L’Encas est principalement fréquenté par des apprentis, des enseignants et du personnel pédagogique. La brasserie de l’Ecole des Métiers est aussi un chantier d’insertion adepte du circuit court, qui impose ses « lundis verts » et se fournit en bio à Quetigny, auprès d’un autre chantier d’insertion, les Jardins Pré Vert. Philippe Kohser en est le chef d’orchestre.
Par Dominique Bruillot
Pour DBM79
Chaque jour, du lundi au jeudi et en deux services, ils régalent 40 à 70 convives : profs, apprentis, employés de l’Ecole des Métiers et visiteurs qui ont réservé. L’Encas n’est pas une brasserie comme les autres. Depuis 2003, elle assure un service impeccable, avec un statut particulier puisque ses employés, six à huit en moyenne, évoluent dans le cadre d’un chantier d’insertion. Philippe Kohser en est l’animateur et le patron depuis les origines. Cet ancien serveur a baroudé dans de nombreux établissements. Jusqu’à ce jour de 1998 où, à la demande de la Caisse d’allocations familiales, qui souhaitait assurer la restauration des enfants en séjour au Lac de Sathenay par le canal de l’insertion, il se découvre une vocation pour ce genre de mission. Avec une ligne de conduite infaillible en ce qui concerne les publics concernés : « Il faut que leur projet se rapproche de plus en plus de ce que l’on fait ! »
Briser les tabous
Ici, tout est produit sur place. Orientés par la mission locale ou Pôle emploi, les intervenants ont des histoires et des âges très différents. De 18 à 58 ans, certains sont d’origine étrangères, d’autres affrontent des situations personnelles complexes. À l’Encas, ils sont tour à tour en cuisine, à la mise en place, à l’entretien ou à la plonge. Y’a pas que son métier !
L’Encas est, avec la blanchisserie et la couture, l’un des trois chantiers d’insertion conduits par l’Ecole des Métiers de Dijon Métropole. « Nos employés viennent généralement avec un contrat de quatre mois qui nous permet d’étudier leur projet, que l’on renouvelle par un autre contrat de 8 mois si tout va bien », explique Philippe. Ce passage par la brasserie peut aller jusqu’à deux ans, jamais au-delà, « mais le taux de réussite est très aléatoire, pour des raisons diverses, qui viennent parfois de la personne elle-même, mais aussi des réactions qu’elle provoque ».
Ces réactions, on l’imagine facilement vis-à-vis d’un public en difficulté, sont parfois d’ordre physique. L’âge, l’aspect et l’image de l’insertion freinent les ardeurs. Avant d’être véritablement cuisinier, serveur ou agent de restauration, le candidat au retour à une vie professionnelle dite « normale », est confronté aux nombreux tabous inhérents à son statut de personne en situation d’insertion. « Heureusement, nous avons autour de nous quelques beaux établissements qui jouent le jeu et sont ouverts à l’alternance ou à des stages, comme le Grand Hôtel La Cloche », constate le patron.
Mantou 100% fait main
Il y aussi le barrage de la langue, que l’Encas contourne de bien des façons. « Selon les profils, nous intégrons des cours de français… Après tout, nous sommes bien placés pour ça », s’enthousiasme le maître des lieux, qui voit en cette cohabitation des cultures, une source de richesses supplémentaires : « Je me souviens de ce repas chinois préparé et servi par une femme dans la belle tenue de son pays, ou encore de ce fabuleux ‘‘mantou’’ (ndlr, sorte de raviolis constitués de viande hachée avec coriandre, cumin et tomate) entièrement concocté par Jamshid, un Afghan. » La pédagogie s’installe à tous les niveaux et à double sens. Elle s’appuie sur la diversité des intervenants mais aussi sur un état d’esprit qui fait place au bio et au circuit court. Le lundi, par exemple, c’est « lundi vert ». L’Encas livre un repas sans viande.
« Ça tique plus au niveau des profs qu’à celui des élèves », s’amuse Philippe, qui peut inclure dans cette proposition végétale, les productions d’un autre chantier d’insertion lui aussi financé par le Conseil départemental de Côte-d’Or et le Fonds solidaire européen, Le Pré Vert à Quetigny. Ce dernier, labellisé bio, envoie chaque semaine à l’Encas ses prévisions de récolte pour la semaine suivante. « On passe commande et ils nous livrent », raconte simplement le responsable de la brasserie, qui envisage sérieusement de convier les employés de Pré Vert à déguster ce que l’École des Métiers fait de leurs produits. Un lundi de préférence, on suppose… D’ailleurs, tout un chacun peut y aller. Pour les gens de l’extérieur, qui réservent depuis le site de l’École des Métiers, il en coûte 11 euros, boisson et café compris. Imbattable !