Avec l’arrivée du printemps, la maison Albert Bichot privatise régulièrement le Salon Pompadour du palace Le Meurice à Paris, le temps d’un 5 à 7 gustatif très prisé. Voilà pourquoi et comment la maison beaunoise s’est une nouvelle fois mobilisée à l’ombre de la tour Eiffel ce lundi.
Quand vient le printemps, la maison beaunoise Albert Bichot tient salon sous les ors du Meurice. Le style néo-classique, il est vrai, lui va plutôt bien. Ce rite n’a cependant rien d’une fantaisie dispendieuse pour Bourguignons en quête de gloire. Depuis plus d’une dizaine d’années, le bastion prestigieux du 228 de la rue de Rivoli est un tremplin pour qui veut sa place sur le marché parisien.
Dali, Victoria et Bichot
Mener à bien ce genre de bataille nécessite d’avoir les bonnes armes. À savoir six domaines qui, géographiquement et géologiquement parlant, épousent le vignoble bourguignon de haut en bas, et même un peu plus. Long-Depaquit à Chablis, Clos Frantin et Château-Gris à Nuits-Saint-Georges, le Pavillon à Pommard, Adélie à Mercurey et Rochegrès sur les terres beaujolaises : la palette est complète, teintée de bio et répond aux attentes du consommateur avisé.
Dans ce bel établissement avec vue sur les Tuileries, le Louvre et la tour Eiffel, on a jadis chouchouté la Reine Victoria et l’immense Salvador Dali. Grand rival du Ritz, le Meurice incarne l’excellence à la française. En cuisine, le jeune prodige Amaury Bouhours, chaperonné par Alain Ducasse, relève depuis plusieurs années le défi de deux étoiles. The place to be pour résumer ce lieu qui en impose avec grâce.
Albéric Bichot agit en sniper : « Cela nous coûte beaucoup (ndlr, environ 15 000 euros), mais le retour apporté par cette opération est formidable. » À ses côtés, un escadron d’une douzaine de fidèles lieutenants, dont l’indispensable Michel Crestanello, présent sur tous les fronts. Le directeur commercial est venu avec femme et enfant pour préparer les morceaux de Comté fournis par Juraflore.
Destination Paris
Organisés en ordre de bataille, les experts des domaines Albert Bichot s’apprêtent à recevoir, le doigt sur la couture, plus de 250 dégustateurs aux origines diverses : cavistes, restaurateurs, particuliers, influenceurs, journalistes, amis de la maison, agents parisiens et même, quelques diplomates… La procession peut alors commencer.
Pour Albert Bichot, le marché de la capitale représente le dixième de son chiffre d’affaires. « Encore trop peu » ne peut s’empêcher de regretter son patron « Albé », qui inscrit ce rapport à la capitale dans une logique de commercialisation raisonnée. Plutôt que de courir seulement après les performances spéculatives au bout du monde, la maison beaunoise veut en effet savoir raison garder. Son grand cru amiral, le Richebourg du Clos Frantin, plafonne ainsi à 600 euros environ. C’est déjà beaucoup pour le commun des mortels, mais finalement tellement peu au regard de ces prix qui flambent de manière in(can)descente dans certains domaines de la Côte-d’Or, jusqu’à en donner le tournis.
Heureusement, nous le soulignons régulièrement, Albert Bichot aime sincèrement la Bourgogne. Ses implications culturelles dans le territoire, comme au sein du salon Livres en vignes, dans le cadre incomparable du Château du Clos de Vougeot, en témoignent. Elles expliquent aussi la présence de certains auteurs familiers de l’événement parmi les grands dégustateurs réunis dans le salon Pompadour.
Cornaille millésime 2023
D’ailleurs, quand on lui parle de la spéculation délirante qui s’empare des grandes bourgognes, Albéric Bichot répond qu’il ne se sent pas toujours « très à l’aise avec le sujet ». Son instinct est salutaire. Si le vin de Bourgogne se comporte comme un produit de luxe, n’oublions pas qu’il est avant tout conçu pour être bu, pas pour être contemplé comme une œuvre d’art exposée dans un musée.
Le sac-cadeau offert aux journalistes présents à la dégustation des domaines Bichot à l’hôtel Le Meurice symbolise cet esprit d’ouverture. À l’intérieur, un livre aux arômes de la ruralité accompagne une bouteille de savigny-les-beaune 2020. Le sang et la sève est le dernier ouvrage en date de l’écrivain morvandiau Didier Cornaille. Il exprime entre ses lignes l’humilité du terroir, loin des artifices d’un monde viticole qui fait régulièrement exploser les enchères des ventes des hospices dont Albéric Bichot est pourtant le plus grand des fidèles. Un bandeau explicite entoure sa couverture : Prix Livres en vignes Albert Bichot 2023. Fin du chapitre.