L’œuf en meurette a son temple au château du Clos de Vougeot et sa place dans le cœur des Bourguignons. C’est le moment où jamais de revenir sur la place qu’occupe ce plat mythique de la cuisine bourguignonne avec, à la clé et pour bien faire, la recette du cuisinier dijonnais Florent Colombo.
Le temple mondial de l’œuf en meurette, incontestablement, c’est le château du Clos de Vougeot. Il est le théâtre régulier d’une véritable performance. Servir 600 personnes en à peine 10 minutes, c’est en soi un défi. Le faire à température précise, avec une cuisson millimétrée, en est un autre.
Les plats sont maintenus au chaud, sous des couvertures électriques, choyés comme des bébés dans leurs langes. Le personnel de service connaît à la mesure près le ballet qui l’obligera à se glisser avec agilité entre les tables, à servir à l’anglaise, œuf par œuf son public averti. Ici, plus qu’ailleurs, l’œuf produit son effet bœuf.
Olivier Walch, le chef de la brigade de la confrérie, ne laisse rien au hasard. Il sait déjà que pour en réussir 1200 il faut en casser pratiquement le double. Tel est le prix à payer pour la plus emblématique des recettes bourguignonnes. Que l’on dégustera avec un vin de tempérament, pas forcément parmi les plus fins, car le plat, du point de vue du caractère, est un dur à cuire. Sur ce point, notre spécialiste Jacky Rigaux est malgré tout plus nuancé: « l’œuf doit être souple et consistant, comme un grand vin, si la consistance se livre avec brutalité, alors, il te fatigue. » Fermez le ban (bourguignon naturellement).
Aux antipodes de cette vision prestigieuse de l’œuf en meurette, quasi aristocratique, il y a son versant populaire. Clé de voûte de la réunion familiale, socle vineux de l’amitié à tout jamais, l’œuf en meurette est cultissime. On ne conçoit pas le Bourgogne à table sans lui. Il est le premier test de vérité du cordon bleu.
Il nous éclate
Comme toujours, aux fourneaux, on se permet quelques libertés avec lui. Au crémant de Bourgogne comme au fromage de Cîteaux, les variations sur l’œuf en meurette sont nombreuses. Florent Colombo, qui revendique son attachement viscéral à la cuisine traditionnelle, a par exemple réinstallé ce plat mythique au cœur de la Foire Gastronomique en 2013. Il propose au choix la version classique ou sa déclinaison avec de l’époisses, avec un verre de bourgogne, cela va de soi. Ce fast food à la bourguignonne se complète volontiers d’un panini… tout aussi bourguignon que les œufs.
Car l’œuf en meurette n’échappe pas au cycle des modes. Régulièrement, ce qui disparaît de la tendance revient au galop au gré des générations. Le « ringard » d’hier peut être le « must’ d’aujourd’hui. Il y a quelque chose comme ça avec l’œuf en meurette. Ils sont de plus en plus nombreux à ne jurer que par lui.
Peut-être faut-il chercher ailleurs les raisons de ce retour. Jusque dans l’origine même du plat. L’œuf en meurette, sans le moindre chauvinisme on vous l’assure, ne serait-il pas l’acte fondateur de la cuisine moderne? Pour s’en régaler dans les règles de l’art, il faut en effet le glisser entièrement dans la bouche. C’est alors que tout explose: le goût du jaune, le velouté du blanc, la légère acidité de la sauce, le confort d’un ensemble chaud mais pas bouillant. L’éclatement des saveurs, n’est-ce pas l’une des bases de la nouvelle gastronomie ?
La recette de Florent Colombo
Temps de préparation : 20 min
Cuisson : 10 min
Ingrédients : pour 6 personnes
4 beaux oignons – 2 gousses d’ail – 1 cuil. à soupe de farine – 1 bouquet garni (thym, laurier, persil, et le vert d’un poireau) – 1,5 l de Bourgogne rouge – 50 cl de fond de veau – 12 oeufs – 12 tranches de pain grillé – 250 grs de petits lardons – 50 grs de beurre – 150 g. de petits oignons au vinaigre.
Préparation
C’est la sauce qui prend le plus de temps.
1. Hacher l’ail et émincer finement les oignons frais.
2. Les faire blondir dans une casserole à feu vif pendant 1 mn environ.
Saupoudrer la farine, bien mélanger, ajouter 1 litre de vin, le bouquet garni. Porter à ébullition et faire flamber. Laisser cuire vivement jusqu’à réduction de moitié du vin rouge. Ajouter le fond de veau. Laisser cuire encore 1à min à feu moyen. Retirer le bouquet garni, passer la sauce au chinois ou dans une passoire fine pour récupérer les oignons. Les mixer et les remettre dans la sauce pour terminer la liaison. Saler, poivrer.
3. Faire griller le pain et le frotter à l’ail.
4. Pour la garniture : dans une poêle bien chaude, faire revenir les lardons et les oignons au vinaigre pendant 2 min, sans matière grasse. Egoutter sur du papier absorbant. Ajouter le tout à la sauce. Faire chauffer le demi-litre de vin rouge dans une casserole à feu moyen jusqu’à ce qu’il frémisse. Casser délicatement les oeufs dedans et les laisser « pocher » pendant 3 à 4 min, afin qu’ils restent moelleux.