Au lycée dijonnais Le Castel, le « prof » Franck Béhérec et le « pro » Alexandre Carbillet ont proposé à leurs élèves et pour la revue Bourgogne Magazine deux versions d’un grand classique de la pâtisserie inspiré du monde du vélo: le Paris-Brest. C’est la gourmandise qui l’emporte au sprint.
Photos : Jean-Luc Petit
« ll faut déjà commencer par apprendre à casser les oeufs proprement dans un cul de poule! » Les fondamentaux, c’est son credo. Intarissable, Franck Béhérec incarne cet amour du travail bien fait, à l’ancienne, qui n’a jamais fait autant défaut.
Ne pas croire cependant que son sens aigu de la pédagogie est dépassé. En témoigne le formidable ouvrage que le « prof » du Castel a publié aux éditions Orphie: Mon cours particulier de boulangerie-pâtisserie, un modèle du genre qui peut faire de chacun d’entre nous un « pro » du gâteau, du pain ou de la viennoiserie.
Vive la pâte à choux
On pourrait le trouver d’un enthousiasme excessif mais cela n’est que le signe d’une bienveillance débordante. Franck a connu d’autres statuts avant d’enseigner. Il sait ce qu’un compte d’exploitation signifie. Alors, quand il est face à ses élèves, il opère en mode « protecteur » autant qu’en enseignant.
Alexandre Carbillet le premier peut en témoigner. Avant de rejoindre son père Guy, créateur en juillet 73 de l’emblématique et patrimoniale maison de la rue des Forges à Dijon, il a hésité: « Je m’y suis mis tard car petit on ne voit que les inconvénients de la situation. » Le chocolatier doit d’ailleurs beaucoup de sa vocation retrouvée à son passage au CFA sous la conduite d’un certain Franck Béhérec, puis à un séjour en entreprise à Nevers.
Désormais, les Carbillet assument leur filiation et la succession est assurée. Les retrouvailles entre Franck et Alexandre ne sont donc qu’un pur moment de bonheur à la gloire du Paris-Brest, sujet de ce deuxième opus de notre série sur les métiers de la restauration (voir notre article sur la cuisine), en partenariat avec le lycée Le Castel.
Sous le signe de la pâte à choux et du vélo (le Paris-Brest est un hommage historique à la course éponyme), quatre élèves abordent ce grand classique sous deux angles en simultané: la version académique de leur « prof » et celle, personnalisée, du professionnel.Steven, 18 ans, en bac pro mention complémentaire pâtisserie, se destine à un BTM (brevet technique des métiers), donc à apprendre à gérer une équipe.
A ses côtés, on retrouve Marjorie, 15 ans, en seconde bac pro de boulangerie pâtisserie; Mathilde, 18 ans, en terminale, qui veut faire une mention complémentaire pâtisserie; Camille, élève de seconde lui aussi, dont la vocation de pâtissier est, de son propre aveu, « motivée par la gourmandise ». Ce qui, après tout, se conçoit très bien.
Avec ou sans roue
« Les gens pensent qu’on peut tout revisiter mais il faut connaître les bases, prévient Franck Béhérec, pas toujours tendre avec les méthodes actuelles. En trois ans, on apprend deux métiers et demi, or être “pro”, c’est être bon tous les jours. » L’école ne fait pas tout en effet, seule l’expérience apportera ce complément qui fera le véritable professionnel. Méthodiquement, les petites roues se dessinent sur la plaque beurrée et s’apprêtent à prendre de la rondeur dans le four. Elles seront ensuite garnies de la mousseline pralinée préparée avec le fameux cul de poule et couvertes d’une appétissante couche neigeuse de sucre glacé.
Chaque étape du process est un acte à part entière, avec une règle d’or, la propreté et l’organisation de ses outils. La pâtisserie demande de la rigueur, elle est l’ennemie du bazar improvisé. Alexandre Carbillet, lui, ne fait pas dans la roue, mais opte pour une forme plus longiligne. Sa marque de fabrique porte sur des différences de texture sur la pâte à choux, mais aussi sur le craquelin qui s’y ajoute, et un praliné croustillant dont il partage le secret avec les élèves. En pâtisserie, la part d’improvisation est là: d’aucuns poussent le classique ultime en y ajoutant une « chambre à air » de pâte à chou à l’intérieur, alors que d’autres évacuent l’aspect originel (et pourtant historique) du Paris-Brest au profit d’une vision gustative plus personnelle.
Dans tous les cas de figure, une multitude de possibilités sont offertes par ce dessert hautement savoureux qui, avec le millefeuille et la tarte au citron, fait quand même partie du « top 10 » calorique de la pâtisserie. Donc à consommer avec une certaine modération!