Laetitia et Jérémy Daguet élèvent de jolis poulets bios à Ancier, en Haute-Saône. D’un battement d’ailes, les Super U d’Arc-sur-Tille et de Sennecey se sont rapprochés d’eux pour proposer un produit rare à leurs clients. Vous avez dit « circuit court » ?
Par Dominique Bruillot
Pour Dijon-Beaune Mag #65
Photo : Christophe Remondière
Une fois à Gray, vous avez franchi l’ancienne frontière entre Bourgogne et Franche-Comté. Un peu plus loin c’est Ancier, village typique de ces grandes plaines de la « Haute-Patate », entendez respectueusement la Haute-Saône, où l’agriculture se répand à perte de vue. Tout petit déjà, Jérémy Daguet avait ainsi tracé son destin. « Je voulais être agriculteur ! », revendique ce jeune homme qui, en 2003, du haut de sa vingtaine de printemps, se lance dans la reprise de l’exploitation de son oncle.
À l’époque, cela se résume à une soixantaine d’hectares et une trentaine de vaches allaitantes. « Trop juste pour se donner un salaire », analyse avec lucidité Jérémy. C’est alors que déjà soutenu par Laetitia, celle qui deviendra la mère de ses deux enfants et qui n’a pas encore 18 ans, il s’intéresse au gibier d’élevage et effectue un stage dans une faisanderie de la Nièvre. Riche idée !
Treize ans plus tard, le couple sait que « le bonheur est dans le pré », en référence à une émission que les deux éleveurs aiment bien regarder, avec un minimum de discernement toutefois, il ne faut pas exagérer. La pétillante Laetitia vient tout juste de quitter son emploi de comptable pour rejoindre enfin pleinement son mari. Elle est plutôt fière de voir ce que la ferme est devenue : « Nous sommes des agriculteurs inscrits dans la modernité ambiante, nous respectons le produit tout en nous préservant une véritable qualité de vie. »
Le bal des cous nus
En témoigne la vaste et jolie maison qu’ils viennent à peine de construire devant leurs prés, et la joie contagieuse des deux « poulbots » qui courent après la volaille en liberté. Outre les 80 hectares qui constituent le socle foncier de l’exploitation, 120 limousines avec veaux et génisses en pleine santé, 6 000 faisans et perdrix qui régalent les amateurs du genre, la population de cette immense basse-cour accueille dans ses rangs 1 400 poulets de noble souche. Et ce n’est qu’un début. Un début, car depuis que Benoit Willot a rencontré le jeune couple, les choses ont évolué d’un battement d’ailes. Les cous nus, ainsi nommés en raison de leur long col imberbe, sont nourris au naturel. Et ça se voit. Quand ils approchent les trois kilos, on siffle pour eux la fin des vacances et on les destine à la casserole. Tel est leur destin, aussi haut de gamme fut-il. C’est cette démarche, cette qualité, qui a intéressé immédiatement le patron de Super U à Arc-sur-Tille et Sennecey. Benoit Willot y pensait depuis longtemps, car « il nous fallait un produit rare, qui peut accompagner les grands événements et mettre en avant nos fiertés territoriales. »
100 % court
La fierté est un moteur pour nos éleveurs. Particulièrement pour Laetitia qui adore rapprocher les volatiles chouchoutées chez elle des « poulets de nos grand-mères ! » Comme pour Jérémy, la jeune éleveuse savait depuis longtemps que sa vie serait liée à la terre.
Elle en parle avec enthousiasme, tout en restant comptable… d’une certaine façon de voir les choses : « Ce rapprochement avec une grande surface n’est pas contraire à notre philosophie, notamment parce que nous sommes partisans du zéro gaspi, et lorsque nous avons échangé avec Benoit, nous avons tout de suite compris que cet accord nous permettrait de gérer au mieux nos flux. »
Bien sûr, tout cela à un prix. « Je n’ai pas discuté le prix d’achat, il faut que tout le monde vive correctement de son travail », promet Benoit Willot. Du coup, pour une belle volaille de trois kilos, il faudra compter une quarantaine d’euros. Parce qu’elle le vaut bien !