En rachetant la maison de ventes Pierre Bergé, le jeune commissaire-priseur-entrepreneur muscle sa présence parisienne et s’adjuge un tremplin vers l’international. Ce qui ne l’empêche pas d’être profondément attaché à son étude beaunoise, bien au contraire.
Semur-en-Auxois, Beaune, Nancy, Paris. Depuis 2019, au fil des implantations, Alexandre Landre grandit avec vitesse et méthode. Sa société de vente aux enchères repose d’abord sur une organisation familiale : l’acte administratif et logistique, ô combien sensible, est confié aux grands frères François, spécialiste en fiscalité, et Charles, à la tête d’une entreprise de transport. Alliée sur le terrain de la culture, la maman Florence veille à l’entente collective. Viennent ensuite des directeurs de départements et clercs spécialisés, à même d’intervenir sur des secteurs bien distincts : vins, montres, bijoux, luxe, chevaux, art nouveau…
Sous ses dehors iconoclastes habillés d’impeccables costumes italiens, le jeune professionnel (millésime 90) défend une approche humaine et territoriale de sa corporation, qui doit s’intéresser « aux personnes et aux objets, dans cet ordre de priorité ». Le style fonctionne. L’entreprise représente aujourd’hui une petite quarantaine de collaborateurs et un volume d’affaires qui, en millions d’euros, se considère désormais à deux chiffres.
Depuis son étude beaunoise de la place Monge, Alexandre Landre a donc construit « une base saine et solide, qui permet de projeter nos opérations ailleurs ». Cet ailleurs ne peut être que Paris.
À Paris, Balzac comme guide
Formé à la capitale chez Artcurial, Alexandre y avait déjà installé une succursale au printemps 2022, dans le VIIe arrondissement, rue de Bourgogne, comme le fit avant lui une célèbre famille de Saulieu. Mais le vrai tournant de l’entreprise Landre remonte à mars 2023, quand son dirigeant rachète à la barre du tribunal de commerce Pierre Bergé & Associés. Fondée en 2002 par l’amour d’Yves Saint Laurent et le grand commissaire-priseur Raymond de Nicolay, installée sur la très chic avenue Kléber entre l’arc de Triomphe et le Trocadéro, mais plombée par des déboires judiciaires et une faillite inévitable, la « belle endormie des maisons de ventes françaises » ne manque alors pas de convoitises. Le Beaunois bataille contre des gros poissons de la profession : « J’ai fait la meilleure offre car j’y croyais le plus. Cette maison spécialisée, très tournée vers l’art contemporain, s’est toujours distinguée par un souci esthétique permanent », détaille l’acheteur, qui va bien entendu conserver le nom de la maison d’enchères pour se présenter sur le marché du très haut de gamme et à l’international.
Cette année, transitoire et besogneuse, a d’abord permis de « remettre sur un chemin vertueux une entreprise malade, de la peinture des locaux aux ressources humaines les plus délicates ». Avec cette reprise, Alexandre Landre bénéficie en outre de nouveaux réseaux privilégiés, à Bruxelles et Marrakech notamment, dont le petit monde des enchères entendra parler prochainement.
À Beaune, la vie et le vin
Le commissaire-priseur rejoue donc, d’une certaine manière, Jean sans Peur à l’assaut de Paris. En amateur d’histoire ducale, le Bourguignon tempère aussitôt. Il a lu Balzac et connait l’histoire du jeune provincial épris de gloire qui finit mal : « Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes sont devenus mes manuels de survie ! »
Vive la province, donc. Avec son ami spécialiste de l’encadrement de luxe Patrick Zortea, originaire comme lui du 71, il projette même de fédérer « un club des Bourguignons de Paris ». Bonne idée. La diaspora est là, à commencer par « sa » maire du VIIe, Rachida Dati, de souche chalonnaise.
Du lundi au jeudi, Alexandre Landre travaille à la capitale, voire à Nancy et même à Strasbourg ces derniers temps, où une nouvelle étude est prévue. Le reste est consacré à la capitale des bourgognes. Sur ce point, les choses sont claires : « Le second marché du vin est à Beaune, comme pour les diamants à Anvers ou les chevaux en Normandie ! »
Le troisième week-end de novembre a donc été sacralisé. L’an dernier, 34 bouteilles d’Henri Jayer étaient passées sous son marteau contre plus de 200 000 euros (frais inclus). Cette année, place Monge, ce sera au tour de chartreuses d’exception et d’une cave d’un restaurant étoilé parisien, soit 1 200 flacons aux noms évocateurs (Romanée-Conti, Coche-Dury, Roumier, Rayas, Château Latour…). Les collectionneurs, de Paris ou d’ailleurs, feraient bien de se payer une descente aux enchères.