Réalisateur d’une vingtaine de cuveries dans la côte viticole, Éric Poillot est particulièrement attaché au projet qu’il développe patiemment et joyeusement avec Gérard Raphet à Morey-Saint-Denis. La personnalité du vigneron y est pour beaucoup. La grande qualité de ses vins aussi.
« Tout ce qui cause anglais, c’est pour elle », plaisante Gérard Raphet. Elle, c’est sa fille Marion, qui a déjà repris bien des choses en mains dans ce très beau domaine de Morey-Saint-Denis, y compris les relations avec une clientèle internationale. 11,8 hectares en tout dont quatre de grands crus : Charmes-Chambertin, Clos de Bèze, Clos de Vougeot, Clos de la Roche. Et une belle réputation chez les amateurs éclairés.
Grande maison bourguignonne
Gérard Raphet est une force tranquille. Il porte en lui l’héritage de plusieurs générations avec le sentiment apaisant que la suivante est déjà aux manettes. Cette lente construction familiale a donné naissance à plusieurs sites répartis dans le village, mais peu de confort opérationnel finalement. « On fonctionnait avec des cuves à roulettes », plaisante le vigneron. Comme beaucoup d’autres, il s’est donc penché sur une organisation nouvelle, dans le village toujours, car l’adresse est importante pour l’image du domaine.
Dès le départ, son outil de production a été pensé en trois étapes réparties dans le temps et en ligne : vinification, stockage du matériel, étiquetage et conditionnement. C’est alors qu’entre en scène l’architecte. Éric Poillot s’est fait une spécialité des cuveries. Il en a signé une bonne vingtaine. Mais lorsqu’il regarde aujourd’hui le premier des trois bâtiments imaginés par le vigneron, il approuve : « Nous l’avons construit il y a huit ans, il a toujours son charme. » Sur le bas de Morey, il avait déjà fallu trouver le terrain : 1,6 hectare d’un seul tenant.
Pierre apparente sur les murs, volumes bien gérés : cette cuverie ressemble à une maison cossue bourguignonne. Avec une tour qui doit sa présence aux inévitables remises en question du chantier, à la nécessité de toujours favoriser l’opérationnel en le réinventant. « On avait pensé mettre l’ascenseur au milieu de l’espace, mais cela devenait une gêne, alors, on l’a extériorisé dans cette tour » souligne avec amusement Éric Poillot.
Projet de garde
Matériaux de qualité, souci permanent de l’esthétique, terrasse avec vue panoramique sur le vignoble, équipements tout confort (douches, espace restauration) pour le personnel : l’outil de travail est aussi efficace que confortable (surtout en cette période de vendanges !), tout en pouvant assumer les visites de clients. La production a certes quitté le centre du village, mais son cadre d’exécution doit être à la hauteur de la réputation des vins qui y sont produits. « Et puis, rappelle Gérard Raphet, on voit le bâtiment sur internet depuis le monde entier. »
L’architecte a signé de jolis projets tout au long de la côte viticole. Chacun est le reflet de la personnalité de son commanditaire, car « à Meursault par exemple, on ne voit pas forcément les mêmes choses que dans la Côte de Nuits ». Éric Poillot est donc particulièrement attaché à ce projet mené avec la complicité active du vigneron : « L’échange a guidé nos travaux, Gérard est un visionnaire, il s’est très tôt projeté sur le long terme, vers une finalité très en phase avec la viticulture d’aujourd’hui. » Le deuxième bâtiment destiné au stockage et à l’hébergement des tracteurs et enjambeurs a vu le jour il y a un an et demi. Il est devenu le parfait jumeau du premier. Le troisième est dans les cartons. Sous eux, une cave, nivelée dans le prolongement de la route, se devine sous le gracieux arrondi du sol qui les lie. Bientôt, Marion écrira seule la suite de l’histoire des Raphet. Gérard dégustera mieux que jamais les vins de sa fille. Éric Poillot, qui apprécie la production maison, ne sera jamais très loin.