Les vaillants guerriers romains et gaulois de la Galerie des Combats ont été symboliquement mis à terre, huit années après leur installation au MuséoParc Alésia. Ces géants de 3 mètres retombent dans l’oubli, laissant le champ libre à la future exposition qui sera très archéologique. DijonBeaune.fr a reçu un message de détresse du tribunus militum Antonius. Nous le publions.
Propos recueillis pas Domenicus Bruillotus
« Veni, vidi, vici. Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu. Ainsi parlait mon super patron, un général un brin mégalo, quelque temps après avoir mis la pâtée de leur vie à ces diables de Gaulois. On ne peut pas lui donner complètement tort. J’y étais, moi, à Alésia, en -52. Nous avions mission de mettre un terme à la guerre des Gaules. Armés jusqu’aux dents, casqués et remontés comme des pendules.
Cela faisait six bonnes années qu’on croisait le fer loin de nos maisons, à la conquête de nouveaux espaces. Mais ici, dans ce grand cirque de douleur et de chair meurtrie, le fer c’était l’enfer. Je me souviens de ce fier Gaulois, un grand chef auquel on attribuera plus tard, abusivement, de ridicules moustaches pour mettre un poil de fantaisie au récit de sa vie. Vercingétorix, qu’il s’appelait. Nous l’avions encerclé avec ses hommes. Puis emprisonné avec 35 km de talus et de lignes de défense.
Fossés, palissades, tours et pièges en série… ces valeureux guerriers ne pouvaient plus rien face à la perversion géniale de nos stratèges. Nous n’étions pourtant que 60 000, soit cinq fois moins nombreux qu’eux avec leurs armées de secours. Mais ils étaient faits comme des rats.
Michel Rouger et Marc Frot durant le démontage de la Galerie des Combats au MuséoParc Alésia © C.Müller-Wille et D.R.
Ave Marc, ave Michel !
Le monde s’en remettra. L’ère gallo-romaine signera le point de départ d’une nouvelle civilisation. 2000 ans passent, on revient toutefois venu rechercher certains d’entre nous, des géants transformés, statufiés dans une drôle de matière, du « polystyrène » me semble-t-il. À nouveau enrôlés, dans les deux camps, pour honorer la mémoire de l’un des plus sanguinaires champs de bataille de l’histoire du monde.
Veni, vidi, vici. Ô grand César, tu ne pourras plus le dire aujourd’hui. Moi, ton fidèle serviteur, je viens d’être brutalement mis à terre. On m’a tranché en plusieurs morceaux, avec ce qu’ils appellent une scie circulaire, sous prétexte que j’avais fait mon temps dans cette nouvelle vie. Avec mes « collègues » Gaulois, nous avons été logés à la même enseigne, mis dans le même sac, traités sans aucun égard. Comment les appeler autrement que « collègues », ces vieux Gaulois fatigués ? Ils ne sont plus mes ennemis. Ils sont devenus des compagnons d’armes admirés par de nombreux curieux dans cette drôle de construction circulaire d’un autre temps, immense et sidérale.
Je les entends, Michel et Marc (ndlr, Michel Rouger et Marc Frot). Ils sont les deux chefs de ce grand chantier. L’un dirige, l’autre représente l’institution propriétaire de lieux, qu’on nomme Conseil départemental. Marc en est donc l’un des membres éminents. On ne l’appelle pas sénateur mais président. Tous deux semblent désolés de me voir à terre. « Nous ne pouvions pas faire autrement », me soufflent-ils à l’oreille. Moi et mes camarades de combat retournerons donc une nouvelle fois au rebut, en plusieurs morceaux, dans l’oubli et le noir, en attendant de savoir ce qu’on fera de nous plus tard.
Mort une deuxième fois
Triste destin pour celui qui a fait preuve d’un courage sans limite. Mais cela n’a rien d’étonnant. Ils sont tellement différents de nous aujourd’hui, nos descendants, qu’ils ont pour pire ennemi un truc invisible, un Coronavirus. Un nom qu’aurait d’ailleurs pu porter l’un de nos centurions.
L’emblématique Galerie des Combats a rendu les armes, elle n’est plus. Tout comme l’exposition temporaire qui, tous ces mois, aura permis de scruter nos modes alimentaires, à nous les Romains et les Gaulois. Huit ans après notre retour en force, le MuséoParc (quel nom bizarre !) prend un nouveau virage, explique-t-on pour justifier notre deuxième mise à mort.
Il se dit « qu’une nouvelle scénographie va prendre place ». Une certaine Clémence Farrell en serait le concepteur. En juin prochain, l’archéologie sera au cœur de l’exposition permanente. Plus d’un million d’euros ont été investis dans l’affaire. Je ne sais pas ce que ça fait en as de bronze, notre vieille référence en la matière, mais ça semble être beaucoup. C’est le prix de notre condamnation. »
Antonius, tribunus militum
pour César, à Alésia, 2020 années après J.-C.
Modélisation de la nouvelle scénographie de l’expo permanente au MuséoParc pour 2021 ©Agence Clémence Farrell