Installée dans la plaine beaunoise, la Foudrerie Marc Grenier revendique un savoir-faire unique dans la fabrication de grands contentants en bois de chêne. Si son dirigeant Rémi Sylvain tient autant à cette reconnaissance, c’est aussi pour protéger la profession de foudrier.
Quel est le point commun entre les anis de Flavigny, les pierres taillées de Ducherpozat, la crème de cassis de Gabriel Boudier, les ailes de Robin Aircraft ou les vins de la maison Champy ? Fin du suspense : toutes sont des productions d’Entreprises du Patrimoine Vivant (EPV). On en recense plus de 1300 en France. 83 sont en Bourgogne-Franche-Comté, dont 16 en Côte-d’Or.
La foudrerie Marc Grenier est faite du même bois. Partant de cette intime conviction, l’entreprise installée à Corberon vient de déposer sa candidature à l’Institut national des métiers d’art (INMA). Attribué pour une période de cinq ans après une étude méticuleuse d’experts, ce label d’État reconnait un savoir-faire d’exception, pour des entreprises très attachées à l’excellence et à leur territoire.
L’histoire d’une transmission
Née en 1982, la foudrerie porte le nom de son fondateur. En âge de se reposer, ce dernier a passé la main en confiance et en douceur à la bien nommée famille Sylvain, dès 2015. Gérard Sylvain connait un peu le métier pour avoir fondé en 1957 son premier atelier dans le Bordelais. En 2010, son fils Jean-Luc a mis un pied en Bourgogne en intégrant au giron familial la respectée Tonnellerie Meyrieux. Puis vint Rémi, troisième génération, diplômé de l’Ecole Supérieure du Bois à Nantes, pour prendre naturellement les rênes de cette foudrerie.
À 34 ans, le dirigeant « partage la même philosophie, le même désir de conserver une entreprise à taille humaine et un caractère artisanal fort ». C’est peu dire que ce métier est à haute valeur ajoutée. À mi-chemin entre ébénisterie et charpenterie, il mobilise sur place une douzaine de collaborateurs. Certains sortent des jupons des Compagnons, d’autres sont des briscards aux paumes polies. Tous cultivent un rapport noble au travail du bois. Tous ont le souci du travail bien fait. « 80% de ce que nous faisons provient de nos mains, avec un savoir-faire ancestral gage de qualité, de précision et de finition remarquable des produits ».
Les grumes de bois de chêne (100% français) soigneusement sélectionnées sont débitées à la merranderie familiale de Toucy (Yonne) pour ses foudres. Le merrain finit par devenir douelles, qui formeront le contenant final sous le geste onctueux des artisans : dégauchissage, rabotage, écourtage, dolage, évidage, jointage…
Un besoin de formation
Être foudrier, par exemple, c’est être capable d’assembler, directement dans la cuverie du client faute d’ouverture assez grande, deux immenses foudres ronds de 90 hL. Bref, c’est un métier. Qui peine encore, paradoxe bourguignon, à recruter faute de qualification diplomante. Rémi Sylvain prend le problème à la racine. Il a récemment signé un partenariat avec la Maison Familiale de Beaune-Grandchamp, dans un premier temps pour « officialiser la bonne entente entre les deux parties et la volonté d’envisager une réflexion sur le métier de foudrier ».
Le besoin de formation est d’autant plus urgent que la demande est là. « L’élevage en grands contenants a été (re)découvert par les vinificateurs », confirme volontiers la foudrerie, qui propose des cuves (8 à 100 hL) et foudres (8 à 65hL) impressionnants de pureté, y compris – c’est la grande tendance – dans des formats ovoïdes. La production, rare, correspond à l’exigence artisanale : à peine 200 unités à l’année, qui enfermeront les vins de plusieurs régions viticoles de France et d’une quinzaine de pays. Le patrimoine vivant se mérite.