Le Haut-Folin (901 mètres), au cœur du Morvan, est le toit de la Bourgogne. Les élus du Parc naturel régional sont très chauds pour le rehausser de quelques dizaines de mètres en encourageant le projet sympathiquement doux-dingue et privé d’y installer une tour-observatoire. Michel Giraud les a accompagnés au cœur de la Forêt-Noire, à la découverte des réalisations similaires de la société allemande EAK qui ont fait leurs preuves. Voilà qui élève déjà les esprits.
Par Michel Giraud, envoyé spécial en Forêt noire
Bad Wildbad, une ville de 10800 habitants au cœur de la Forêt-Noire, région du Bade-Wurtemberg, à environ 1h15 de route de Karlsruhe et ses 300000 habitants. Voici ce qui fut jadis une station thermale très réputée du sud de l’Allemagne, accueillant jusqu’à million de curistes à la fin des années 90. Puis, suite à une réforme de la santé outre-Rhin, les cures devinrent moins évidentes à décrocher. Bad Wildbad a perdu gros.
Si de nos jours la ville accueille toujours des curistes en quête de bien-être et de remise en forme, les retombées sont désormais bien moins conséquentes. C’est dans ce contexte que la société EAK a annoncé son intention de créer une tour d’observation dans les environs. Les élus locaux, à la recherche d’une nouvelle attractivité, ont dit banco et ne le regrettent pas.
40 mètres au-dessus de la canopée
Ouverte en septembre 2014, après 4 mois de construction, la tour forestière a accueilli 250000 visiteurs en 2015, dont 80% sur la période de mai à octobre, avec des pics à 3000 visiteurs par jour. Depuis la ville, un train à crémaillère permet aux touristes de se hisser jusqu’à la forêt. A moins d’emprunter sa voiture et de se garer au sommet, dans un parking municipal payant de 170 places.
L’entrée de la structure est située un peu plus loin, sous un imposant portique, où il faut s’acquitter d’un billet d’entrée à 9,5 euros pour le plein tarif. Démarre alors un chemin suspendu de près de 600 mètres. Une grande passerelle en bois en fait, qui s’élève peu à peu à plusieurs dizaines de mètres du sol. On touche les arbres, on scrute le vide, on admire le paysage depuis un des balcons d’observation agrémentés de panneaux explicatifs et de jeux pour les enfants. Ici, on découvre les traces d’animaux, là les essences de la forêt. Quelques passages acrobatiques sont aussi prévus pour les plus joueurs. Cependant, toujours pas de tour à l’horizon.
Ce n’est qu’au dernier moment que l’on aperçoit le belvédère: 40 mètres de haut, face à l’horizon par-dessus la canopée, un grand toboggan en son centre. Et un nouveau sentier de 640 mètres qui enroule la tour jusqu’à son sommet.
5 millions d’investissements, 17 arbres abattus
En toute franchise, on est loin de la construction pharaonique que certains détracteurs avaient imaginée. Bien au contraire, l’édifice se fond en douceur, sans agressivité, dans le paysage. Il faut dire qu’après un peu plus d’un an et demi de mise en service, le bois de pin Douglas qui compose la structure s’est patiné pour mieux s’intégrer à son environnement. Comme elle le fait dans tous ses projets, la société EAK s’est engagée à déconstruire l’édifice en cas d’abandon de la plate-forme. Au sommet, la majestueuse Forêt noire se dévoile dans un vrai moment de communion avec la nature.
Les promoteurs nous l’assurent, seulement 17 gros arbres ont été abattus pour construire l’ensemble du parcours. Même si c’est sans doute un peu plus, on est bien loin de l’abattage à outrance. La structure est entièrement gérée par la société EAK, de l’entretien jusqu’aux salaires de la dizaine d’employés (sans compter les saisonniers) qui travaillent ici. C’est l’entreprise privée qui a supporté les 5 millions d’euros d’investissements, les collectivités ayant pour leur part versé 1 million d’euros pour les études préalables et la mise en état de la voirie.
On serait sur les mêmes échelles en Morvan, pour un projet de « chemin à la cime des arbres » (Tree top walk) similaire à celui-ci. Il en existe déjà quatre à travers l’Allemagne et un en République tchèque, où un autre est en cours de construction. Chaque tour est de forme différente pour s’adapter au mieux à l’environnement.
Et au sommet du Haut-Folin?
Dans le Morvan, une autre tour EAK pourrait voir le jour à l’horizon 2018-2019. Les élus du Parc naturel du Morvan sont favorables au projet, dans le cadre d’un projet territorial qui valoriserait la proximité des grands lacs, de la ville d’Autun (200000 visiteurs annuels) ou du site de Bibracte. Ils y voient un bel atout de développement touristique, l’opportunité de faire mieux connaître le Haut-Folin et ses 901 m, sommet de la Bourgogne.
A l’opposé, les détracteurs du projet craignent que cet équipement touristique dénature la forêt morvandelle. A Bad Wildbad aussi, des opposants se sont fait entendre. La tour a même dû être déplacée d’une centaine de mètres suite à la demande de riverains. Pas de riverains en Morvan, mais des usagers (randonneurs, chasseurs, forestiers) et un débat ouvert depuis plusieurs semaines autour du juste équilibre entre conservatisme et développement économique.
Pour ou contre, c’est de toute façon EAK qui a les cartes en main pour l’instant. La société allemande est en train de réaliser sa propre étude d’impact, et mesurer l’attractivité du site pressenti. En clair, elle veut s’assurer de la rentabilité du projet avant de se déterminer sur son implantation en Morvan. Nous serons à l’automne 2016. D’ici là, les élus vont en parallèle jouer la carte de la communication pour démontrer à la population locale tout l’intérêt de faire pousser une structure de ce genre dans la très riche forêt de Saint-Prix.