Son jambon persillé label rouge vient de recevoir la médaille d’or au Concours Général Agricole, ce qui lui a déjà valu les félicitations officielles de François Rebsamen en personne. Arnaud Sabatier est le dirigeant de la cinquième génération de la société dijonnaise qui porte son nom. Il est aussi le roi du jambon persillé qui représente à lui tout seul la moitié de la production globale de cet étendard de la gastronomie bourguignonne. Cochon qui s’en dédit.
Par Dominique Bruillot
Illustrations : Aurélie Magnan et D.R.
150 tonnes en 1988, dix fois plus en 2011: la spectaculaire envolée du jambon persillé produit dans les sept entreprises charcutières regroupées en association révèle tout l’intérêt que le jambon de Pâques suscite à notre époque. Au Moyen-Âge, il était déjà cette viande précieusement conservée tout l’hiver au saloir. Les cochons bourguignons s’épanouissaient alors dans des forêts de chênes et attendaient leur quart d’heure de gloire dans l’assiette, relevés par du persil, de l’ail, du vinaigre et un coup de vin blanc. Preuve indéniable de ces origines lointaines, on aurait même retrouvé des recettes particulières dans les cuisines ducales. Le « persillé » a donc connu un essor plus que significatif entre Chalon-sur-Saône et Dijon, au sommet duquel règne un nom: Sabatier.
Label rouge
Le Sabatier de la cinquième génération se prénomme Arnaud (voir notre sujet historique). Il représente à lui tout seul 50 % du marché global du jambon persillé, soit un millier de tonnes. Ou encore la moitié de l’activité des salaisons qu’il dirige, lesquelles produisent par ailleurs terrines, saucissons et autres délices charcutiers. Avec une constante dans le business actuellement: « On ne vend jamais en direct! ». Maistre Antoine Sabatier est donc la marque à la fois la plus répandue et la plus discrète de son secteur. Au rayon charcuterie du supermarché, il y a de fortes de chances que le « persillé » servi soit un Sabatier, sans qu’on vous le précise.
La réussite phénoménale du jambon de Pâques doit donc beaucoup aux traditions bourguignonnes. Et le « made in Dijon » fonctionne à plein rendement. Dans un marché où l’artisanat joute parfois avec l’industriel, il est le garant d’une proximité vertueuse. Le Label rouge accompagne ainsi depuis cinq ans le produit vedette des salaisons Sabatier et assure, en l’état, l’avenir d’une entreprise locale performante. La famille Sabatier génère en effet un chiffre d’affaires de près de 20 millions d’euros via les quatre sociétés qu’elle possède en Bourgogne: les Salaisons dijonnaises au Marché de l’agro à Dijon, Fernand Dussert à Arleuf, Au jambon de Bourgogne à Nuits-Saint-Georges et Terrines du Morvan à Onlay.
60 tonnes de persil
Pour Arnaud Sabatier, la recette du succès en haut de la charcuterie industrielle tient à un positionnement particulier: « Le jambon persillé est un produit différenciant et je ne vais pas me battre sur le terrain des jambons premier prix ». Après tout, ce produit répond aux critères de la simplicité, donc de la fiabilité dans sa fabrication.
Une marmite à cuire dont on sort la viande pour persiller le fond et le tour est joué. Sans oublier, bien évidemment, les contraintes de production. Depuis le début des années 2000, pour s’appeler « jambon persillé », il faut mettre principalement du jambon et pas seulement de l’épaule, comme cela se faisait autrefois. Ou alors il faut prendre l’appellation « Persillé de Bourgogne ».
Derrière l’évidente facilité qui consisterait à vanter les mérites de cet étendard bourguignon, il y a aussi la réalité de quelques chiffres. 1 000 tonnes de jambon persillé, c’est 50000 jambons pour autant d’épaules engloutis et, on vous laisse imaginer, 60 tonnes de persil. Soit 25 000 porcs « tous français », tient à préciser Arnaud Sabatier qui, notamment, travaille beaucoup avec un éleveur, M. Hazotte de Beaumont-sur-Vingeanne près de Mirebeau-sur-Bèze.
Plus bourguignon que le jambon persillé, tu meurs.
SABATIER EN CHIFFRES
• Salaisons Dijonnaises, Marché de l’agro à Dijon 3800 m2, 45 personnes, 11,1 millions d’euros de CA, 1600 tonnes de charcuterie cuite et crue.
• Fernand Dussert, Morvan 2500 m2, 10 personnes, 1,7 million d’euros de CA, 250 tonnes de charcuterie sèche. Spécialiste du véritable jambon sec du Morvan.
• Au jambon de Bourgogne, Nuits-Saint-Georges 2500 m2, 25 personnes, 5 millions d’euros de CA, 800 tonnes de charcuterie cuite à base de porc et de volaille.
• Terrines du Morvan, Onlay 15 personnes, 1,5 million d’euros de CA, 250 tonnes de terrines et plats cuisinés en conserves.