Alors que les étudiants en soif de démocratie paralysent Hong Kong, un acheteur mystérieux se déleste de près d’1,3 million d’euros pour 114 bouteilles de romanée-conti. Ces voisins d’un jour n’ont sûrement pas trinqué ensemble.
Par Dominique Bruillot
France3 Bourgogne et de nombreux autres médias reviennent en boucle sur cette vente aux enchères du 4 octobre qui, à Hong Kong, a permis à 114 bouteilles de Romanée-Conti d’approcher 1,3 million d’euros. Ce qui, à quelques gouttes près, représente 11000 euros le flacon. L’une des valeurs ajoutées de ce lot reposait essentiellement sur le fait qu’il embrassait l’intégralité des millésimes (6 bouteilles par année) de 1992 à 2010. Soit.
On comprend le bonheur des dirigeants de Sotheby’s, que l’on retrouvera comme chaque année pour de nouveaux « exploits » lors de la prochaine Vente des Hospices de Beaune le 16 novembre prochain. Pour autant, rien ne permet de dire si cette « performance » n’est pas l’une des dernières dans le genre dans cette région dite autonome, mais malgré tout sous autorité chinoise et dont on connaît actuellement la fragilité.
Hong Kong subit l’impatience de sa jeunesse. Au même moment, rappellent nos confrères de France3, « la consommation de vin en Chine a chuté de 2,5% en 2013 » après dix années de croissance, dans un marché qui se tourne aussi vers des bouteilles à prix plus accessibles. Il n’est d’ailleurs pas sûr que l’acheteur de ce lot fabuleux ait eu envie de trinquer avec les manifestants. A plus de 1500 euros le verre, cela semble un peu compliqué.
Mais la romanée conti appartient à la catégorie des fantasmes de l’inaccessible, au même titre que la Ferrari 250 GTO du Français Jo Schlesser, revendue cet été à plus de… 28 millions d’euros! Même si l’on ne peut mettre ni l’une ni l’autre dans les mains de n’importe qui (Schlesser est avant tout un grand pilote), le monde aura beau s’écrouler, il y aura toujours une minorité fortunée pour payer l’exceptionnel avec ce que le commun des mortels considère comme de l’irrationnel. Et il y a fort à parier que d’autres records suivront, quitte à épouser la courbe inverse de l’économie.
Faut-il s’en réjouir pour le prestige de nos vignobles? Faut-il au contraire s’en offusquer et dénoncer l’indécence d’un paradoxe entre un monde qui souffre et une minorité qui profite? Tout cela est l’affaire des philosophes et moralistes en herbe qui nous entoure. On sait simplement que cela peut faire rêver et que le rêve, dans cette histoire est bien la seule chose « gratuite » pour la plupart d’entre nous.