Michael Baum a racheté le château de Pommard et le plus grand monopole privé de Bourgogne qui va avec. Trois ans plus tard, le serial entrepreneur de la Silicon Valley fait un premier bilan d’un projet résolument tourné vers l’art de vivre à la bourguignonne, le respect du terroir et une certaine idée de l’expérience touristique.
Propos recueillis par Alexis Cappellaro
Pour Dijon-Beaune Mag #66
Photos : Château de Pommard / Famille Carabello-Baum
Pérennisation du nom Marey-Monge, passage en biodynamie, modernisation de la distribution et de l’activité de négoce… Le Château de Pommard a beaucoup évolué depuis votre arrivée. Avez-vous senti qu’il était nécessaire de « renverser la table » ?
Nous avons racheté un domaine avec un énorme potentiel, mais qui demande beaucoup de travail. Ses bases n’étaient pas assez solides pour affronter l’avenir. Notre équipe n’avait même pas d’adresse email. Aujourd’hui, plus de 42 % des consommateurs de vin ont entre 20 et 30 ans. Ces consommateurs sont différents, ils recherchent un contact durable avec une marque moderne et de confiance. Retourner à nos racines en redonnant au domaine le nom de Clos Marey-Monge n’est qu’une première étape.
Les consommateurs ne veulent plus boire de produits chimiques, pourtant, 97 % de l’industrie utilise encore des pesticides. Notre récente conversion à la viticulture en biodynamie n’est pas seulement destinée à rendre nos vins plus expressifs et à refléter notre terroir. C’est aussi pour proposer des vins complètement naturels et dignes de confiance. Le changement ne fait que commencer, nous avons beaucoup de projets.
Et à court terme ?
Cette année, nous allons entreprendre des travaux de rénovation dans la cuverie et dans nos anciennes caves. Évidemment, nous innovons également chaque jour l’aspect commercial du domaine en utilisant de nouveaux moyens comme les réseaux sociaux pour communiquer avec nos clients sur les actualités du domaine.
Pour autant, vous avez rapidement placé votre confiance en Emmanuel Sala, directeur technique du domaine depuis 2007. Est-ce à dire que vous avez choisi une forme de continuité ?
Emmanuel est fantastique aussi bien dans le vignoble qu’en cuverie. Il a la sensibilité d’un artiste et les connaissances d’un ingénieur. Sa carrière a commencé avec le grand Jean Meyer chez Josmeyer, un domaine alsacien en biodynamie. Il a également fait du vin à Bandol, au Château Vannières mais il sera toujours fidèle à la Bourgogne. Son rêve a toujours été de convertir le Clos Marey-Monge à la biodynamie. Un tel engagement demande une vision à long terme et un énorme investissement tant pour l’équipe qu’au niveau des infrastructures. Notre famille est très heureuse de relever ce défi avec Emmanuel.
À cause de son CV ?
Pas seulement. J’aime beaucoup ses méthodes, la fermentation lente et les longs élevages. Nous nous engageons dans une approche de non-intervention pour laisser chaque millésime s’exprimer. La Bourgogne est unique en ce sens, chaque millésime raconte sa propre histoire. Pour la partie vigne, Samuel Grivaux gère le Clos depuis 20 ans. C’est sa passion, je n’imagine pas quelqu’un d’autre avoir une meilleure relation avec les quelque 300 000 pieds du Clos Marey-Monge.
