La 164e Vente des Vins sera sa trentième depuis l’estrade. Le maire de Beaune et président des Hospices Civils prend très à cœur sa mission d’attirer les personnalités, sportifs ou stars de ciné, qui président l’événement de l’année. Face à la caméra de DBM, Alain Suguenot explique ce rôle sur-mesure, plaisant mais sensible, pour la cause beaunoise.
19 novembre 1995. La 135e Vente des Vins des Hospices de Beaune se fait encore au rythme de la bougie par le commissaire-priseur local. Alain Suguenot découvre l’événement dans les habits de maire. La grande Catherine Deneuve est là pour représenter la cause du Sidaction. Quelques jours plus tôt, André Boisseaux a surpris tout le monde : après cinquante ans de bons et loyaux services, le plus gros acheteur avait annoncé boycotter la Vente, préférant une partie de chasse.
Le patron de la maison Patriarche militait, en vain, pour que le domaine des Hospices élève – il propose depuis cette option – et mette lui-même ses vins en bouteille, sur le modèle des grands domaines, face aux résistances de l’institution et du négoce local. Voilà ainsi résumée le caractère sensible d’un événement qui, faut-il le rappeler, conditionne l’équilibre économique et la capacité d’investissement d’un hôpital et de ses établissements satellites.
Les codes de Beaune
« Mon baptême du feu n’a pas été simple. Il a fallu maîtriser toute cette musique, à la fois protocolaire et improvisée, et la faire apprendre aux personnalités qui venaient à Beaune, car il y a des codes ici », résume l’intéressé. Outre la qualité du millésime et du travail opéré par un domaine viticole extraordinaire au sens propre du terme, le plus grand événement de l’année repose en effet sur une délicate alchimie entre les services des Hospices, un opérateur (Sotheby’s pour le mandat 2021-2025), une ou plusieurs associations récipiendaires de la pièce de charité (aussi appelée pièce des présidents) et les peoples qui feront monter les enchères à l’estrade.
Le casting de ces personnalités a son importance. Les Beaunois l’attendent toujours avec impatience. Alain Suguenot a progressivement glissé vers le poste de recruteur en chef, « aidé par quelques amis rabatteurs du showbiz ». Le maire assure ne pas vouloir jouer aux copains de stars. Il s’agit avant tout d’éviter les sueurs froides. « J’ai tellement vu mon prédécesseur Henri Moine affronter les difficultés et les annulations de dernière minute, que j’ai préféré doubler, tripler voire quadrupler les présidents. Et pour les faire venir, outre les éventuelles relations qu’ils entretiennent déjà avec des associations, il faut savoir leur parler. »
« J’ai essayé Tom Cruise »
L’argumentaire s’est donc affuté, le carnet d’adresses considérablement étoffé. Avocat de métier, ancien parlementaire rompu aux mondanités parisiennes, Alain Suguenot tire les ficelles au service de la « Beaune cause », évitant les intermédiaires et franchissant les obstacles. « C’est devenu de plus en plus difficile d’avoir des personnalités disponibles et engagées. Parfois, on y va un peu au culot, j’ai même essayé Tom Cruise », sourit le VRP beaunois. Généralement, ceux qui acceptent ne regrettent pas.
