Il y a dix jours le GIEC (groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) rendait son 5e rapport. Confirmation: il fait de plus en plus chaud. En Bourgogne, cela pourrait avoir de graves conséquences sur deux piliers de notre région: le vin (au sud) et la chasse (au nord). Explications…
Même si on n’aime pas trop écouter les Cassandre (la devineresse que personne ne croyait et c’est comme ça que les Troyens trop occupés à admirer la beauté d’Hélène se sont fait prendre une pâtée par les Grecs), on ne devrait pas trop rigoler en lisant les rapports du GIEC (le groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat). Certes, comme ça, ça n’a l’air de rien: 1,5° de plus en un siècle, ce n’est pas avec ça qu’on va faire frémir l’huile pour les frites. Par contre, semis et récoltes ont été avancés… et côté vendanges, le changement est en marche. Et là, c’est carrément la révolution. Jean-François Soussana, directeur scientifique du département environnement de l’Institut national de la recherche agronomique et membre du GIEC n’y va pas avec le dos du tastevin: «D’ici la fin du siècle, prédit-il, certains cépages comme le pinot noir en Bourgogne ne pourront plus être produits dans cette région.» Ô Râ, ô désespoir, ô sécheresse ennemie, avec quoi donc qu’on f’ra la romanée-conti ?
Heureusement que certains ont gardé la tête froide malgré le thermomètre en hausse: les chercheurs en climatologie viticole au sein de l’uB. Certes, si le mercure continue à jouer à la hausse, le pinot actuel a du souci à se faire. Mais il semble qu’il ait des cousins, génétiquement proches et déjà présents dans certaines parcelles qui pourraient fournir la réponse appropriée sans bouleverser la richesse de la Côte. Ouf. Mais quand même…
Panique chez les culs blancs
Si on commence à trouver des réponses côté pinot noir, en revanche chez les culs blancs c’est plus préoccupant. (Pour les lecteurs urbains et péri-urbains, le «cul blanc» est l’affectueux surnom donné par nos amis chasseurs au chevreuil qui possède effectivement un fondement immaculé). Figurez-vous que si son cousin, le cerf, a parfaitement bien négocié le virage climatique, le chevreuil lui est en déroute. Selon une équipe de chercheurs du laboratoire de biométrie et biologie évolutive de Lyon, de l’ONCFS (Office national de la chasse) et de l’Inra, l’explication vient d’une particularité génétique de la bestiole dont le système de reproduction est calé sur la photopériode, autrement dit sur le moment où les jours commencent à rallonger. L’accouplement se fait entre juillet et août, mais l’embryon stoppe sa division cellulaire au bout de 24 ou 48 h: il hibernera ainsi jusqu’au solstice d’hiver pour reprendre normalement fin décembre ou début janvier pour une naissance à la mi-mai. Or, la photopériode ne change pas malgré le changement climatique: les faons continuent d’arriver autour du 15 mai alors que les pousses d’arbres, riches en nutriments pour les femelles allaitantes sont eux déjà sortis depuis 15 jours… constituant une alimentation de choix pour les autres ongulés, cerfs et biches en premier lieu. Résultat: les mères chevreuils ont une alimentation carencée qui affecte la santé de leurs petits. «Le taux d’accroissement de la population est passé de 1,23 à 1,06», précise l’étude: seul un quart des faons nés après le 31 mai atteint l’âge de 8 mois, soit deux fois moins que ceux nés avant le 12 mai.
Certes, on n’en est pas encore à manger du jambon sous-vide dans les cabanes de chasse et à la mi-janvier la «drouillotte» (pour les lecteurs non avertis, il s’agit d’un plat d’abats de gibier cuits dans une marinade et qui se déguste avec une convivialité qui ne descend que rarement en dessous des 12° dans les bouteilles) a encore de beaux jours devant elle. Sauf que… à la fin des années 70, il restait environ 200 000 chevreuils en France. L’espèce a fait l’objet d’un plan de repeuplement qui a si bien fonctionné que l’on estime aujourd’hui à 2 millions le nombre de chevreuils dans les forêts françaises. Il est d’ailleurs le gibier le plus tué à l’heure actuelle (autour de 500 000 têtes chaque année). Mais si le taux d’accroissement des faons se met à diminuer, il est fort probable qu’à terme, les plans de chasse seront revus…
Donc si on résume: au sud du département du pinot noir qui n’en sera plus. Et au nord, dans les forêts (qui sont à ce point le seul potentiel de développement local que le projet de Parc National a justement pris la forêt de feuillus comme thématique), moins de chevreuils pour attirer le tourisme cynégétique. Cassandre, maintenant, on fait quoi ?