Être la seule et unique cave coopérative de Côte-d’Or, qui plus est liée à une cousine mâconnaise, n’est pas neutre. Depuis Beaune, Nuiton-Beaunoy revendique fièrement son modèle original, exemplaire et diablement utile à l’échelle d’une filière. Sa taille et son savoir-faire permettent de rester attractif et de travailler sur des sujets économiques et environnementaux.

« L’union fait la force ». Le célèbre aphorisme remonterait aux épopées d’Homère et constitue aujourd’hui l’idéal de nombreux pays (Andorre, Angola, Belgique, Bolivie, Bulgarie…). Les caves coopératives ont suivi le même précepte au début du XXe siècle pour surmonter les coups durs, phylloxera en tête.
En Côte-d’Or, Vosne-Romanée, Gevrey-Chambertin ou Morey-Saint-Denis furent des pionniers dans les années 1910, avec plus ou moins de réussite, avant un second souffle dans les années 50, porté par une grappe d’exploitants des Hautes-Côtes. La commune d’Orches verra la sienne naître en 1957 avant de s’étendre à l’ensemble des cantons environnants pour devenir la Caves des Hautes-Côtes.
Nuiton-Beaunoy, premier producteur-récoltant de Côte-d’Or
Aujourd’hui installée à Beaune, renommée fort joliment Nuiton-Beaunoy, ses mensurations sont celles d’une belle ETI régionale avec 80 familles vigneronnes couvrant 350 ha de vignes pour 76 appellations produites. Ce qui en fait déjà le premier producteur-récoltant de la Côte-d’Or, devant les belles maisons de négoce beaunoises. « Notre grande spécificité est de représenter la pyramide des bourgognes, des régionales aux Hautes-Côtes parcellaires, des villages aux premiers et grands crus en passant par la production et l’élaboration de crémant », présente Florent Baillard, le président de la structure.
En 2017, l’unique cave coopérative de Côte-d’Or a acté son mariage avec la voisine mâconnaise des Terres Secrètes. Les Vignerons associés des Monts de Bourgogne représentent 80 salariés pour des fonctions supports (direction générale, commerciale, marketing, ressources humaines et financières…) elles aussi mutualisées. L’activité globale des deux caves coopératives rassemblées, sous la nouvelle direction générale de Lionel Chol, représente quelque 200 vignerons et dépasse la barre des 50 millions d’euros. Dans cette structure agile et harmonisée, chaque cave vit sa propre vie, pilotée par un conseil d’administration élu en assemblée générale et organisée au quotidien autour de commissions thématiques.

Plus long mais durable
Cette configuration présente déjà l’avantage évident de la stabilité. « Nos volumes et notre savoir-faire collectif permettent de toucher l’ensemble des marchés, de l’export (ndlr, Nuiton-Beaunoy est présent dans 72 pays !) à la grande distribution, en passant par la restauration gastronomique et le circuit traditionnel français, et nous autorisent à partir en quête de marchés plus rémunérateurs pour les adhérents », expose Charles Lamboley. Le directeur de la communication et du marketing de l’union mesure les bénéfices d’un modèle que beaucoup jugent plus vraiment dans l’ère du temps. Ce Franc-Comtois de souche, complètement acculturé à l’esprit bourguignon, sait combien « la réussite d’un collectif » peut être un moteur puissant.
Il est bien placé pour savoir que l’esprit coopératif est né des fruitière jurassiennes dans les monts du Jura aux alentours du XIIe siècle. « C’est un modèle un peu plus long à mettre en route mais il est durable, à condition d’être guidé par une vision et bien géré au quotidien. Le meilleur exemple étant nos structures, qui ont traversé les épreuves et les crises sans dégât majeur », estime le spécialiste, bien conscient que c’est dans l’adversité que la coopérative est plus forte. La période actuelle et son lot d’incertitudes politico-économiques ne déroge pas à la règle.
La Bourgogne compte encore une quinzaine de coopératives, représentées par un syndicat basé à Mâcon, la Fédération des caves coopératives Bourgogne-Jura. Ensemble, elles pèsent pas moins de 250 millions de chiffre d’affaires et prennent soin de 5 000 ha sur les 30 000 ha de vignes qui dessinent nos paysages. Soit tout de même un sixième de la Bourgogne viticole, historiquement focalisée sur le Mâconnais depuis qu’un certain Henri Boulay, grand personnage de la filière bourguignonne et des coopératives dans les années 20, a ouvert la voie en fondant la cave de Lugny.
« Nos volumes et notre savoir-faire permettent de toucher l’ensemble des marchés, de l’export (Nuiton-Beaunoy est présent dans 72 pays !) à la grande distribution, en passant par la restauration gastronomique et le circuit traditionnel français. »
Charles Lamboley, directeur marketing de Nuiton-Beaunoy
Bon pour l’environnement
Mais revenons à nos moutons en Côte-d’Or. Nuiton-Beaunoy revendique une excellente taille critique, qui permet de porter des projets de toute nature avec les filières régionales et nationales. En 2017, la coopérative a validé une longue réflexion écoresponsable en s’engageant dans le cahier des charges « Vignerons Engagés », premier label RSE et durable du vin. « Ces sujets font historiquement partie de nous. Les retours marchés et les clients sont très réceptifs. Quand le marché scandinave, de plus en plus porteur en Bourgogne et en particulier sur le crémant, effectue son bilan carbone, il nous demande d’en avoir un à l’horizon 2027 », estime Charles Lamboley.
Le poids des bouteilles est une discussion à la mode. Chez Nuiton-Beaunoy, 100% des flacons de vins tranquilles font moins de 500 grammes, et ce depuis plus d’une dizaine d’années. « Nous avançons maintenant sur la consigne et le réemploi, car nous avons été les premiers à lancer la bouteille réemployable », en lien avec l’organisme J’aime mes bouteilles. Panneaux solaires, enjambeurs, robots : les commissions n’éludent rien. En interne, ces sujets sont confiés aux bons soins d’Emeline Favre, la responsable du pôle vignes et terroirs chargée du développement durable et des relations adhérents.

Bon pour le tourisme
L’œnotourisme est aussi un levier important pour la cave. Nuiton-Beaunoy a bien compris l’importance de cultiver sa différence. Elle ouvre grand ses portes alors que la tendance est au repli. Son caveau de dégustation situé route de Pommard offre à la dégustation une palette large de la Bourgogne, parmi 35 cuvées, le tout à titre gracieux. « Un choix assez unique sur le Beaunois, voire en Côte-d’Or, qui montre notre esprit de pédagogie et d’ouverture », estime Charles Lamboley. Cet état d’esprit rejoint celui des vignerons coopérateurs. Ces derniers « peuvent se concentrer sur leur métier premier à la vigne grâce à notre système, mais ils ne sont pas considérés comme de simples apporteurs de raisins », nuance-t-on chez Nuiton-Beaunoy.
Chacun est libre d’avoir un regard stratégique sur la cave et s’impliquer dans les nombreuses commissions mixtes (technique, événement, investissements…) pilotées par les salariés et les adhérents.
Les vertus de la coopération se vérifient jusqu’à la gestion de situations individuelles. Une aide à l’installation, une problématique de transmission du foncier avec besoin d’accompagnement technique, un pépin de santé, une retraite à anticiper : les vignerons adhérents trouveront toujours un soutien. La coopérative, on a failli l’oublier, est un projet humain avant tout. Ce que DBM vous expliquera dans son prochain numéro.