Nicolas d’Estienne d’Orves, auteur du très drôle Dictionnaire amoureux du mauvais goût, présidera le 111e Tastevinage au château du Clos de Vougeot, le 24 mars prochain. Une belle occasion de découvrir un touche-à-tout talentueux, écrivain, journaliste, esthète et iconoclaste.
Orné de son éternel nœud papillon — noué main, pas le modèle à scratch du garçon de salle — l’écrivain et journaliste Nicolas d’Estienne d’Orves présidera le 111e Tastevinage, vendredi 24 mars au château du Clos de Vougeot. « J’en suis très honoré et un peu intimidé », avoue-t-il. L’homme – Neo pour les intimes – cultive un dandysme vaguement désuet qui signale son esprit iconoclaste. Il en donne toute la mesure dans son tout récent Dictionnaire amoureux du mauvais goût, aux éditions Plon.
Avec un art consommé du contre-pied, il y dévoile son amour de l’andouillette qui « symbolise la chute des corps, le triomphe du bas-ventre », et sa cordiale détestation d’Anne Hidalgo, la maire de Paris qui s’emploie « avec tant d’ardeur, tant d’énergie, tant de paradoxale bonne foi à défigurer l’une des plus belles villes du monde ».
Pas tendre avec les vins natures
Son amour de la bonne chère, goûteuse et juteuse, Nicolas d’Estienne d’Orves le conjugue avec une belle culture de la dive bouteille, acquise notamment lors de ses nombreuses participations au salon Livres en vigne, au Clos Vougeot, où lors des Ventes des vins des Hospices de Beaune, auxquelles il assiste parfois, sa compagne officiant comme commissaire-priseur chez Christie’s, qui organisait l’événement avant que Sotheby’s ne reprenne le flambeau il y a deux ans.
Le vin nature prend cher dans son dictionnaire du mauvais goût : « je l’ai vu arriver avec un sentiment de libération. Voilà trop d’années qu’une sorte de monopole girondin régnait sur les caves des restaurants », note-t-il. « Las, comme souvent les révolutions, elle est devenue une école, un conformisme, parfois un terrorisme. (…) Apanage du bobo renégat ou du hipster rural, faire du vin nature est devenu une nouvelle tendance. (…) Ces néovignerons produisent désormais des vins interchangeables, sans typicité, sans nuances, dont la dégustation à l’aveugle rend impossible la moindre caractérisation géographique : Rhône ? Languedoc ? Corbières ? Lyonnais ? Anjou ? Ventoux ? Tous se ressemblent, opérant la même synthèse gustative, entre le clapier putride et la couille de renard. »
Une admiration pour Gustave Eiffel
L’auteur, grand spécialiste de l’histoire de Paris, s’est intéressé, sous ce prisme, à la vie du Dijonnais Gustave Eiffel dont il a fait le héros amoureux d’un de ses romans, logiquement intitulé Eiffel. « Un livre de commande », confesse-t-il pour en excuser le côté bluette amoureuse, éloigné de la réalité biographique du génial ingénieur. Il ne devrait pas être dépaysé au château du Clos de Vougeot, qui accueille une exposition en hommage à Eiffel jusqu’à la fin de l’année.
S’il fallait encore une preuve de l’esprit paradoxal du personnage, sachez que le petit-neveu du résistant Honoré d’Estienne d’Orves est également l’ayant-droit de l’écrivain fasciste et antisémite Lucien Rebatet qu’il a découvert, lors de ses études universitaires, par le biais de son brillant essai sur la musique classique Une histoire de la musique, parue en 1969, alors que l’auteur de Les décombres tente une timide réhabilitation. « Je gère son patrimoine depuis plus de vingt ans, c’est une passion universitaire pour un personnage qui illustre bien la complexité du statut de l’écrivain. Comment, avec tant de talent, écrire des choses aussi atroces », s’interroge Nicolas d’Estienne d’Orves.