La France des Maires ruraux s’invite en Côte-d’Or

Du 26 au 29 septembre, les villages d’Arceau et Saint-Julien recevront le congrès national de l’Association des Maires Ruraux de France. L’AMRF est une armée discrète et travailleuse de 13 000 élus qui entretiennent le jardin de la France. Son « Grand atelier » dialogue désormais avec le sommet de l’État pour faire entendre, une bonne fois pour toutes, que le bon sens rural, c’est l’avenir du pays.

Michel Fournier (à gauche), alors secrétaire général de l’AMRF, et son ancien et regretté président Vanik Berberian, le 14 janvier 2019 à Paris, reçus par Emmanuel Macron pour une réunion rassemblant plusieurs représentants de cette association qui œuvre pour la « France des oubliés ». © Abaca Press / Alamy Stock

18 avril 2018, Les Voivres, Vosges, France. Michel Fournier, vice-président de l’Association des Maires Ruraux de France reçoit Emmanuel Macron pour l’inauguration de sa couveuse d’entreprises, l’Esprit Bois. « J’ai parfois mal pour mon village, mal pour ma ruralité, mal pour ma France », lui dit-il. Courtois, reconnaissant au chef de l’État d’avoir tenu sa promesse de visite, ce maire expérimenté et franc du collier ne fait pas dans la périphrase technocratique. Il y va de deux conseils gratuits : « Construire tous ensemble une loi sur la ruralité, inscrire la notion de territoire dans la constitution. » Puis d’ajouter, dans le style pince-sans-rire qu’on lui connaît : « Vous avez bien noté président ? »

Michel Fournier a pris la présidence de l’AMRF en 2020, succédant à l’emblématique Vanik Berberian, décédé prématurément. Sous l’influence des deux hommes, grâce aussi à l’énergie d’une équipe basée à Lyon et dirigée par Cédric Szabo, l’association a explosé les compteurs, passant de 8 000 communes adhérentes à plus de 13 000 en trois ans. Son périmètre de définition, la ruralité, la distingue de l’AMF (Association des Maires de France). Il explique l’engouement qu’elle suscite. Le marasme politique que nous traversons, notre impuissance pathétique à trouver des leaders et une majorité gouvernementale, laissent le champ libre au bon sens. Et le bon sens, dira Bruno Bethenod, maire d’Arceau et président de l’AMR 21, c’est déjà « le duo d’avenir, communes et Département ».

Bruno Bethenod, maire d’Arceau, village d’un millier d’âmes à l’ouest dijonnais, et président de l’Association des maires ruraux de Côte-d’Or. © Baptiste Paquot / DBM

Le Grand atelier

L’homme a l’écharpe tricolore accrochée au cœur. Avec ses presque 30 ans de mandat derrière lui et un carnet d’adresses à faire pâlir d’envie plus d’un ministre, il organise fin septembre l’édition 2024 du congrès national de l’AMRF. Le couple Conseil départemental de Côte-d’Or/AMR21 fonctionne d’ailleurs plutôt bien. Il y sera célébré en présence de près d’un millier d’élus et conjoints venus des six côtés de l’Hexagone. François Sauvadet, qui préside l’assemblée des Départements de France, aura donc largement l’occasion de porter ce sujet au plus haut niveau.

Ce grand rendez-vous démocratique et convivial sortira du silence un monde travailleur et essentiel de 360 000 communes, dont 95% environ ont moins de 2 000 habitants ! Les petites collectivités représentent 80% de la surface du territoire pour seulement 30% de la population. Soit plus de 500 000 élus engagés, bénévoles ou quasi bénévoles, qui font la vraie politique du pays, sans avoir voix au chapitre de la médiatisation cacophonique qui les ignore. Ils ou elles entretiennent les fossés et les cimetières, ils ou elles s’occupent avec bienveillance de leurs jeunes et de leurs vieux mais, on a tendance à l’oublier dans les ministères et les métropoles, ils ou elles sont les seuls à pouvoir véritablement mettre en action les grands chantiers de la double transition alimentaire et énergétique.

