Pourquoi le concours des Grands Vins de France de Mâcon est unique en France

La France qui se lève tôt était à Mâcon samedi matin. 1 600 dégustateurs pour faire le tri parmi un peu plus de 7 000 vins. Appartenir à cette grande communauté tous sens en éveil est une expérience à vivre. Le Concours des Grands Vins de France est unique en son genre. Immersion le verre à la main.

Il n’est pas encore 8 h et la pluie pilonne le parking du Spot, nom donné au complexe événementiel de Mâcon. Elle n’arrête pas le pèlerin du vin. Certains ont parcouru des centaines de kilomètres pour ne rien manquer de cette grand-messe unique dans notre république viticole : le Concours des Grands Vins de France. Après une mise en sommeil pandémique, le retrouver plein de jus était une nécessité.

Hall A, table 238

On dit que Mâcon partage avec le concours du Salon de l’Agriculture le sommet du podium de sa catégorie. Sûrement. Le sujet est secondaire. Car Paris n’est pas la France. Et Mâcon se limite au vin, avec un parcours incroyable qui le fit passer de 68 échantillons en 1954, année de sa naissance, à des pointes himalayesques au-delà des 11 000 flacons testés (2010), pour revenir à des bases plus en rapport avec la baisse de production : 7 000 flacons cette année. Une vraie machine de guerre.

En cette matinée pluvieuse, plusieurs mondes se croisent. Vignerons et amateurs éclairés sont au rendez-vous. La mécanique organisationnelle est réglée au millimètre près. Entre 8 h 30 et 9 h, 1 600 dégustateurs fourmillent dans le hall dédié à la remise des enveloppes. Une petite boisson chaude, un croissant et un verre de jus d’orange accompagnent les conversations. Des retrouvailles pour la plupart.

Sur l’enveloppe, on peut lire le nom du dégustateur, le hall et le numéro de table où il se posera, ainsi que la région qui sera soumise à son jugement. La Vallée du Rhône en ce qui concerne l’auteur de ces lignes. Bonne pioche. D’autant qu’on ne devient pas dégustateur par hasard. Professionnel ou pas, là n’est pas la question, il faut aimer le vin et le prouver. Les petits commentaires laissés sur la fiche seront relus et stockés. L’exclusion est possible. Cap sur le hall A, table 238.

13 Gigondas sur le gril

À notre table, 4 amateurs éclairés et 13 Gigondas sur la sellette. À ma gauche, une spécialiste de la finance basée à Luxembourg mais originaire de la région mâconnaise. En face, un cadre technique des ports fluviaux de la CCI régionale et une amie diplômée d’œnologie, d’origine argentine, qui vit en Bourgogne.

Le défi relevé par l’organisation est impressionnant. Rien n’est laissé au hasard. Verres, fiches de dégustation nominatives, consignes précises, un morceau de pain, une bouteille de Velleminfroy, sans oublier les flacons soigneusement empaquetés comme le pont neuf de Christo. Des commissaires passent et repassent pour veiller au respect des règles. Un ordinateur pointera les résultats. Les croix qui cochent les cases de la dégustation ne doivent donc pas dépasser le cadre…

L’œil, le nez, la bouche et une perception générale de l’échantillon sont soumis à appréciation. Un espace est laissé libre au commentaire. C’est sur ce complément d’information que sera appréciée la pertinence de votre jugement. Chacun le sait et prend sa mission au sérieux.

L’avenir appartient à celles et ceux qui se lèvent tôt. Le minutage du concours est large. Il autorise une deuxième lecture des vins. Ces Gigondas, sur le millésime 2022, sont d’un très bon niveau. Sur le millésime 2021, c’est moins convaincant.

Le grand forum viticole

Deux échantillons font cependant l’unanimité par leur puissance, leur richesse aromatique, leur longueur en bouche et leur potentiel de garde. Une fois les conclusions rendues, nous sommes rassurés sur la cohérence de notre dégustation. Les deux bouteilles proviennent du même domaine, la Maison Gabriel Rey au Château de Saint-André. Une adresse à connaître, assurément.

Chacun, ensuite, se promène de table en table, le verre à la main, pour découvrir le choix des autres régions. Belges, Jurassiens, Alsaciens, gens du sud et du nord, Bourguignons et tant d’autres sont liés par la passion « bacchusienne ». Le Concours des Grands Vins de France libère la parole entre les régions. Il devient un grand forum de discussion qui permet de prendre le pouls de la France viticole.

Bien dans son jus, Thierry Desseauve croise ces amateurs éclairés que le grand critique connaît bien. Avec Bernard Rey et Charles Lamboley, respectivement président et président délégué du concours, ils dégustent le sentiment du devoir accompli. Dans leur sillage, Raphaële Mercier, la permanente du comité d’organisation, par qui tout passe et sans qui rien ne se ferait.

Tout au long du week-end, le Salon des vins de Mâcon accueillera le grand public. Les doubles des échantillons qui ont échappé au « sacrifice » peuvent reposer en paix. Pas pour longtemps. Certains nourriront les cours du lycée de Davayé, d’autres trouveront preneurs à des conditions avantageuses car il faudra refaire de la place et, déjà, penser au millésime suivant. Le vin comme la nature n’attendent pas.


Le palmarès 2023 est à retrouver sur le site internet du Concours des Grands Vins de France.