Adjointe déléguée au commerce et à l’artisanat, Nadjoua Belhadef est bien connue de Dijon, toutes générations confondues. Ex cheffe de cabinet de François Rebsamen, l’hyperactive trentenaire assume une nouvelle délégation, plus exposée, dans un contexte hautement sensible. En haut de sa pile, le dossier Dauphine et la digitalisation de l’offre commerciale. Interview.
Drive, click & collect et livraisons sont arrivés par la force des choses. Le numérique n’est-il qu’une solution de crise ou, après tout, peut-il uberiser les petits commerces ?
Uberiser n’est pas le terme approprié au développement du numérique que nous observons dans les commerces dijonnais. La digitalisation des services est indispensable, parce qu’il existe une clientèle numérique qui va augmenter avec les nouvelles habitudes des plus jeunes notamment. L’idée est de ne perdre aucun client, qu’il se rende dans une boutique ou qu’il commande en ligne. À Dijon, nous avons créé une plateforme centrale pour que cette transition se fasse au sein de la fédération des commerçants Shop in Dijon, la mutualisation nous semblant le meilleur moyen de gagner en lisibilité et en efficacité. Sans oublier l’accompagnement nécessaire des entreprises dans ces nouvelles formes de vente. Cela reste nouveau pour certains et nous devons être attentifs.
Cela dit, la vente directe reste la base de l’activité d’un commerçant…
Bien sûr. Le commerce, c’est avant tout du lien social. Nos objectifs avec Shop in Dijon sont la pérennisation de la plateforme lancée au premier confinement, très améliorée aujourd’hui, et aussi l’accompagnement des commerçants à la digitalisation. Je salue d’ailleurs la très bonne collaboration avec Denis Favier et Matthieu Honorat (ndlr, respectivement président et directeur de Shop in Dijon).
La solidarité avec et entre les commerçants est un thème récurrent. Qu’avez-vous constaté de notable sur ce point ?
Dans les moments difficiles, les actes de solidarité et de générosité ne passent jamais inaperçus. C’est particulièrement vrai à Dijon, je l’ai constaté à plusieurs niveaux. Quand une entreprise pharmaceutique propose à la collectivité de lui offrir une tonne de gel hydroalcoolique au premier confinement, quand une autre achète pour plusieurs milliers de chèques cadeaux auprès de Shop in Dijon afin de soutenir le commerce local. Il y a de la solidarité entre commerçants quand ils regroupent leurs propositions, quand un commerce ouvert permet à un autre, fermé, de venir récupérer des commandes en click & collect… Nos artisans ont plus que jamais besoin d’être soutenus. C’est aussi le cas des établissements de nuit, de l’hôtellerie, des discothèques, de l’événementiel… La Ville de Dijon et Dijon Métropole, via le fonds de relance économique métropolitain (FREM), sont présents.
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Publiée par Ville de Dijon sur Samedi 28 novembre 2020
Shop in Dijon doit-elle s’attendre à un sursaut fédérateur, alors que le dynamisme des unions commerciales est à géométrie variable ?
Beaucoup ont besoin de se retrouver « comme une famille ». Des syndicats patronaux m’ont fait part de l’augmentation des adhésions par exemple. Concernant les unions commerciales, je comprends la volonté de commerçants souhaitant se rassembler en raison de leur proximité géographique, ou parce que leur secteur a les mêmes spécificités. Cela n’empêche pas une UC de rejoindre Shop in Dijon, bien au contraire. Cela relève d’un choix des commerçants que nous respectons. Nous les accompagnons quoiqu’il arrive, qu’ils soient adhérents de Shop in Dijon, d’une union commerciale ou seuls. J’ai lancé un programme de rencontres auprès des commerçants et artisans des différents secteurs de la ville, avec des présidents d’unions commerciales, pour recueillir leurs besoins.
Les halles sont les grandes gagnantes, si l’on peut dire, de 2020. Cela signifie que les Dijonnais vont durablement changer leurs habitudes ?
Dès mars, François Rebsamen a fait le choix, en concertation avec le Préfet, de maintenir les halles ouvertes. Elles sont le cœur historique de la ville. Surtout, en les fermant, l’offre alimentaire en hypercentre aurait été insuffisante. La piétonnisation a été mise en place pour faire face à l’urgence, sur proposition des commerçants. Le succès a été au rendez-vous, cela a créé un secteur apaisé, largement plébiscité par les Dijonnais qui ont trouvé un esprit village, un village de vacances. Ce lieu mérite un véritable « parcours client », où l’on vient vivre une expérience. Les commerçants en sont conscients et nous avons d’ailleurs trois nouveaux arrivants que je salue : Florent Colombo (épicerie traiteur Côté Colombo), le duo Nicolas Isnard-David Lecomte (Auberge de la Charme) et Julien Carrelet (Boucherie Alésia Viandes). Il y a de la vie, dans et autour des halles, et nous réfléchissons à d’autres idées, des animations et des opérations partout ailleurs. Chaque secteur ayant ses spécificités et son histoire, tous ont une place à part entière.
Je rêve d’installer une affaire à Dijon, mais je ne sais pas si c’est vraiment le bon moment… Que me répondez-vous ?
