La confirmation, le lundi 10 février à 19 h, de la fermeture définitive de la Lib’ de l’U n’est pas vraiment une surprise. Marie Grandchamp et son équipe (23 employés), invitent les fidèles de la librairie le même jour, à partir de 18 h, à partager un adieu poignant. Les mots dits sont parfois plus forts que les écrits. Témoignage.
Il y a, dans la voix de Marie Grandchamp, cette retenue, ce stoïcisme de ceux qui vivent une tragédie et contiennent leurs émotions pour faire face. Une ultime dignité face au choc. Bien sûr, la directrice de la Lib’ de l’U se doutait, depuis samedi dernier et l’absence de dossier de reprise, que son établissement n’avait guère de chance de survivre à la liquidation judiciaire des librairies du réseau Chapitre dont la Lib’ de l’U faisait partie. C’est une chose de le savoir, une autre de le vivre… « Je ne vous cache pas que c’est une période très difficile pour nous « , avoue-t-elle simplement.
Certes, comme elle le dit, « on ne refait pas l’histoire « , mais comment expliquer la disparition de ce pilier de la vie culturelle qui faisait partie de la vie des Dijonnais depuis 60 ans ? « Evidemment un problème de modèle économique, analyse-t-elle en parlant de la stratégie adoptée par le groupe Actissia (numéro 2 de la distribution de livres en France qui au travers de sa division Actissia retail gérait le réseau des librairies Chapitre, ndlr). On n’impose pas le même modèle à des librairies de 800 mètres carrés ou à une autre de 1500 mètres carrés comme c’était le cas pour celle de Dijon. »
La directrice de la Lib’ de l’U déplore aussi une absence de moyens octroyés par la maison mère à l’ouverture de la librairie Grangier, à une centaine de mètres, « quelque chose pour que nous puissions mettre en place une réelle concurrence, proposer d’autres choses. J’avais beaucoup d’idées là-dessus… » Les éditeurs ont ajouté leur pelletée de terre dans la fosse, puisque nombreux sont ceux qui ont refusé de fournir de la marchandise, même avec l’assurance d’être payés… On ajoutera un loyer élevé pour les 1500 mètres carrés de locaux en plein centre-ville commerçant, ainsi qu’une facture pour la mise en conformité de ceux-ci (notamment pour permettre l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, obligatoire en 2015 pour les établissements recevant du public, ndlr) carrément vertigineuse qui a découragé d’éventuels repreneurs.
Pourtant, des discussions ont eu lieu, même si elles sont restées discrètes : dès le début d’octobre, Marie Grandchamp rencontrait par l’intermédiaire de François Rebsamen l’agence de développement du Grand Dijon. Un projet de reprise par les salariés, sous forme d’une Société coopérative et participative (SCOP) avait même été évoqué dans la presse… « C’est un projet complètement abandonné aujourd’hui, dit simplement Marie Grandchamp. On ne fait rien tout seul… »
Des adieux ce lundi
Que va-t-il advenir des 23 salariés dont certains – Marie Grandchamp la première – travaillent depuis plusieurs dizaines d’années à la Lib’ de l’U’ ? « Il y aura peut-être des solutions pour ceux qui sont mobiles, analyse la directrice de la librairie. Mais pour ceux qui ne peuvent partir… je ne vois rien dans le secteur du livre à Dijon. C’est une période très difficile pour nous tous, surtout dans un travail comme celui-ci, qui est aussi fait d’affect, de liens privilégiés avec les clients… »
C’est donc pour ces derniers, les fidèles, que l’équipe de la Lib’ de l’U organise une soirée d’adieux lundi 10 février à partir de 18 h. « Ça va être un moment d’émotion, nous le savons, mais on leur doit bien ça, conclut Marie Grandchamp. Et après… il nous faudra du temps. Nous allons devoir faire notre deuil. »