Une façade, c’est la partie visible d’un standing, le témoignage d’une histoire. Donc, ça se protège. Mais pas à n’importe quel prix. Depuis Dijon, le maçon Martial Ducherpozat explique comment, entre les exigences des bâtiments de France et les idées reçues des propriétaires, le compromis laisse une marge de manœuvre dans sa restauration.
Par Dominique Bruillot
Derrière chaque façade il y a une histoire et un point de vue. Lorsqu’elle est « protégée », sa restauration dépend de l’avis de l’architecte des bâtiments de France. A ne pas confondre avec l’architecte des Monuments historiques qui, lui, s’intéresse aux sites classés. Une fois ce contexte posé, il y a l’arbitrage de la situation et, bien souvent, quelques marges de manœuvre dans les travaux malgré tout. Martial Ducherpozat, dont l’entreprise éponyme est spécialisée dans le patrimoine, en sait quelque chose. Si « l’architecte des bâtiments de France doit agir dans le respect des origines d’un point de vue visuel, car c’est son cadre d’intervention », rappelle le maçon, le propriétaire, lui, raisonne déjà de manière affective, n’échappant pas aux idées reçues. Qui sait vraiment, par exemple, que la pierre apparente qui véhicule si bien un sentiment d’authenticité, n’a pas toujours grand-chose d’authentique ?
« Elle était recouverte d’enduit, la plupart du temps, confirme Martial Ducherpozat, on trouve ça joli parce que les générations avant nous ont décidé que ça l’était, c’est une question d’accoutumance. » Puis de citer le cas de la construction de la cathédrale d’Amiens où, pour protéger (elle était gélive) et harmoniser la pierre de taille, on l’a badigeonnée de chaux, laissant ensuite libre cours à l’ajout de couleurs franches. Récemment, pour retrouver l’ambiance (et donc les couleurs) d’origine, « on a eu l’idée de projeter du bleu roi et du rouge sur la cathédrale, tels qu’ils devaient être à l’époque. C’était conforme à l’histoire, mais cela a choqué », s’amuse encore Martial Ducherpozat.
Les rides de l’histoire
Sur le terrain, aux mêmes causes les mêmes effets. Dans le cas de la rue Proudhon, par exemple (notre photo), on voit bien que cette maison a été fortement remaniée. Surélevée, elle a été pourvue d’un balcon en fer forgé. « Mais lorsqu’on a découvert le colombage en piquant l’enduit, le propriétaire a absolument voulu remettre au jour cet aspect. »
Une envie qui a provoqué de longues discussions avec l’architecte des bâtiments de France, désireux de préserver les enduits, pour finalement obtenir gain de cause auprès de lui. Après tout, cette façade ne trouve-t-elle pas elle-même tout son charme dans ses différentes évolutions qui en font les rides bienveillantes de son histoire ?
Les compromis varient selon les genres et les situations. Place du Bareuzai, dans un environnement haussmannien, la pierre taillée alterne avec le remplissage et l’enduit. « On aurait dû en mettre aussi entre les fenêtres », reconnaît Martial Ducherpozat. Mais au bout du compte, le choix adopté, en concertation avec l’architecte des bâtiments de France a été quelque peu différent. Une façade, quelles que soient ses origines, a donc toujours son petit mot à dire dans ce genre de situation.