Le Dijonnais Stéphane Leneuf a embrassé une carrière de journaliste spécialisé dans les questions européennes. Il est aujourd’hui rédacteur en chef à France Inter. Son premier roman, L’Aube du mal, met en scène le vibrant destin de Marie Vogel, cheffe d’un réseau de la Résistance dans la Bourgogne occupée de la Seconde Guerre mondiale. Une fiction historique d’une brûlante actualité.
Propos recueillis par Laure Ozon-Grisez
Votre premier roman, L’Aube du mal, vient de paraître aux éditions Michel Lafon. Pourquoi ce titre ?
Dans l’histoire, le mal arrive souvent à l’aube. Les grandes batailles guerrières sont fréquemment déclenchées en fin de nuit, comme l’a fait Poutine sur l’Ukraine. Pour la rafle du Vél’d’Hiv, les policiers sont venus chercher les juifs chez eux à l’aube. En France, quand la guillotine fonctionnait, on exécutait à l’aube. C’est ce que j’ai voulu signifier avec ce titre. Le mal n’arrive jamais par hasard. Il se déclenche dans un facteur temps qui est souvent celui où la nuit s’éteint alors qu’elle démarre pour les hommes, les femmes et les enfants.
Avant L’Aube du mal, vous aviez déjà publié Le Goût d’entreprendre et Le Goût du pouvoir aux éditions François Bourin. Comment s’explique ce passage du journalisme à la littérature, l’essai puis le roman ?
Un journaliste, c’est toujours un peu un enquêteur, comme un romancier… Le déclencheur, ce sont les lieux où j’ai vécu, l’Alsace et la Bourgogne. En arrivant à Strasbourg en 1992 comme correspondant de Radio France au Parlement européen, j’ai découvert une région riche humainement, qui avait vécu une période dramatique de l’histoire, empreinte de l’idée d’une frontière abolie avec l’Allemagne. Des amis alsaciens m’ont raconté que leur famille avait changé quatre fois de nationalité… Mon roman raconte la destinée de deux êtres que tout réunit et que l’histoire sépare : Marie Vogel, devenue cheffe d’un réseau de la Résistance en Bourgogne et Bernhard, Alsacien resté un farouche nationaliste allemand. Le 11 novembre 1918 aurait dû être le seuil de leur bonheur… C’est le début de leur tragédie.
Votre roman mêle habilement fiction, petite et grande histoire…
Le livre se fonde clairement sur un contexte historique, mais aucun fait réel n’y est fictionné. Quand je fais appel à la fiction, c’est pour mettre en œuvre la progression dramatique de mon roman, en appui sur l’histoire : l’avancée héroïque de Marie Vogel qui affronte la barbarie nazie pour retrouver son fils Klaus, chassé outre-Rhin après 1918 avec son père Bernhard.
Votre avant-dernier chapitre, « Le retour des fantômes », résonne comme un mauvais présage… Quels liens entretient votre roman avec l’actualité ?
En 2008, à la mort du dernier poilu, j’ai ressenti l’urgence d’écrire pour raviver la mémoire. Dans notre société de l’instant et de l’urgence, qui plus est à l’heure où les nationalismes réapparaissent en Europe, j’ai voulu lancer une alerte auprès des adultes et des jeunes… N’oublions pas le passé ! Que les deux guerres mondiales ont causé 30 à 40 millions de morts en Europe ! Et tirons-en plus que jamais les leçons.
👉 L’Aube du mal de Stéphane Leneuf, éditions Michel Lafon, 368 pages, 20,95 euros