L’œnotourisme fait partie des piliers de votre modèle économique…
En fait, nous ne souhaitons pas vraiment identifier nos « Expériences de Dégustation » à de l’œnotourisme. La Bourgogne regorge de très beaux endroits touristiques où l’on peut prendre de belles photos. Nous avons plutôt une approche holistique. L’éducation pour les consommateurs et amateurs de vin est assez ennuyeuse, celle pour les professionnels du vin est difficile à trouver en Bourgogne. Les « Expériences de Dégustation » du Château de Pommard sont destinées à impliquer le consommateur dans tous les aspects de notre activité et à transmettre nos connaissances sur la viticulture, la vinification, la dégustation et les accords mets et vins. Nous offrons une première Expérience sur les Climats de Bourgogne, où nous expliquons le concept de terroir. C’est la meilleure introduction à la Bourgogne que j’ai jamais vue ! Pour ceux voulant aller plus loin, nous proposons des Expériences de deux heures sur nos deux cépages phares en Bourgogne, le pinot noir et le chardonnay. Les vrais passionnés peuvent aussi passer une demie journée avec nous et vivre un cours intensif avec l’Expérience Sommelier.
La réussite d’événements novateurs comme le Rootstock Festival signifie-t-elle que le château de Pommard se découvre un destin festif et « bon vivant » ?
Début juillet, nous avons créé ce festival de musique et de gastronomie avec beaucoup d’espoirs. Il a été accueilli de manière incroyable. Quinze groupes de San Francisco, d’Irlande, de Paris et de Bourgogne sont venus jouer, sur nos deux scènes, au milieu des vignes. Une journée rock, une autre jazz, toutes deux superbes avec des artistes très talentueux. L’idée est venue de notre équipe. Nous sommes nombreux à être musicien ou chanteur au Château et quand nous avons commencé à réfléchir à organiser un événement annuel, nous avons tout de suite pensé à la musique. Je n’ai jamais assisté à un concert dans un décor aussi extraordinaire.
Les portes sont grandes ouvertes, alors ?
Bien sûr. En septembre, nous inviterons nos clients à travailler avec nous pour les vendanges. Ils participeront à la cueillette, au tri et au début du processus de fermentation des raisins du Château. C’est en faisant que l’on apprend ! « Falling in Love with Life » comme on dit, c’est avant tout vivre ses rêves. La musique, la viticulture, la vinification, la dégustation… Voilà ce que nous aimons faire. Nous donner l’opportunité de partager tout ceci est le plus beau cadeau.
Au bout du compte, qu’avez-vous appris de la Bourgogne depuis ce fameux été 2014 ?
Un mot : la patience. Dans la Silicon Valley, le temps passe si vite. L’innovation ne prend pas de pause. Le monde change complètement en quelques secondes, en minutes, en jours. En Bourgogne, le rapport au temps est différent. La viticulture et la vinification demandent une grande patience. Le monde ici change en quelques semaines, mois ou même années. Je pense que les êtres humains sont plus adaptés au rythme de la Bourgogne. Prendre le temps, réfléchir et s’accorder avec la nature me semble plus naturel. S’habituer à ce nouveau rythme n’est pas très difficile mais le changement entre les deux est un peu perturbant. Je pense que la solution est de passer plus de temps en Bourgogne.
CHÂTEAU NOUVEAU
Le château de Pommard s’est doté d’une nouvelle identité visuelle, présentée en grande pompe lors d’une soirée à l’hôtel de Crillon de Paris, le 19 juillet dernier. « Notre mission était de conserver l’esprit traditionnel de la classique bouteille bourguignonne tout en y amenant de la modernité », explique Eric Chalvin, directeur de l’agence de communication Delenvie. « Créer une nouvelle marque en commençant par la bouteille nous a permis d’en repenser les moindres détails. Cette bouteille, résolument d’avant-garde, symbolise parfaitement le renouveau du château de Pommard. » Au bout du compte, la nouvelle bouteille conserve ses épaules traditionnelles (placées un peu plus haut vers le col) et s’est affinée par le bas, dévoilant des contours plus élancés. La traditionnelle bague sur le goulot a été retirée pour laisser un col continu de haut en bas pour servir le vin « avec plus d’élégance et une meilleure ergonomie ».
Ravi de la nouvelle identité, Michael Baum a expliqué vouloir « établir un lien avec les consommateurs, les inviter à nous accompagner à la découverte de la convivialité bourguignonne mais aussi de ce lieu magnifique. »