José Gonzalez, le gérant du Clos Napoléon à Fixin, a développé avec la société dijonnaise BWA une application dématérialisant menus, cartes de vins, réservations et gestion des stocks. Un projet barrière aussi « clean » que bien pensé.
« On parle d’une réouverture le 2 juin si on passe en zone verte, je ne sais même pas comment on va faire, ni comment feront les fournisseurs pour assurer la demande de ce rush prévisible. » La tourmente de la crise sanitaire, José Gonzalez la vit aux premières loges depuis le premier jour de confinement. Mais la perspective de ce retour au service est bardée d’incertitudes : « Le calot sur la tête et les gants en cuisine, il n’y a rien de nouveau en fait, les mesures barrières on les pratiquera. La vraie question c’est comment et combien de temps beaucoup d’entre nous vont tenir avec une perspective d’un tiers du chiffre d’affaires et des engagements historiques basés sur une période ou tout allait bien ? » Le début de la solution a des noms bien connus : exonération des charges, maintien du chômage technique, restitution de fonds propres et tutti quanti. Voilà pour le chapitre économique.
Nouvelle philosophie du repas
José remercie ainsi l’Umih Côte-d’Or pour l’efficacité de son suivi et les conseils apportés durant ce confinement. Il sait déjà que la formule drive perdurera, qu’elle sera l’héritage naturel du télétravail et de nouvelles habitudes prises, capable de préserver une partie de l’activité, « 15% tout au plus ». Il pense aussi adapter sa façon de travailler. Ouvrir plus tôt le matin et proposer de servir à sa table jusqu’à 16h. La référence est voisine : « En Espagne, les administrations se sont adaptées, les gens commencent plus tôt et le repas arrive après une journée de travail, à une heure qui laisse du temps libre ».
On ne fait pas ça pour l’argent, même si on n’est pas contre gagner notre vie, mais bien pour rendre service au secteur CHR qui ne pourra plus travailler comme avant…
Une nouvelle philosophie du repas s’installe. Elle pourrait imposer une baisse de régime au sanctuarisé généreux rendez-vous du midi à la française. Le tout saupoudré d’un culte naissant du circuit court et des produits de proximité « qu’il ne faut pas confondre avec un bio souvent galvaudé, surtout quand il vient du bout du monde ». Plats à emporter et élargissement de la plage horaire, voilà peut-être le mode de vie qui nous attend.
En pensant au nouveau casse-tête subi par ses pairs, le cogérant du Clos Napoléon a toutefois réfléchi à la dématérialisation du service… exception faite des serveurs. José a consacré une grande partie de son énergie confinée à ce projet techniquement développé par la société dijonnaise BWA. « Il sera prêt début juin », assure le néo geek-restaurateur. « On ne fait pas ça pour l’argent, même si on n’est pas contre gagner notre vie, mais bien pour rendre service au secteur CHR qui ne pourra plus travailler comme avant ». Ce projet est d’autant plus « clean » (retenez bien ce nom !) qu’il épargnera tout contact du client avec le papier et éloignera déjà toute source de contamination, sans solliciter financièrement son bénéficiaire.
Véritable outil-média
L’application fonctionne comme un véritable outil-média. Elle permet de réactualiser en permanence, au fur et à mesure des commandes, les stocks en cave, les plats encore disponibles et tout ce qui concerne l’établissement. Le trafic généré par l’application téléchargée à l’envi par les usagers, en sera la source de financement. Mieux, selon les péréquations habituelles d’un système googlisé et donc soumis à la rente publicitaire, José et ses associés annoncent pouvoir redistribuer quelques revenus au restaurateur. Là réside l’originalité de la démarche. Cette gratuité fait le pari du long terme et de l’internationalisation.
Le service sera plus que jamais préservé, car il faudra toujours quelqu’un de compétent pour satisfaire les attentes et bien conseiller le client.
Le potentiel de l’application est infini. Elle a la capacité de livrer des informations sur les allergènes, d’identifier le plat préféré par la clientèle ou offrir aux professionnels une réactivité sans précédent face aux commentaires (de type TripAdvisor) sur le net. Surtout, elle est un excellent outil de gestion. Quant au service, « il sera plus que jamais préservé, car il faudra toujours quelqu’un de compétent pour satisfaire les attentes et bien conseiller le client », résume le patron de l’établissement de Fixin.
La morale de cette affaire ? Il y en a une. On a beau faire, on a beau dire, virtuel et numérique ne font pas le bonheur mais ils y contribuent. Le reste est irremplaçable, Dieu merci ! À l’image d’un bon bœuf bourguignon accompagné d’un fixin extrait de la cave du Clos Napoléon. On peut toujours se passer de la tablette, mais pas de la table, ne l’oublions jamais.
Par Dominique Bruillot