Que rêver d’une installation à Dijon, c’est déjà une très bonne chose ! Dijon est une ville attractive, dynamique, reconnue sur le plan international : smart city, CIGV, installation d’entreprises, reconnaissance mondiale de projets tels que Cour Bareuzai… Je vous dirais donc que même en cette période difficile et bien sûr en fonction du secteur choisi, des commerces ouvrent ! Je citerai notamment l’Épicerie Fine, La Famiglia, Skin Center, Mon Kochon… Puis il y a aussi des projets en cours pour janvier, des enseignes de prêt-à-porter notamment…
Sur ce point, vos ambitions dépassent notre environnement direct…
Oui, en tant qu’élue à la métropole, je porte la marque territoriale Just Dijon. C’est un outil incontournable pour tisser de nouveaux liens, approcher des porteurs de projets et des investisseurs… Nous avons pour objectif de fédérer le tissu économique local pour accroitre notre visibilité au plan national et international. Nous participons à des salons professionnels pour « vendre » Dijon. C’est un travail de longue haleine qui commence à porter ses fruits !
D’aucuns disent que le centre-ville a tendance à se « muséifier », rendant complexe la raison d’être d’un commerce. Et vous ?
Nous avons effectivement un musée magnifique qui fait la fierté de notre ville… Nous allions atteindre les 500 000 visiteurs sur une année, après sa métamorphose, soit deux fois plus qu’auparavant. C’est un atout pour notre ville et donc pour ses commerçants. Dijon compte des projets importants en cours et un taux de vacance commercial parmi les plus faibles de France. Sur ce point, la rénovation du centre Dauphine est un exemple marquant de la transformation de Dijon : ses investisseurs ont présenté un projet formidable sur les plans environnemental, architectural et économique.
Justement, le tram a métamorphosé certaines artères comme la rue des Godrans. Le salut passera-t-il par plus de tram et plus de piétonnisation ?
La piétonnisation de la rue de la Liberté, de la place Notre Dame, de la rue Charrue, de la rue Piron, ou encore de la rue des Godrans a créé des secteurs apaisés, sécurisés, qui ont développé là encore le flux piéton en centre-ville. +10, +15 ou +20% selon les rues ! Les consommateurs apprécient flâner dans les boutiques en toute sécurité, dans un espace respirable – je rappelle qu’il existait une rotation de plus de 1 000 bus par jour rue de la Liberté – et sans risque pour les enfants ou les poussettes. La notion d’espace partagé est importante, mais il ne s’agit pas d’enlever toutes les voitures du centre-ville. Sur ce point, on ne peut ignorer le grand plan de rénovation des parkings de la ville.
Depuis quatre ans, Dijon est doté d’un manager de cœur de ville. On a beaucoup évoqué la discrétion de la fonction. Et en réalité ?
C’est une réponse au souci de rééquilibrage entre le centre-ville et le développement du commerce périurbain. J’y tiens tout particulièrement. J’ai d’ailleurs commencé ce mandat en allant à la rencontre des commerçants à l’extérieur du centre-ville, dans le souci d’être à l’écoute de tous. L’approche du manager de centre-ville est pluridisciplinaire, il doit connaitre les secteurs du commerce et de l’artisanat mais également le fonctionnement en termes de gestion et investissement des territoires. Tout en accompagnant les professionnels, il doit intégrer les développements de la ville et coordonner l’ensemble des acteurs. En termes de moyens, le positionnement à la tête de la direction permet de s’appuyer sur une équipe de 15 personnes et des compétences présentes sur l’animation commerciale, la gestion du domaine public, la gestion des commerces ambulants, le suivi des professionnels et toutes les questions réglementaires.
Vous l’avez évoqué, la réhabilitation du centre Dauphine est le gros chantier à venir. Quelle est la vision de la Ville sur ce dossier sensible ?
C’est un dossier très important pour la municipalité et nous avions d’ailleurs indiqué dans notre programme municipal notre volonté d’accompagner cette réhabilitation. Fin novembre, le dossier est passé en CDAC (Commission départementale d’aménagement commercial) et a obtenu un avis favorable à l’unanimité. La délivrance du permis de construire devrait suivre. Le centre Dauphine a une histoire avec Dijon. Beaucoup aiment à rappeler leurs souvenirs au Lion, au Pimm’s ou quand ils venaient y manger une pêche melba… Mais c’est un dossier privé, complexe car en multipropriété, qui a nécessité aussi la volonté forte d’un porteur de projet. C’est chose faite et nous en sommes très satisfaits. Nous continuerons à travailler à leurs côtés pour ce qui sera l’une des réalisations les plus importantes de ce mandat.
Plus personnellement, vous avez été cheffe de cabinet de François Rebsamen. Que peut apporter, au fond de soi, un tel vécu ?
J’ai beaucoup appris aux côtés de François Rebsamen et je l’en remercie. Ces douze années ont été très formatrices sur tous les plans. Je pourrais citer des centaines d’exemples, de rencontres, de dossiers, de difficultés aussi que j’ai eues à traiter. J’ai adoré mon métier. Travailler aux côtés d’un grand homme politique, avec les qualités humaines qu’on lui connait, et être au service des Dijonnais et « grands-Dijonnais » a été une une expérience unique pour connaître le fonctionnement d’un territoire et les différents acteurs qui le composent.
Avec déjà un peu de pain sur la planche…
C’est sûr, il ne fallait pas compter ses heures. Mais l’adrénaline, le « bon stress » et la passion sont mes moteurs. Je me suis investie totalement. Cela m’a appris la rigueur, l’investissement, la gestion de dossiers complexes, l’humilité, l’écoute… M’étant spécialisée dans les questions économiques, cette expérience m’a aussi certainement poussée vers la délégation que le maire m’a confiée. Nous travaillons en confiance. Ce mandat est une nouvelle étape de ma vie que j’aborde avec sérénité et envie de faire bouger les choses.
Enfin, imaginons un peu. Si vous deviez tenir boutique à Dijon, qu’aimeriez-vous faire ?
J’aime le relationnel, je crois que j’aurais bien aimé tenir un restaurant, modeste, où l’on mange bien et où l’on se retrouve autour d’un repas ou d’un apéro. Tout simplement !