L’Auxois, terre à mouton charollais ? Le chef Guillaume Royer et l’éleveur Nicolas Nesle (Ferme de Martrois) valorisent un agneau tendre et local, aux gigots rebondis et aux côtelettes juteuses. Illustration des pâturages à l’assiette.
Sur les coteaux de l’Auxois paissent des charollais. Contrairement aux bovins de même race, « avec deux “l” ce sont des moutons », explique Nicolas Nesle, qui élève 400 brebis charollaises en plein air à Martrois. Un village d’une soixantaine d’habitants près de Pouilly-en-Auxois, où l’éleveur est aussi premier adjoint et exploite 130 hectares, dont une partie en luzerne, épeautre, orge et avoine pour l’alimentation du bétail. « Les brebis prennent le temps de grandir, sans être poussées », garantit Nicolas.
Avant les prochains agnelages, il se promet d’achever l’aménagement de la maison de son arrière-grand-père. Il compte installer un point de vente directe pour une gamme de produits à base d’agneau : colis de viandes, terrines, saucissons, tartinades (sorte de pâté où les abats sont hachés fins), plats cuisinés tel que le sauté d’agneau… « Et même des rillettes d’agneau, un mets pas courant », précise Apolline, employée à la ferme. Les conserves La Ferme de Martrois sont déjà référencées au Drive fermier de Côte-d’Or, à la Maison de pays de Pouilly-en-Auxois, sur les étals de quelques épiceries fines et marchés locaux où il expose. Sous les halles de Beaune, par exemple, et une fois par mois à Paris.
« Ce sont des agneaux d’herbe qui s’engraissent sur les coteaux et avec les céréales produites à la ferme », affirme-t-il avant de les accompagner aux abattoirs d’Autun et de les confier à la Ferme des Rivault pour la transformation.
Ode au terroir à La Bussière
Côté fourneaux, Guillaume Royer, chef étoilé de l’Abbaye de la Bussière, est sur ses terres d’enfance. Natif de Vandenesse-en-Auxois, il connait Martrois « depuis que je suis tout petit. Nicolas a été à l’école avec mon petit frère », dit-il. Les atomes crochus sont réciproques : « Je me souviens bien de lui quand il était encore en apprentissage », confie de son côté Nicolas Nesle. La qualité des produits recherchée par le cuinier Meilleur ouvrier de France va le rapprocher de l’éleveur : « Je cherchais un mouton pour Pâques. Pourquoi pas le prendre à la Ferme de Martrois que je connaissais ? » Il faut dire que le chef est un adepte de produits du terroir et de circuits courts, lui qui s’est lui-même lancé dans une auto-production de truites dans l’étang du parc de l’abbaye, de miel et de légumes dans un potager en plein développement.
Sur la carte du Bistrot des Moines, le bistrot gourmand de l’Abbaye de la Bussière, qui se partage la place avec le restaurant étoilé Le 1131 (date de fondation de l’abbaye), Guillaume Royer a inscrit le gigot de la Ferme de Martrois en toute lettre sur le menu. La belle pièce d’agneau apparaît aussi dans la formule « brunch dominical », rôtie au barbecue comme pour un méchoui jusqu’à obtenir une texture confite de l’épaule. « Je fais ma carte avec mes fournisseurs et amis en qui j’ai toute confiance totale, des petits producteurs à 80 % locaux qui me livrent des véritable pépites », commente-t-il.
Un régal des yeux et des sens accompagné d’un vin pas trop puissant, selon les recommandations du chef, pour laisser place aux saveurs subtiles de l’agneau. Il est vrai qu’en disciple d’Escofier, le chef doit savoir convaincre : « Il y a ceux qui adorent l’agneau et se régalent déjà quand je leur dis que ce midi j’ai un superbe agneau de la Ferme du Martrois. Et d’autres qui hésitent, qui ont une appréhension, de mauvais souvenirs. À moi de les réconcilier avec le produit », entonne-t-il généreusement comme une ode au terroir. Pour cela, rien de tel que sa recette du gigot de la Ferme de Martrois, « cuit comme l’aurait fait une grand-mère, en cocotte en fonte, gentiment », avec légumes de saison et champignons, jus à la moutarde à l’ancienne infusée au romarin du jardin. Tout simplement.