Le chanteur-compositeur d’origine néo-zélandaise nous a quittés dimanche 16 février, à l’âge de 93 ans. Pernand-Vergelesses, où il vécut une dizaine d’années, l’accueillera pour son repos éternel. Hommage.
Par Eric Perruchot
« Je vous donnerais, dès que je le saurais, la date de son enterrement. Ce sera à Pernand », confie son fils, le comédien Christophe Allwright qui l’a accompagné dans ses derniers jours. Et de souffler : « Il était si diminué que c’en est presque un soulagement. » Graeme Allwright s’est éteint, à 93 ans, dans la nuit de samedi à dimanche, à la maison de retraite des artistes de Nogent-sur-Marne où il résidait depuis deux ans. Ancien mari de la comédienne Catherine Dasté, il rejoindra à Pernand-Vergelesses la tombe familiale de Jacques Copeau, son petit-fils par alliance. Irréductiblement attaché à ce village de la Côte de Beaune, « Graeme » – comme l’appellent amicalement les habitants – fait partie de leur histoire intime. « Entre ses tournées, il travaillait dans les vignes, chez Klein et au domaine Marey », se souvient Régis Pavelot, ancien vigneron ami de la famille, ému par cette disparition. « À l’époque, on remontait la terre en haut des coteaux avec des hottes d’osier », se remémore-t-il. Graeme ne rechignait pas à la tâche. Il était tout à la fois musicien et compositeur, mais aussi bricoleur, menuisier, jardinier.
Simplement la vie
À Pernand-Vergelesses, où il eut trois garçons (Nicolas, Jacques et Christophe), le chanteur à la guitare folk a connu un mouvement de repli quand la mode tournait. Lassé de la scène dans les années 1970, il a trouvé à Pernand un retour simple à la terre et a participé activement à la vie du village. Il s’était même fait apiculteur, avec une quarantaine de ruches disséminées entre les jardins de la maison de Jacques Copeau et celles du village voisin d’Échevronne. Deux célèbres chansons sont nées entre les trois collines de Pernand. Les Pernandias n’en sont pas peu fiers : Les retrouvailles et surtout Sacré bouteille, en 1967. Ses accents, repris par cœur par bon nombre, traduisent avec drôlerie l’amour et le drame de la dive bouteille : « Jolie bouteille, sacrée bouteille / Veux-tu me laisser tranquille ? ». Les retrouvailles, l’autre tube écrit à Pernand, reste un air entonné dans les fêtes du village où il reposera. Il y évoque notamment son mariage (avec Catherine Dasté) à « la mairie d’un petit village » où le maire (ndlr, Pierre Dubreuil) « essayait de prononcer (son) nom … ».
Amour et joie
C’est à l’Old Vic Theatre de Londres, dirigé par le neveu de Copeau – Michel Saint-Denis (un autre grand nom de Pernand) – qu’il rencontra la petite-fille du fondateur du Vieux-Colombier. Bien que séparé de Catherine, née en 1929, Graeme Allwright participa aux Rencontres Jacques Copeau organisée par la mère de ses enfants, de 1989 à 2002. Il s’y est produit en compagnie, entre autres, des interprètes et guitaristes Steve Waring ou Erick Manana. De ces moments, les Pernandias gardent d’intenses souvenirs et des albums entiers de photos souvenirs.
Comme dans ses chansons, les ambiances d’ « amour et de joie » qu’il a su partager paraissent ancrées dans les cœurs. Tous aiment se remémorer ces grandes heures où musique sonnait à l’unisson de la dégustation et du théâtre. Qui d’ailleurs, au village, n’a pas un 33 tours dédicacé de Graeme ? Hier soir encore, lors d’une veillée où l’on bat le tarot entre voisins, les mélodies de Graeme ont été passées en boucle. Les adieux d’Il faut que je m’en aille, ce refrain fétiche du village, deviennent quelques fois l’ultime air lors de funérailles. Celles de Graeme Allwright réuniront pour la dernière fois tous les habitants à la maison Jacques Copeau où chants, textes et poèmes seront dit en adieu à Graeme.