Face au dérèglement climatique et aux grandes variations de récoltes comme en témoigne 2024, Laurent Delaunay, le président de l’interprofession des vins de Bourgogne (BIVB), pilote une stratégie collective décarbonée et ouvre une réflexion sur la gestion des stocks.
2024 fut exigeante à tous les niveaux, dans les vignes et sur la table de tri. La récolte est assez maigre. Le président du BIVB danse-t-il malgré tout sous la pluie ?
Laurent Delaunay : Un Indien a effectivement dû faire la danse de la pluie quelque part en Bourgogne. Cela a bien fonctionné… Le président, qui n’a pas de sang indien, est heureux et soulagé que nous soyons tous arrivés au bout de cette saison éprouvante et difficile. La récolte est rentrée, même si elle est petite, hétérogène et même pratiquement inexistante dans certains endroits particulièrement impactés notamment par la grêle ou le mildiou. Sans danser sous la pluie, on peut aussi se réjouir de la qualité qui semble être au-dessus de nos espérances. Le peu de volume a permis à la vendange d’atteindre une assez jolie maturité, encouragée par les dix jours beaux et ventés de début septembre. Tout le monde, moi le premier, dit que les vins sont particulièrement parfumés. Les conditions météo ont rappelé celles des difficiles décennies 70 et 80 mais nous sommes armés, maintenant, pour faire face à ces conditions : tables de tri, moyens d’analyses, savoir-faire…
Le record de 2023 (1,9 million d’hl produits en Bourgogne) parait déjà loin…
Oui, nous assistons à des écarts de plus en plus marqués. 2021 : plus petite année depuis 35 ans, 2022 : très au-dessus de la moyenne, 2023 : record absolu de production et 2024… probable retour aux étiages de 2021. J’ai déjà commenté le graphique de la production des millésimes depuis plus de 50 ans. De telles variations sont totalement inédites et cela semble être la nouvelle donne, climatique notamment. Heureusement, d’une certaine manière, cela arrive après deux années de belle production, contrairement à 2021. On peut espérer ainsi que les prix resteront raisonnables et que nous n’aurons pas les mêmes à-coups.
Malgré tout, les stocks sont là. Le BIVB a-t-il un plan pour gérer leur mise sur le marché ?
Avant la récolte, nous avions environ quatre mois d’excédents de stocks. Avec les réserves constituées dans plusieurs appellations, les volumes complémentaires individuels (VCI)*, et le relatif calme du marché – même si les chiffres s’améliorent depuis le début d’année – cela devrait permettre de passer. Une partie de la réponse réside effectivement dans les réserves. De plus en plus d’appellations ouvrent la possibilité de constituer du VCI. C’est une forme « d’assurance récolte » qui permet de lisser les à-coups. Nous avons la chance, en Bourgogne, de pouvoir écouler nos vins sur plusieurs millésimes et personne ne se formalise si un millésime dure un peu plus longtemps. Ce qui n’est pas le cas de nos amis producteurs de rosés en Provence par exemple, qui doivent changer très tôt de millésime. Par contre, cela pose d’autres problèmes : il faut financer ces stocks à un moment où les taux d’intérêts ont augmenté. On peut aussi se préoccuper de la résilience de la plante, soumise à de telles variations d’une année sur l’autre…
L’adaptation au changement climatique est votre cheval de bataille. Où en sommes-nous du plan Objectif Climat ?
Nous avons l’illustration qu’il ne s’agit plus de réchauffement, ni même de changement, mais bien de dérèglement climatique. Le BIVB avance pour mettre en application les différents leviers de réduction carbone. Nous avons passé du temps sur la mise en place de notre outil de pilotage, Wine Pilot, désormais opérationnel. Nous aurons en janvier un séminaire sur le thème de l’emballage, où nous inviterons les différents fournisseurs de matières sèches. Nous travaillons sur cette notion d’écosystème élargi, pour embarquer toutes les professions connexes et qui sont nos fournisseurs, pour qu’ils connaissent bien notre stratégie et nos attentes. Enfin, un permanent responsable et animateur du projet nous a rejoints. Le plan continue à se déployer.
* L’été précédant une récolte, l’organisme de gestion d’une appellation peut faire une demande de VCI d’un certain niveau, qui sera étudiée par l’INAO. Ce VCI concerne chaque producteur, qui peut constituer une réserve s’il dépasse le rendement (hl/ha) de base de l’appellation, dans la limite du rendement butoir.hectolitre par hectare.