comme en zone rurale, ont été fouillés, étudiés, comparés. La somme des informations issues de ces fouilles a profondément enrichi la connaissance du passé. Dite « de sauvetage » dans les années 1970, l’archéologie s’est désormais imposée en amont des travaux d’aménagement, avec un cadre juridique précis (la loi sur l’archéologie préventive de 2001) et un maître d’ouvrage, l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) qui opère près de 2 500 chantiers par an. À Dijon, ses archéologues ont notamment découvert un établissement celte lors de la construction de la Lino, ou encore des vestiges de remparts médiévaux sous le chantier du tramway en centre-ville.