Mairie, église, gare et vignes sont pour lui les points cardinaux de Meursault, dont il est maire depuis 2020. Denis Thomas donne quelques clés de lectures intimes de ce joyau de la Bourgogne et invite à découvrir sa commune sous un autre regard. Greeter un jour, greeter toujours !
Il y a près de mille ans, Murassalt figurait déjà dans une charte de l’abbaye de Cluny. Ce nom ne cessera d’évoluer, sur les bases de l’association de deux mots latins riches de matière, muru (la pierre) et saltu (la forêt). Dans ses écrits, Antoine Gandelot (XVIIIe siècle) raconte aussi que Meursault serait issu de Missaltus, « la forêt du rat », qui recouvrait autrefois le territoire. Les fans d’étymologie ont donc de quoi plancher sur les racines d’une appellation savoureusement célèbre…
Nos racines préférées à nous demeurent toutefois celles du chardonnay. Par ses vins, à grande majorité blanc, Meursault a un rayonnement mondial. Denis Thomas n’est pas le dernier à en apprécier la magie. Paradoxalement, ce Franc-Comtois d’appellation d’origine contrôlée semblait naturellement destiné à honorer les grands blancs de la Bourgogne. Aussi souvent qu’il le peut, le maire parcourt le vignoble de sa commune, à la rencontre de vignerons dont la signature voyage dans les plus beaux endroits de la planète. Ce genre de privilège vous fixe à jamais un homme sur un sol.
Le Meursault iconique, pour le grand public, c’est encore et toujours La Grande Vadrouille (1966), voire l’incroyable paulée qui joue joyeusement les prolongations du week-end de la Vente des vins des Hospices de Beaune. Maire depuis 2020, conseiller municipal depuis bien plus longtemps, Denis Thomas en a bien évidemment une perception plus fine. Décryptage de son Meursault à lui, en commençant par ce qu’il considère comme ses points cardinaux : l’Hôtel de ville, l’église, la gare et la vigne.
L’hôtel de ville : au nom de l’union
Nous avons tous en tête l’incendie de la kommandantur de La Grande Vadrouille, le film de Gérard Oury sorti en 1966. Meursault s’en amuse encore. Il arrive à la population locale de se mobiliser pour reconstituer, en costumes et dans le moindre geste, l’épisode mythique. Un ancien camion de pompier est d’ailleurs exposé tel un trophée derrière une baie vitrée, place de la Mairie. Les touristes, toujours nombreux, raffolent des selfies devant les têtes immortelles de Bourvil et de Funès reproduites sur un mur. L’Hôtel de ville, reconnaissable entre tous avec ses toits vernissés, est le clou du spectacle.
Cet ancien château fort du XIVe siècle construit par Robert de Grancey, maintes fois démantelé et remanié, a totalement été rénové récemment. Méticuleux, méthodique, Denis Thomas en a repensé l’organisation. Dans la salle des mariages, dont les murs sont recouverts des portraits de nos présidents depuis Napoléon III, il s’émeut : « C’est ici que tu unis les gens, en toute simplicité, au milieu de la grande histoire. » Car marier « n’est jamais un acte anodin ».
La salle du conseil s’est mise au goût du jour, se dotant d’outils numériques ultra performants. Dans cet espace 2.0, « l’élu est là pour anticiper l’avenir, tout en se souvenant du passé ». De 19, le nombre des conseillers est passé à 15. Bien que très attractive, Meursault est désormais sous la barre des 1 500 habitants. En cause notamment, le nombre de logements locatifs Airbnb sur le territoire (pas moins de 72) qui font baisser les résultats du recensement. « Je n’ai rien contre les Airbnb, ils participent à la restauration du patrimoine, précise Denis Thomas, mais comme dans les villes plus importantes, il faudrait que les collectivités comme la nôtre bénéficient d’une dérogation pour réguler ce marché, ne serait-ce que pour permettre à des ménages à faibles revenus d’avoir accès au logement. » D’une certaine façon, c’est aussi cela, la rançon du succès…
L’église : par Saint-Nicolas
Le bon Nicolas aurait accompli de nombreux miracles. Le jour de son baptême, déjà, il se tenait fièrement debout. Puis, il aurait évité à trois jeunes filles la prostitution à laquelle les destinait leur pauvreté, en leur donnant discrètement des bourses d’or. Emprisonné, torturé, persécuté, il aurait même épargné la famine à la population de Myre, la ville antique de Turquie. Ce saint d’origine grecque méritait donc de donner son nom à l’église de Meursault.
L’histoire du bel édifice religieux remonte au XVe siècle. Classé aux Monuments historiques depuis 1948, son style gothique et sa flèche de 57 mètres de hauteur en font un joyau du patrimoine bourguignon. Lequel demeure avant toute chose un lieu vivant, dans une commune réputée pour sa grande fibre chrétienne. Les vignes de Meursault sont les vignes du seigneur et les vignerons bénissent sans retenue ce dieu généreux qui leur a donné de l’or à vinifier. L’église n’est pas ici au centre du village, elle est au plus haut des cieux, à veiller sur le village et ses raisins. In Meursault veritas, Denis Thomas ne se lasse pas de rendre grâce à ce même dieu, de pouvoir contempler chaque jour un si beau clocher.