Beaune est leur parenthèse. Déjà parce que la capitale des vins de Bourgogne sait les accueillir – jamais de cachet, même si les sportifs seraient généralement plus du genre à monnayer leur présence plutôt que les acteurs ou actrices. « Nous passons 36 heures ensemble, rarement plus, c’est intense. Le voyage initiatique débute au château du Clos de Vougeot, avec une intronisation parmi la confrérie des chevaliers du Tastevin. » Puis le maire devient nounou. Il veille à leur bien-être, de leur séjour à l’hôtel Le Cep (une tradition) jusqu’à la découverte des spécialités régionales. Les échanges sont parfois étonnants de profondeur. L’ambiance beaunoise veut cela. Les repas et autres dégustations ouvrent les chacras. « On frôle la psychanalyse. En l’espace d’un week-end, on ressent la vulnérabilité de ces artistes, ils fonctionnent tous à l’affect. On comprend un peu mieux les coulisses de la sphère médiatique. »
Anouk Aimée et l’acheteur anglais
Certaines personnalités sont évidemment plus marquantes que d’autres. Des femmes, souvent. En 1998, Anouk Aimée a accepté de venir à condition de… faire garder ses chats à Paris. « Un personnage extraordinaire, quelqu’un de très émouvant. On s’est confiés comme si elle était ma grande sœur. Le jour de la Vente, un Anglais que personne ne connaissait dans la salle a acheté la pièce de charité. Il est venu sur l’estrade pour en expliquer la raison : jeune, il était secrètement amoureux d’une belle et jeune Française croisée à l’université. Cette Française, c’était Anouk. » Un an plus tard, Kristin Scott Thomas brillera par « son intelligence et son élégance ». Plus tard, fragilisée à son poste au JT, Claire Chazal se livrera à quelques confidences sur sa situation professionnelle avec une pudeur touchante.
Luchini au saut du lit
Alain Suguenot pourrait faire remonter à la surface quantité d’anecdotes. Plus ou moins racontables d’ailleurs, car l’esprit de fête qui s’empare de la ville le troisième week-end de novembre concerne tout le monde. Fabrice Luchini ? Vu jaillir du lit du Cep en slip. « Après la pièce de charité, il voulait vérifier l’acoustique du théâtre, pour se détendre un peu. Il nous a fait du Victor Hugo sur les planches, pendant que j’étais au piano… » Carla Bruni ? « Un grand moment pour mon ami Antoine Jacquet (l’ancien directeur des Hospices), qui l’adorait. » Patrick Bruel ? « J’ai failli le vexer en oubliant sa carrière de chanteur au détour d’une question mal formulée… » Charles Aznavour ? « Monsieur charmant, plein d’humour, qui n’a pas eu peur de prolonger la soirée jusqu’à 5h, à plus de 90 ans. » Benoit Magimel ? « Charismatique, une intelligence vive et à fleur de peau. » La liste est longue.
Au fait, cette année, c’est qui ? Jean Reno, qui aurait connu Beaune dans sa prime jeunesse, Eva Longoria, grâce à un coup de pouce de Nikos Aliagas, Zabou Breitman et Dominic West… Sacré casting !
Les présidents de la Vente des Vins depuis 1995
1995 Catherine Deneuve
1996 Claudie Haigneré
1997 Thierry Lhermitte
1998 Sandrine Kiberlain, Anouk Aimée
1999 Kristin Scott-Thomas
2000 Charles Berling, Inès Sastre
2001 Julien Clerc
2002 Chiara Mastroianni, Elsa Zylberstein
2003 Jean Reno, Marlène Jobert
2004 Charlotte Rampling, Jonathan Nossiter, Stephane Bern
2005 Sonia Rykiel, Catherine Jacob
2006 Princesse Margarita de Roumanie, Fanny Ardant
2007 Richard Berry, Luc Chatel, Sonia Rolland, Linda Hardy
2008 Michel Blanc, Jean-Pierre Marielle
2009 Patrick Bruel, Andréa Casiraghi, Sœur Marie-Emmanuelle Minot
2010 Fabrice Luchini
2011 Inès de la Fressange, Christian Clavier
2012 Carla Bruni-Sarkozy, Guy Roux
2013 Clotilde Courau, Jean-Pierre Castaldi
2014 Adriana Karembeu, Tina Kieffer, Michel Drucker, Teddy Riner
2015 Claire Chazal, Christophe Lambert
2016 Valérie Bonneton, Claude Lelouch, Virginie Ledoyen
2017 Charles Aznavour, Marc-Olivier Fogiel, Julie Depardieu, Agnès B
2018 Nathalie Baye, Emmanuelle Béart et Pascal Elbé
2019 Christophe Lambert, Ophélie Meunier, Tony Parker, François-Xavier Demaison
2020 Marc Lavoine
2021 Pio Marmaï
2022 Flavie Flamant, Benoit Magimel
2023 Thierry Lhermitte, Michel Cymès