Salé ou sucré ? Bertrand Gueucier est à l’aise sur les deux terrains. Encore plus quand il s’agit de confronter ces propositions à du crémant de Bourgogne. Pour DBM, le cuisinier du tout frais Bistrot des Falaises à Saint-Romain en apporte une éclatante démonstration : il est pâtissier de formation et gourmand de confession.
À l’ombre des falaises de Saint-Romain, Bertrand Gueucier est en effervescence. Depuis son premier service le 12 août, le jeune chef (31 ans) se fait plaisir, libre comme le vent qui s’engouffre dans ce cirque de l’arrière-côte de Beaune. Bien avant de monter son « bistrot de campagne », il se voyait boulanger. Puis il a pris un premier chemin de traverse vers la pâtisserie. De ses études en Saône-et-Loire (il vient de Cluny) et un apprentissage chez Carrette à Tournus, il a gardé le goût du geste et la persévérance. Mais c’est à Gevrey-Chambertin, chez Thomas Collomb, que Bertrand a éveillé définitivement ses instincts de cuisinier. « Un gros déclic dans l’approche du produit », résume l’intéressé, propulsé ensuite dans des établissements beaunois réputés (Maison du Colombier et Table du Square).
En avant Guingamp !
Cette période a forgé sa personnalité. Sous ses dehors décontractés, Bertrand est soucieux d’entreprendre. Les envies d’émancipations sont propres à sa génération. Alors, quand l’ancien hôtel- restaurant Les Roches, jadis tenu par Guillaume Crotet (nom connu de la côte) se cherche un nouveau destin, ses iris bleus perçoivent tout de go « l’opportunité d’en faire un chouette petit bistrot de campagne, avec une carte de produits locaux resserrée, qui change une fois par semaine, et en avant Guingamp ! ».
Le résultat est là. Une ambiance cosy, rustique, sans les flonflons que l’on peut trouver plus près de la côte, avec un bar en douelles « dans un esprit récup » et une agréable terrasse baignée de soleil donnant sur la petite place de la mairie. Saint-Romain est un village bucolique, blotti dans son refuge calcaire, adoré des randonneurs. Nombreux y trouvent l’occasion rêvée de « bien manger sans laisser son budget du mois, avec entrée-plat-dessert à 22 euros. » Une trentaine de couverts est à satisfaire. La mesure et le bon sens sont à la carte.
Saint-Romain en force !
Dans le même temps, sans avoir besoin de se forcer – Beaune fut une bonne école pour ça – Bertrand soigne sa proposition vineuse. « Par exemple, tous les vignerons de Saint Romain sans exception sont à la carte, j’y tenais dès mon installation. » Saine attitude. Pour faire le lien en salle, le chef compte sur « une vieille connaissance », Corentin. Son chef de salle a une solide expérience en sommellerie.
Il est un pilier de la maison, de même que le reste de la « tribu », comme l’appelle affectueusement Bertrand : d’abord, comment l’oublier, il y a Elsa, sa compagne en charge de l’administratif, qui garde en toute circonstance un œil bienveillant sur la situation. Puis le jeune et appliqué Hugo en cuisine. Et enfin Marion, qui veille que tout soit nickel à la plonge et sur tous ces petits riens si essentiels à la vie d’un restaurant. Cette petite équipe a trouvé son rythme de croisière. Elle prend plaisir à accueillir en toute simplicité. L’assiette est une retranscription fidèle de cette harmonie. Jugez plutôt.
> Bistrot des Falaises à Saint-Romain. Fermé mardi mercredi. Menu complet à 22€. Tél. : 06 72 67 99 11.
SALÉ
Un potimarron cru (Épicerie Paysanne à Beaune), tranché très finement, avec un silure de Saône fumé, des noisettes du Piémont, quelques pickles de radis daïkon (Laurent Berger à Villy-le-Moutier), un peu de poudre de girolles (Ferme aux Champignons à Nolay) et de la pimprenelle ramassée ce matin au levé du jour. Le tout rehaussé d’un petit jus au vin rouge.
LE CHOIX DU CRÉMANT
« Ce plat joue sur les codes réconfortants de l’automne. Le fumé du silure donne un côté enveloppant qu’il fallait contrebalancer avec un vin assez cinglant. J’ai choisi le crémant de Bourgogne d’Agnès Paquet, installée à Meloisey. C’est un assemblage de quatre cépages : chardonnay, aligoté, pinot noir et gamay. Sa vivacité est un support idéal au plat. »
SUCRÉ
Les dernières mûres de la saison réduites en coulis, quelques fraises de chez Laurent Berger, des bourgeons de sapin au vinaigre (cueillis par Kojak), des morceaux de sablé breton pour le crunchy, une délicieuse huile de pistache bio (La Goutte d’Or du Plateau à Varennes-Saint-Sauveur). Le tout surmonté d’une mousse de yaourt de brebis (Ferme du Jointout, sur le marché de Beaune) et un peu de reine des prés séchée.
LE CHOIX DU CRÉMANT
« Le crémant de Céline et Laurent Tripoz a une trame plus vineuse, complexe, à la limite de l’oxydatif à mon sens. Comme le yaourt et les pickles de bourgeons de sapin ont gardé une certaine acidité, leur opposer le réconfort de ce vin est une bonne idée. »