L’Hôtel Bouchu dit d’Esterno est le plus important bâtiment parlementaire construit au XVIIème siècle à Dijon. La finesse de son architecture traduit à la fois une volonté de prestige de son commanditaire Jean Bouchu, président du Parlement de Dijon, et l’expression du talentueux architecte local Pierre Le Muet, à qui l’on doit par ailleurs le château de Tanlay.
Par Eva-Marie Debas
Rubrique « Chouette Secret »
en partenariat avec l’office de tourisme de Dijon
Au croisement de la rue Monge et de la petite rue Brulard, sous le jugement imposant de l’église Saint-Jean, se trouve un hôtel très particulier. Vous ne voyez pas ? La propriété est certes privée, mais on peut accéder librement à ses jolis jardins, depuis une imposante porte d’entrée bleue couronnée de deux angelots. Tous les Dijonnais sont déjà passés devant sans forcément y prêter attention ! À l’intérieur, le parterre de fleurs, le lierre et les statues d’époque s’y mêlent pour offrir une sorte de bulle style Ancien Régime.
Réceptions, cours et QG
En 1641, le président au Parlement de Dijon, Jean Bouchu, achète l’hôtel de Molesme qu’il fait démolir pour édifier une demeure fastueuse dédiée aux réceptions. Un président doit savoir recevoir. Naît alors celui que l’on appelle aujourd’hui l’Hôtel Bouchu dit d’Esterno, membre d’une longue liste d’hôtels érigés par les parlementaires pour affirmer leur préséance. À cette époque, et depuis l’installation du Parlement de Bourgogne (alors renommé parlement de Dijon) dans la cité ducale en 1480, les hôtels entre cour et jardin se multiplient, dotant ainsi la ville d’un prestigieux patrimoine architectural.
Des réceptions plus tard, l’hôtel, échu au fils ainé du président, revient au petit neveu de ce dernier, le Comte de Tessé. Sorti de la famille et vendu à plusieurs reprises, il tombe plus tard entre les mains de la famille d’Esterno, dernière propriétaire avant le rachat de la Ville en 1884. L’hôtel accueillera alors un lycée de jeunes filles, puis le conservatoire de Musique avant que l’armée n’y installe son quartier général. Aujourd’hui réinvesti par la Ville de Dijon, l’endroit abrite toute sorte d’association dont Icovil (Institut pour une meilleure connaissance de l’histoire urbaine et des villes) ou, temporairement, les équipes de La Vapeur.
L’expression de Pierre Le Muet
Achevé en 1643, le bâtiment ne garde de l’ancien hôtel que ses sous-sols et se compose alors d’un grand corps de logis central encadré de deux ailes faisant retour sur le jardin. Son architecture toute en sobriété rappelle la signature du Dijonnais Pierre Le Muet, nommé architecte du roi en 1616 et considéré comme un des meilleurs de son temps. En Bourgogne, on lui doit notamment le château de Tanlay. Cependant, aucun texte ne permet de lui attribuer assurément sa construction, comme le souligne avec précaution la plaque d’information du secteur sauvegardé.
De l’hôtel particulier, on retiendra la finesse du décor de ses appartements. Passé l’escalier en fer à cheval au centre de la cour, on accède au rez-de-chaussée composé de deux salons qui se partagent le corps de logis. Boiseries en plafond datant du XVIIème siècle, décors antiques, motifs pompéiens en trompe-l’œil… Plusieurs éléments donnent à voir les origines parlementaires et nobles de la grande demeure. La cheminée d’époque en marbre noir mouluré, réduite à un chambranle peu saillant supporté par des jambages, serait aussi à clin d’œil à Le Muet, qui aurait eu l’idée originale de ménager les conduits de fumée dans l’épaisseur des murs. Dijon entre les pierres, c’est une longue histoire.