OIV : objet viticole bien identifié

L’Organisation internationale de la Vigne et du Vin (OIV) a choisi Dijon et l’hôtel Bouchu d’Esterno rénové pour entamer une nouvelle ère centenaire. « L’ONU du vin » souhaite se fondre dans la ville… et montrer qu’elle n’a rien d’un « machin ».

Rue Monge, tout près de la Cité de la Gastronomie, l’hôtel particulier Bouchu d’Esterno rénové accueillera, sur 2 000 m2, le siège de l’Organisation internationale de la Vigne et du Vin (OIV), suite à son déménagement parisien effectif en 2022. © Jean-Luc Petit / Dijon Capitale

L’OIV s’est glissée dans ses habits dijonnais depuis deux ans maintenant, et emménagera dans le prestigieux hôtel Bouchu-d’Esterno, rue Monge, l’année de son centenaire. La vénérable institution internationale s’empare de ce moment clé pour repenser son rôle. « Notre déménagement s’inscrit dans le contexte de la définition de notre nouveau plan stratégique 2025-2029, qui donne les orientations qui vont nous guider pour notre prochain centenaire », estime Sophie Pallas, directrice des relations extérieures. 

Vue holistique

Les nouvelles orientations de l’OIV visent à mieux appréhender les problématiques globales qu’affronte le monde vitivinicole, à l’aune du dérèglement climatique, mais aussi de l’évolution de la perception, voire de la définition du vin. « Nous avons besoin de faire changer notre structure, afin de mieux prendre en compte les aspects économiques et sociaux dans le contexte du développement durable. Comment faire pour que toutes ces questions soient traitées transversalement au sein de notre organisation. Nous devons avoir une vue holistique », détaille son directeur général John Barker.

« L’ONU du vin », comme il est usuel de nommer l’OIV, est l’une des plus anciennes organisations internationales, fondée le 19 novembre 1924, deux décennies avant l’Organisation des Nations Unies. Une structure alors très européano-centrée, dont la mission est simple en apparence : protéger les appellations d’origine et garantir pureté et authenticité du vin. « À cette époque, on donnait le nom de vin à tout. Lors de la Première Guerre mondiale notamment, les poilus buvaient des pinards parfois fort peu recommandables », restitue Yann Juban, directeur adjoint et visage historique de l’institution.

Pendant ses premières décennies d’existence, l’OIV demeure une institution modeste. En 1988, année où Yann Juban la rejoint, l’OIV compte six permanents, tous français, et une vingtaine d’États membres. Les vingt années suivantes seront celles de la croissance et de l’internationalisation, l’organisation doublant quasiment son nombre de membres, intégrant les États-Unis*, l’Australie, l’Argentine ou encore le Chili. 

Une partie de l’équipe permanente de l’OIV à Dijon, soit une vingtaine de personnes au total, qui ont signé pour une nouvelle vie dijonnaise ou ont été recrutées suite au déménagement. © Jean-Luc Petit / Dijon Capitale

Une vingtaine de salariés

Présidée par l’Italien Luigi Moio – très attaché à Dijon pour y avoir passé une partie de sa vie universitaire et vu naître sa fille –, l’OIV compte une vingtaine de salariés permanents, regroupe plus de 1 000 experts internationaux et 50 États membres, représentant 87 % de la production de vin mondiale. En 2004, elle intègre la règle du consensus : aucune décision n’est adoptée si un seul des membres s’y oppose. Si elle édicte des normes pour le secteur vitivinicole, celles-ci demeurent indicatives et s’apparentent plus à un guide des bonnes pratiques. « Nous ne sommes pas un lobby du monde viticole car nos membres sont les gouvernements des 50 pays présents au sein de l’OIV », tient à préciser John Barker.

Le déménagement de la vénérable institution de Paris à Dijon constitue une belle réussite pour la métropole dijonnaise. Les parties prenantes s’accordent à dire qu’elle avait le meilleur dossier, avec tout un pan de la recherche scientifique et académique très forte et mobilisée en Bourgogne, mais surtout un atout maître qu’il fallait oser mettre dans la corbeille de la mariée : l’Hôtel Bouchu dit d’Esterno, qui a séduit tout de suite à la fois les représentants de l’Etat et les dirigeants de l’OIV. La cité bourguignonne, en lice avec Bordeaux et Reims, s’est imposée au troisième round de négociations, après que les deux ministères de référence, agriculture et affaires étrangères, ont accepté l’idée d’une décentralisation. Celle-ci n’a pas été sans difficulté. « Nous avons négocié avec nos salariés pour qu’ils acceptent de quitter Paris, un tiers n’a pas suivi, nous avons donc dû recruter pour notre siège dijonnais », précise le directeur adjoint. Dijon accueille ainsi les 18 salariés permanents de l’institution, pour l’heure hébergée dans des locaux au sein de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin. 

Le déménagement à l’hôtel d’Esterno interviendra courant octobre, une fois les travaux finalisés, au moment où se déroulera le Congrès mondial de la vigne et du vin (lire encadré). Outre ses 18 permanents, l’OIV fera le bonheur des hôteliers et restaurateurs dijonnais : chaque année, l’organisation organise deux sessions de réunions, qui rassemblent 500 à 600 experts pendant quinze jours au printemps, et une semaine en automne. Régulièrement, l’OIV accueille également des délégations étrangères – la Moldavie dernièrement – qu’elle invite à découvrir le vignoble bourguignon. Une belle carte de visite !

* 4e producteur mondial, les États-Unis ont quitté l’organisation dans les années 2000, remettant en question le système de représentativité des pays producteurs, prétendument à l’avantage du « vieux monde ».

Dijon en mondovision

Le 45e Congrès mondial de la vigne et du vin aura lieu à Dijon du 14 au 18 octobre 2024. « Le troisième seulement en France après Bordeaux en 1928 et Paris en 2000 », détaille le directeur adjoint Yann Juban. Un événement de taille à organiser, qui concernera entre 1 300 et 1 500 experts, dont Christian Vanier est l’une des chevilles ouvrières. Le co-commissaire à l’organisation du congrès est bien connu en Bourgogne pour avoir dirigé l’interprofession viticole (2017-2023). « Dès le congrès mondial au Mexique fin 2022, les équipes de l’OIV ont effectué un gros travail en faveur de Dijon, en lien avec notre ministère de l’Agriculture ». Un ministère qui en a profité pour greffer à l’événement une conférence ministérielle du 11 au 13 octobre, avec les 50 ministres des Etats membres, « soit 250 personnes au total en comptant les collaborateurs ». Une conférence suivie de l’inauguration du siège dijonnais et d’un dîner officiel. Puis, pendant trois jours, des sessions académiques auront lieu au palais des Congrès de Dijon, ainsi que des visites techniques sur la côte viticole et une soirée de gala au château du Clos de Vougeot, siège des Climats de Bourgogne et chef d’ordre de la confrérie des chevaliers du Tastevin. Ce grand raout mondial sera aussi l’occasion, pour l’OIV, de redynamiser son réseau international de « Villes de la Vigne et du Vin », qui compte plus de 160 membres provenant d’une vingtaine de pays… mais aucun en Bourgogne. Cela devrait vite changer !

📚 À lire dans Dijon Capitale n°9 – Disponible chez nos dépositaires habituels et à feuilleter en ligne