La vision d’une France nouvelle se construit alors sur le socle du bon sens terrien. Elle est aujourd’hui portée par le « Grand atelier », un ambitieux chantier de réflexion conduit par Fanny Lacroix, vice-présidente de l’AMRF. La jeune femme, maire depuis 2020 du village de Châtel-en-Triève en Isère, a connu la vie urbaine et les responsabilités de secrétaire de mairie avant de se faire élire. Son expérience multiple lui permet de guider avec lucidité et le langage qu’il faut parfois, cet atelier qui rassemble une centaine de maires représentant l’ensemble des départements.

Fanny Lacroix dans le village d’Arceau, où se tient l’assemblée générale 2024 de l’AMRF. L’élue consacre son quotidien aux 500 administrés de Châtel-en-Trièves, près de Grenoble, et pilote le « Grand atelier » des maires ruraux de France en tant que vice-présidente. © Baptiste Paquot / DBM

L’écologie, bon sens rural

Formés dans un premier temps aux enjeux d’une mutation énergétique annoncée, ces derniers ont validé une feuille route déterminante lors du congrès national de l’AMRF 2023 à l’Alpe d’Huez, sous un intitulé explicite : « La commune, espace politique de la transition écologique ». Le club des 100 se retrouve deux fois par an à Paris, car il faut bien un point de ralliement. Les sujets abordés ont posé les bases du congrès suivant via deux questions fondamentales : « Comment j’emmène une dynamique territoriale ? » et « Comment les communes peuvent-elles nous inspirer ? »

Ce temps de rencontres et de réflexion a permis d’identifier une dizaine de départements pilotes pour passer à l’action, dont la Côte-d’Or justement, dans des domaines aussi vitaux que l’eau, le bâti, l’alimentation, le patrimoine naturel ou la gestion des espaces. Le cahier des charges du Grand atelier a même été porté officiellement à la connaissance du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu. « Beaucoup de maires font de l’écologie depuis longtemps sans le savoir, avec des solutions simples et l’humain au centre de la décision, un savoir-faire parfois ancestral, sur la seule base du bon sens rural », souligne à juste titre Fanny Lacroix.

La vice-présidente de l’AMRF est donc partie en croisade pour « porter le message d’un monde de proximité, qui dispose de peu de services techniques, de peu d’ingénierie, de peu de moyens financiers et qui marque peu les débats nationaux, techniques pour ne pas dire technocratiques ».

Le Grand atelier a pris une importance telle, qu’il en est devenu un élément structurant de l’Association des Maires Ruraux de France, « un horizon d’espérances ». Le bien manger ensemble fait notamment partie de l’identité des territoires ruraux. « Il est simple comme un coup de fourchette, tout sauf clivant car la transition alimentaire est la mère de toutes les transitions », plaide l’élue iséroise. « Il faut soutenir les filières locales, avec des cantines vertes et des cuisines centrales à taille humaine. » Un programme appétissant qui rappelle beaucoup de celui de la marque Savoir-faire 100% Côte-d’Or. Il en sera sûrement question fin septembre, sur et en dehors de la table du congrès.

Duo d’avenir et Arménie

« Communes et Département, un duo d’avenir ! La force de la proximité. » Tel sera le fil conducteur du congrès national de l’AMRF qui se tiendra du 26 au 29 septembre, sur les communes d’Arceau et Saint-Julien. La Côte-d’Or, dont le président François Sauvadet est lui-même à la tête de l’Assemblée nationale des départements, sera donc sous les projecteurs d’élus venus de toute la France. Avec des thématiques fortes autour de la transition écologique des territoires, des tables rondes ciblées (énergie, alimentation, eau), des ateliers constructifs (bâti, finances, ruralité) et même de la spiritualité grâce à l’intervention d’un grand régional de l’étape, le Frère Bertrand de l’Abbaye de Cîteaux. La France rurale aura un peu de temps pour visiter la région et vivre un moment de convivialité d’exception lors de la grande soirée de gala qui se tiendra au Trianon du Domaine du Château d’Arcelot. Mais le jeudi soir aura des saveurs particulières, celles de la cuisine arménienne, en clin d’œil à l’opération de solidarité de l’AMRF avec l’Arménie initiée par l’ancien et regretté président Vanick Berberian. Après le décès de ce dernier en 2021, c’est l’AMR21 de Bruno Bethenod qui en a pris le relais, pour créer une fromagerie dans le « petit Caucase ». La ruralité voit donc plus loin que ses champs. On peut tout à la fois bichonner son jardin et agir pour le bien de contrées lointaines et amies.