Interview. A quelques jours du grand événement qu’il organise avec ses camarades jeunes agriculteurs, Lucien Rocault, agriculteur et céréalier dans la vie de tous les jours, nous l’annonce clairement: « La Ferme de JAnne est une formidable opération de communication autour de nos métiers ». Creusons avec lui le sillon du rapprochement entre ville et campagne…
Photo: Clément Bonvalot
La Ferme de JAnne déplace le monde agricole au cœur de la ville. On en est donc là pour se comprendre entre paysans et urbains?
Nous souhaitons amener la campagne en ville non pas pour que les urbains et les paysans se comprennent, mais pour rappeler le rôle de l’agriculture dans le quotidien de tout un chacun, rappeler que le consommer bon et local, cela reste la base du bien-être et de bonheur. Montrer que nous savons produire bien et bon.
L’événement est porté par les Jeunes Agriculteurs de Côte-d’Or. Ont-ils un discours radicalement différent de celui de leurs aînés?
Les « JA » n’ont pas un discours radicalement différent des aînés: il y a des gens qui savent s’adapter à leur époque, de toutes les générations. Notre rôle de jeune syndicaliste est d’ouvrir la voie de l’adaptation, d’être force de proposition et essayer de toujours faire partie de ces gens qui savent prendre les évolutions comme quelque chose de positif.
Allons-nous bientôt sortir d’un système subventionné pour l’agriculture? Avez-vous bon espoir ou cela doit-il durer?
La fin des aides compensatoires et non pas subventions arrivera un jour ou l’autre. Le problème est que sur le marché mondial nous ne sommes pas compétitifs, avec nos charges, notre lourdeur administrative. Nous aurons du mal sans ces aides. Pour ne pas être en contradiction avec la question précédente, nous prônons une agriculture de qualité qu’elle soit destiné à la consommation locale ou au grand export. L’agriculteur est avant tout un producteur: si certains préfèrent les circuits courts, d’autres ont besoin de déléguer la commercialisation. Nous n’avons pas tous la fibre commerçante!
En toute sincérité, un gamin de la campagne, au fin fond de l’Auxois ou de la plaine de Saône, a-t-il plus de chances de s’en sortir qu’un môme d’un quartier chaud d’une grande agglo?
Une fois encore, l’adaptation à la société dans le monde dans lequel nous vivons est indispensable. A l’heure actuelle, tout se passe sur internet. Tout va très vite, nous sommes ultra connectés, quand bien nous pouvons nous connecter car les réseaux sont bien moins développés en campagne qu’en ville.
Le week-end prochain, vous débarquez avec tracteurs et moissonneuses du troisième millénaire… ce sera donc une démonstration de force pour casser les idées reçues?
La démonstration de force se fera avant tout par l’ampleur de l’événement (1km de manifestation, 400m2 de culture, des vaches au coeur du Parc de la Colombiere…). Le matériel sera plus là pour présenter notre métier, expliquer comment nous nous servons de la technologie pour produire de la manière la plus propre possible. Pour casser les clichés nous avons fait appel à un metteur en scène qui a créé un spectacle autour des idées reçues sur le monde rural et paysan. La ferme de JAnne est avant tout une opération de communication sur notre métier.
Dans la monde agricole, il y a les militants acharnés du circuit-court (qui d’ailleurs se rapprochent d’un certaine partie de la population urbaine), et les autres. Ces deux mondes sont-ils fait pour cohabiter?
Sur les circuits courts, j’ai déjà répondu en partie précédemment. Les deux modèles sont complémentaires, on ne peut pas les opposer. Il y a un véritable engouement pour les circuits courts et c’est une très bonne chose. Le consommateur prend conscience de ce qu’il a dans son assiette. Les exploitations, avec un système plus traditionnel, ont un véritable rôle à tenir dans l’écologie et l’économie nationales.
Auriez-vous aimé naître et vivre dans une grande ville?
Vivre dans une grande ville est formidable… ponctuellement et à condition d’avoir un certain pouvoir d’achat. Mais j’ai grandi à Orches, petit village des Hautes Côtes de Beaune, je suis la 18ème génération de viticulteurs et agriculteurs de la famille. J’ai toujours vécu avec de l’espace et du calme autour de moi.
Avec l’organisation de la Ferme de Janne nous avons, mon équipe et moi passé beaucoup de temps à Dijon, nous avons découvert le secteur tertiaire dans lequel nombre d’urbains travaillent. Le retour sur l’exploitation est toujours un vrai bonheur, remonter sur le tracteur, dans une vigne ou un champ ou le téléphone ne capte pas, aller tailler ou palisser les vignes et laisser place aux vagabondages imaginaires dans un cadre splendide, je l’échangerais pour rien au monde.