Plantation de vignes-mères dans des serres bioclimatiques en Champagne, neutralité carbone visée d’ici 2035… Lors de sa traditionnelle assemblée générale, l’interprofession des vins de Bourgogne a annoncé des projets ambitieux pour assurer la pérennité de son vignoble.
Le changement climatique ne touche pas seulement nos ceps. Au fil des vendanges qui se suivent et ne se ressemblent plus, c’est toute la filière viticole française qui remet en question ses pratiques. « Dans ce domaine-là, on ne peut que la jouer collectif« , clamaient en chœur François Labet et Laurent Delaunay lors de l’assemblée générale du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), jeudi 15 décembre 2022 au Palais des Congrès de Beaune. Les présidents ont levé le voile sur bon nombre de projets ambitieux. Le plus marquant d’entre eux se nomme Qanopée (acronyme de Quart Nord-Est Prémultiplication Collective). Il est porté les interprofessions des vins de Bourgogne, de Champagne et du Beaujolais.
« Un modèle qui a atteint ses limites »
Ce projet à six mains se concrétisera par la création en 2024 d’une serre bioclimatique « insect-proof » d’environ 5 000 m2 pour y planter les vignes-mères de demain. Une partie du destin de la Bourgogne viticole résidera bientôt à quelques pas du site industriel de Bollinger, au Mesnil-sur-Oger en Champagne, le Comité interprofessionnel champenois se chargeant de la partie opérationnelle.
Petit cours de botanique : la prémultiplication de la vigne, étape embryonnaire avant que le pépiniériste ne multiplie les greffons et porte-greffes pour les vendre aux vignerons, s’effectue traditionnellement en plein champ. La faire migrer sous serre apporterait des vertus sanitaires, comme l’a démontré une expérimentation de trois ans en Gironde. « Le modèle traditionnel de prémultiplication plein champ a atteint ses limites. Il est grand temps de le repenser complètement« , assure Thiébault Huber, le président de la CAVB (Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne) qui assumera la même fonction au sein de la nouvelle association Qanopée.
Équipée d’une ventilation dynamique, d’un système de réchauffement, de rafraichissement et de systèmes de filets, cette serre semi-fermée agit comme un cocon protecteur des maladies en tout genre. Sur le papier, Qanopée ressemble à la recette idéale pour s’adapter au changement climatique. Il entend aussi répondre au besoin grandissant des vignerons de Bourgogne, Champagne et Beaujolais (+25% de demande sur les plants de vigne entre 2010 et 2019).
Le budget, voté lundi 19 décembre, s’élève à 8 millions d’euros et sera financé principalement par des fonds européens, avec les collectivités territoriales concernées et les interprofessions.
Bourgogne-Bordelais, le plan anti-carbone
Plus largement, le BIVB mise sur une réduction drastique de son empreinte carbone. Objectif assumé : -60% d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035. Le vignoble bordelais constitue un exemple inspirant à bien des égards. Au pays des châteaux, l’empreinte carbone a été réduite de 39% entre 2007 et 2019 d’après l’interprofession bordelaise. « Si Bordeaux et Bourgogne arrivent main dans la main auprès des acteurs, notre action aura toute sa légitimité« , confie Marie-Catherine Dufour. La directrice technique du comité interprofessionnel du Vin de Bordeaux a fait le déplacement pour présenter les résultats positifs de leur opération Plan Climat 2020, lancé en 2007.
« Des petits ajustements insoupçonnés peuvent avoir des bienfaits énormes, note l’experte, comme la réduction du poids de la bouteille. Entre 2007 et 2012, cela nous avait déjà permis de réduire de 19% nos émissions. » Quelques grammes en moins, multipliés par les quelque 600 millions de bouteilles bordelaises bon an mal an, cela peut faire une différence. La Bourgogne et ses 200 millions de cols emprunte le même chemin vertueux. Nuiton-Beaunoy, la seule cave coopérative de Côte-d’Or, constitue l’exemple le plus marquant avec sa nouvelle marque Cerço.
« Nous vivons une période enthousiasmante »
Verre et conditionnement, fret, pratiques viticoles, performance énergétique des bâtiments, énergies renouvelables… Tels sont les axes stratégiques sur lesquels la Bourgogne promet de travailler. « Il en va de notre avenir. Nous vivons une période enthousiasmante tant les défis auquel nous sommes confrontés sont grands« , positive Laurent Delaunay.
Un propos qui a convaincu les professionnels présents au Palais des Congrès de Beaune. Après le temps des paroles vient celui des actes. La Bourgogne a douze ans devant elle pour se démultiplier. Dont acte.