La vigne, avec vue sur le Jura
Au pays du chardonnay roi, le vignoble s’étend sur près de 400 hectares, enserrant amoureusement la bourgade murisaltienne. Plusieurs centaines de parcelles comme autant de nuances en constituent l’exceptionnelle singularité, laissant une part infime (moins de 14 hectares) au pinot noir. Si Gevrey-Chambertin, en Côte de Nuits, voit et boit rouge, Meursault, en Côte de Beaune, voit et boit blanc. Voilà ce qui distingue le nord du sud. Avec en prime 19 premiers crus parmi les nombreux climats murisaltiens.
Grand amateur de vin, Denis Thomas connaît bien les domaines locaux. Pour éviter de fâcher ceux qui sont aussi ses électeurs (il réalise des scores soviétiques, largement supérieurs à 80%), monsieur le maire ne livre pas ses préférences. Tout juste reconnait-il aimer la cohabitation de la générosité et de la finesse dans un vin. Son grand plaisir est de se promener sur les hauteurs du village, au lieu-dit Saint-Christophe, sur les bases d’un ancien camp gallo-romain. Là, tout s’offre à lui car, dit-il, « mon regard épouse le bourg historique, les vignes, la Bresse et tout au fond, par temps clair, la chaîne du Jura, mes origines ».
La gare : le train du souvenir
Il connaît tous les horaires de passage, le bruit des locomotives, le moindre détail d’un wagon. L’ancien cadre de la SNCF voue un culte sans limites au monde du train. Une passion qu’il pousse à son paroxysme avec la Fête du train, référence du modélisme ferroviaire en France, dont les incroyables maquettes attirent tous les trois ans 7 à 8 000 personnes à Meursault. Sur le sujet, le maire en connaît plus d’un rail, se laissant parfois aller à prendre de la hauteur en scrutant le ciel allongé sur un banc (aujourd’hui enlevé), près de la gare.
Cette gare est active. Située sur l’axe Paris-Lyon-Méditerranée, à mi-chemin entre Beaune et Chagny, au point kilométrique (PK) 358,403, (les amateurs apprécieront) elle accueille en moyenne plus de 22 000 voyageurs par an. Pas mal pour une petite commune dont le maire, viscéralement attaché au chemin de fer, ne cache pas sa nostalgie d’une autre époque. Conseiller départemental, il a notamment œuvré pour la protection de l’immobilier ferroviaire, fidèle à ce patrimoine qui incarne une certaine idée de la France. Tout autour, le quartier va bouger. La brigade de gendarmerie de Beaune va bientôt s’installer ici, une vingtaine de logements associés poussera… et le train du souvenir sifflera toujours trois fois.
Mais aussi…
Les terrines de la mère Daugier
En matière de gastronomie, Meursault bat tous les records de densité et de qualité. « Nous avons une douzaine de tables dignes de ce nom », rappelle le maire, qui s’est battu pour que les repreneurs de l’hôtel-restaurant du Chevreuil, en pleins travaux, conservent sur la façade de l’établissement l’effigie de la mère Daugier. Au temps de la grandeur de la cuisine bourgeoise, cette cuisinière exceptionnelle sublima la première paulée de Meursault avec une recette (devenue mythique) de la terrine chaude de ses ancêtres. Aujourd’hui encore, cette création fait référence dans le patrimoine culinaire.
Le château retrouvé
Repris en 2012 par la famille Halley, le magnifique château de Meursault, inhabité depuis 1945, a retrouvé de sa superbe au prix d’une extraordinaire campagne de rénovation qui se poursuit désormais avec la cuverie historique. L’orangerie et les immenses caves en font le succès depuis toujours, notamment quand il s’agit d’accueillir la fameuse paulée, qui n’aura pas lieu ici cette année pour cause de travaux mais au centre sportif murisaltien. Cette cure de jouvence réjouit bien évidemment le maire, très attaché à ce monument indissociable de la vie locale.
La léproserie ressuscitée
La Maison-Dieu était tombée en ruines, on ne se gênait plus pour piller sa pierre. Le joyau aux courbes romanes s’écroulait. Alors qu’il était déjà conseiller départemental, Denis Thomas a accompagné la précédente équipe municipale pour en faire une priorité. Au bénéfice d’un dossier complexe et d’un investissement de l’ordre de 3 millions d’euros, l’ancien lieu d’accueil des lépreux et sa chapelle couverte de lave calcaire de Bourgogne ont littéralement été ressuscités pour devenir un magnifique espace de réceptions et d’expositions. Cette restauration exemplaire allie le contemporain à l’ancien, avec des volumes éblouissants. Elle a littéralement magnifié l’entrée du village de Meursault. Denis Thomas, qui en a fait son « panthéon », y nourrit d’autres ambitions.