Aussi discrète que gourmande, la Musarde vit sa révolution de palais à Hauteville-lès-Dijon. S’appuyant sur l’arrivée du chef Vincent Bourdon et une cuisine rafraichie, le très entreprenant Marc Ogé (qui ne musarde en rien), livre désormais ses plats à domicile. Bien belle aventure culinaire.
Par Thomas Barbier
Photos: Julien Dromas
pour Dijon-Beaune Mag
Quand il avait 14 ans et des envies de Mobylette, dans les années 70, Marc Ogé eut ce retour de la part de ses parents: «On n’est pas contre mais va au turbin cet été pour t’en payer une!» D’où un premier contact avec un traiteur et une révélation: la cuisine. D’auberge en auberge il apprend alors le métier et parvient à se faire engager à l’hôtel Princesse Grâce de Monaco. Une reconnaissance de prestige, certes, mais au bout de trois mois il tourne en rond.
Le réveil du chef
Nouvelle rencontre, nouveau virage dans sa vie, un client le prend en sympathie et lui ouvre les portes du groupe Taittinger. Là, il apprend la gestion. Une aubaine, loin des plaisirs du piano, mais «quand on ambitionne d’ouvrir son propre restaurant, il faut aussi savoir gérer.» Le cuisinier a la toque sur les épaules. En 1987, Marc Ogé est prêt à franchir le cap de l’entreprise.
Les amateurs de bonne table connaissent la Musarde, cette jolie maison qu’il faut aller chercher sur les hauteurs de l’agglomération, à Hauteville-les-Dijon. Les Dijonnais apprécient son charme discret, son jardin plaisant et sa cuisine « traditionnelle et gourmande. » Chez Marc Ogé, le frais est une nécessité, la justesse des prix pratiqués un devoir. Sans doute est-ce la bonne recette pour tenir une réputation depuis trois décennies.
Une réputation qui dépasse parfois la réalité, avec ses petits effets pervers. Au début des années 2000, beaucoup attribuent à tort et sans savoir une étoile à la Musarde. Le restaurant fait alors le plein et le cuisiner s’endort un peu sur ses lauriers. « C’était flatteur, mais le grand public a pu parfois penser que nous n’étions plus un établissement adapté à ses moyens. Nous étions complets, de nombreux habitués étaient attachés à certains plats, j’ai à cette époque été moins créatif en cuisine.» Non seulement Marc Ogé a la toque sur les épaules, mais il n’a pas le melon sous la toque.
Classique fantaisie
C’est à la relève des Ogé que la Musarde doit son nouveau déclic. Vers 2010, après avoir réalisé une importante extension, Marc dresse un état des lieux avec ses deux fils, Andréa et Mickael qui le rejoignent dans l’affaire. La jeune génération met le doigt où ça fait mal: la Musarde est une belle institution vieillissante. S’ensuit une campagne importante de travaux, à tous les niveaux (restaurant, grande terrasse, salle de séminaires, hôtel) et une remise en cause de la proposition culinaire, plus au goût du jour dans la présentation, plus light parfois dans la composition mais toujours basée sur les meilleurs produits. «Mais attention, prévient Marc Ogé, quand on vient à La Musarde, c’est avant tout pour se faire plaisir et profiter d’un menu complet avec des produits de saison». On sent bien alors que sous la toque du chef, bout de nouvelles ambitions.
Fin 2015 Vincent Bourdon débarque ainsi dans les cuisines de la Musarde. A la demande d’un Marc Ogé qui partage avec ce jeune chef talentueux, la même philosophie gastronomique, celle d’une «cuisine traditionnelle au classicisme assumé mais qui n’interdit pas une certaine fantaisie». Pari tenu, sans renier ses origines, la Musarde se refait une belle réputation et élargit et rajeunit sa clientèle. Aidée en cela, il vrai, par l’ouverture de la Lino qui rend l’accès plus facile à Hauteville. Et donne aux Dijonnais gourmands toutes les raisons de «musarder» à l’envi.
Du «gastro» à domicile
Vincent Bourdon étant en cuisine, Marc Ogé se donne les moyens de lancer un pari assez fou : faire de sa Musarde le premier restaurant gastronomique qui livre ses plats à domicile.
Pourquoi ce service serait-il réservé à des vendeurs de pizzas, sushis ou burgers ? Pourquoi le plaisir et l’exigence de la gastronomie ne seraient-ils pas livrables à domicile ? Marc Ogé a la réponse : «C’est une réalité, notamment dans le cadre des entreprises, les gens disposent de moins de temps pour déjeuner, au risque de se tourner vers le restaurant le plus proche, voire la malbouffe, alors puisqu’ils n’ont plus le temps de venir à nous le midi, allons à eux.»
Depuis février, la Musarde propose ainsi à ses clients de commander le jour même, quand les traiteurs demandent en général 48 heures de délai pour ce type de prestation. Un joli tour de force articulé autour d’une savoureuse trilogie (3 entrées, 3 poissons et 3 viandes au choix) pour un billet de 18 euros au lieu de 24 euros servi à la table de la Musarde. Déguster des produits frais, bien cuisinés, sur le lieu même de son entreprise, et pouvoir le faire à la dernière minute, voilà un plaisir qui peut arranger bien des affaires dans la négociation. A la grande satisfaction de Marc Ogé qui va élargir le concept au grand public. Ce dernier pourra bientôt passer commande, midi et soir, via une «plate-forme internet de dernière génération» ou par téléphone. Après avoir fait un carton en cuisine, la petite auberge sur les hauteurs de Dijon tisse sa toile sur le net. On en salive d’avance.
La Musarde
7, rue des Riottes, Hauteville-lès-Dijon
Tél. : 03 80 56 22 82 – [email protected]
www.lamusarde.fr