Le Grand Théâtre poursuivra bientôt ses travaux d’embellissement. En attendant, tout en veillant à la bonne conduite de ce chantier à venir, Dominique Pitoiset y signe la mise en scène d’un frissonnant opéra de Benjamin Britten, Le Tour d’écrou, fin février. Le patron de l’OD reste avant tout un artiste.
La machine « OD » est lancée depuis un moment maintenant. Dominique Pitoiset, son directeur et metteur en scène, s’active à la fois sur une stratégie durable d’ouverture du Grand Théâtre, et à la mise en place d’une programmation de qualité, encadrée par des références en la matière. Normal, soutient-il, car il s’agit avant toute chose « d’un opéra dirigé par un artiste ». Un directeur général délégué, Bruno Hamard, est arrivé en même temps. « Ensemble, nous avons décidé d’inviter Debora Waldman comme cheffe associée », note le directeur. La brillante cheffe d’orchestre israélo-brésilienne a déjà dirigé Verdi et l’Orchestre Dijon-Bourgogne dès le début de la saison 2022-2023. « OD », l’Opéra de Dijon, c’est aussi 80 personnes : les membres du Chœur de l’Opéra, les techniciens, les petites mains des décors et des costumes, les services administratifs…
Le Tour d’écrou, succès bordelais
Un monde qui croise dans la programmation de l’Auditorium, notamment, les présences charismatiques de Jordi Savall, Patricia Petibon, des sœurs Labèque ou de Renaud Capuçon. Un monde qui s’ouvre aux musiques du monde, au cirque et à la danse. « On ne peut pas définir notre opéra en ayant la bouche plus grosse que le ventre, mais en l’ouvrant à tous les talents », poursuit son guide, qui tient à prendre lui-même part « aux actes jubilatoires de la tribu ».
Cette jubilation saisira le Grand Théâtre de Dijon et les fantômes de l’opéra de Benjamin Britten, du 26 février au 2 mars. Le Tour d’écrou, avec « sa musique très narrative », inspiré d’une nouvelle d’Henry James, s’affiche comme « un huis clos hallucinatoire, aux atmosphères oppressantes, où les non-dits pèsent d’un poids toujours plus lourd. C’est un subtil travail de variations. Chacune de ces variations permet de resserrer l’écrou après chaque scène… jusqu’à l’étouffement ». Cette production de l’Opéra de Bordeaux, datant de 2008, a déjà rencontré un beau succès. Elizabeth Askren en assurera la direction musicale, Dominique Pitoiset la mise en scène et la scénographie.
Armide et la guerre des sexes
Le patron de l’Opéra a besoin de ces bonnes vibrations. Du 25 au 29 avril, il fera de même avec Armide, dans le cadre de l’Auditorium cette fois, avec l’impressionnante mezzo-soprano Stéphanie d’Oustrac en tête d’affiche. L’œuvre de Quinault et Lully ne manque pas de sel. « C’est une histoire d’amour impossible, une rencontre entre deux êtres qui seraient dignes l’un de l’autre s’ils n’appartenaient pas à deux camps opposés. » Et c’est bien là ce qui a intrigué Dominique Pitoiset, à l’heure d’aborder, après Così fan tutte, ce nouveau volet de son exploration de la « guerre des sexes ».
Sans pour autant se défaire de la mise en scène qui le lie intimement à son art, le Dijonnais prend sa mission à cœur. Il se fixe un double cap, celui de veiller au bon usage des équipements tout en ayant l’ambition de replacer la création locale au cœur de la proposition culturelle.
La décision de transformer et rénover les coulisses du Grand Théâtre avait précédé sa venue. « Dans le contexte qui l’imposait, nous avons réduit la voilure, avec une réussite certaine, grâce au talent et à l’esprit libre d’un jeune architecte local, Fabien Drubigny. » Il est vrai que tout a été pensé, derrière la scène, pour bien recevoir les artistes et les techniciens, en nombre ou individuellement. Des matériaux clairs, des accès directs aux planches et à la fosse, une organisation par étage qui anticipe pratiquement toutes les configurations de spectacle : le modèle est aussi pragmatique qu’esthétique, apprécié des troupes de passage ou en résidence.
Avec ses huit colonnes corinthiennes réparties sur une vingtaine de mètres de largeur, le Grand Théâtre porte la signature du Premier Empire. Construit sur un plan rectangulaire, sa salle à l’italienne circulaire autorise la venue de 600 spectateurs répartis sur trois étages de galeries.
Mais sous les lumières du cristal de Murano, ce respectable édifice inauguré en 1828 a besoin de se refaire un intérieur. Cela viendra prochainement. « Si près du Palais des ducs et du magnifique Musée des Beaux-Arts, il mérite qu’on prenne soin de lui. » Et de provoquer encore beaucoup d’autres grands frissons.