Comment parvenir, à l’échelle d’un quartier comme celui de la Fontaine-d’Ouche, à produire plus d’énergie qu’on n’en consomme ? Dijon Métropole montre la voie avec Response, projet pilote européen très ambitieux. À terme, 487 logements (soit 1 100 habitants) profiteront également de l’énergie solaire, ce qui en fera le plus grand site d’autoconsommation de France.
Imaginez que votre appartement se réchauffe à temps pour votre réveil. Que l’eau de votre douche soit chauffée par un réseau de chaleur fonctionnant avec des énergies renouvelables. Qu’après votre départ au travail, votre logement bascule en mode très basse consommation, pour se réactiver peu avant votre retour. Imaginez qu’une bonne part de l’énergie que vous consommez soit produite sur le toit de votre immeuble, et stockée dans la batterie de votre véhicule électrique, pour pallier le pic de consommation de la soirée ?
C’est, pense-t-on à Dijon, la vie de demain, dans une ville intelligente parvenue à produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Et pour démontrer la pertinence de ses hypothèses, imaginées durant une phase de réflexion de près de deux ans, quoi de mieux qu’une expérimentation grandeur nature ?
Response, un projet entre Dijon et la Finlande
C’est tout l’objet du programme Response (integRatEd Solutions for POsitive eNergy and reSilient CitiEs, solutions intégrées pour des villes résilientes à énergie positive), officialisé devant la presse nationale et régionale jeudi 20 octobre dans le quartier de la Fontaine-d’Ouche, cœur de cette expérimentation extrêmement ambitieuse conduite avec le soutien de la Commission européenne.
Celle-ci engage, sur ce programme de cinq ans, 18,2 millions d’euros pour un budget global de 23,5 millions d’euros. Une somme importante, alors que Response ne concerne que deux îlots du quartier comptabilisant 1 100 habitants dans 487 appartements, le groupe scolaire Buffon et d’autres bâtiments publics. Mais c’est le prix des nombreuses innovations — près de 100 assure-t-on — nécessaire pour se rapprocher du résultat escompté. « Notre projet, mené conjointement avec la ville de Turku en Finlande, a été le seul retenu en 2020 par la Commission européenne, sensible au fait qu’il se déploie au sein d’un quartier déjà existant, dont les constructions remontent pour l’essentiel aux années 70 », note François Rebsamen.
53 partenaires mobilisés
C’est là un point essentiel : on sait construire des bâtiments à énergie positive, mais convertir, à l’échelle d’un quartier, du bâti existant, qui plus est daté des années 70 où l’isolation n’était pas une priorité, constitue un défi inédit. Preuve de l’intérêt du projet, celui-ci rassemble 53 partenaires, dont EDF, Engie, des laboratoires de recherche et de multiples entreprises privées. L’expérimentation dijonno- finlandaise est en outre observée à la loupe par plusieurs villes européennes : Bruxelles (Belgique), Ptolemeida (Grèce), Botoşani (Roumanie), Severodonetsk (Ukraine).
Pour le relever, il faut tout repenser ou presque. D’abord en réalisant la meilleure isolation possible des immeubles, mais aussi en installant des panneaux solaires, en ménageant des possibilités de stockage de l’énergie, et en optimisant le fonctionnement énergétique des appartements et des bâtiments, rendus « intelligents » par une armada de capteurs connectés et pilotés.
Rénover le bâti et stocker l’énergie
La rénovation énergétique du bâti est déjà bien avancée à la Fontaine-d’Ouche, où près de 150 millions d’euros ont été investis ces deux dernières décennies au titre du renouvellement urbain. La ville installe entre 10 000 et 12 000 m2 de panneaux solaires bifaces, qui prennent la lumière directe mais aussi la lumière réfléchie. L’installation développe une puissance de 1 732 Kwc, de quoi couvrir près de 40 % de l’électricité consommée dans le quartier. Produire de l’énergie, c’est bien, mais encore faut-il que celle-ci soit disponible lorsqu’elle est nécessaire. En la matière, les faits sont tenaces : le solaire produit en journée, les pics de consommation ont lieu le matin et en soirée, quand les habitants sont rentrés chez eux.
« Pour lisser cet effet de consommation en vague, nous installons des unités de stockage électrique et thermique », précise Yves Chevillon, délégué régional EDF Bourgogne–Franche-Comté engagé dans ce projet Response. L’eau chaude sanitaire et le chauffage proviennent du réseau de chaleur métropolitain, un atout déterminant pour parvenir à l’équilibre énergétique, et est en partie stockée dans des ballons intermédiaires. Pour l’électricité, le choix dijonnais s’est porté sur d’anciennes batteries usagées de véhicules électriques. « Ces batteries sont hors d’usage pour la propulsion automobile, mais suffisantes pour stocker l’énergie des panneaux solaires ; elles pourront accumuler environ 5 % de l’énergie produite en journée », explique Quentin Antoine, responsable de la cellule stratégie énergétique de Dijon Métropole.
Des vieilles batteries de voitures électriques
Pour aller plus loin, une autre idée fait son chemin : utiliser les batteries de voitures électriques comme autre espace de stockage provisoire au sein d’un système dit vehicle-to-grid (« du véhicule au réseau »). Connectées au retour du travail aux bornes de recharges publiques, les batteries peuvent fournir, en début de soirée, l’énergie nécessaire pour passer ce pic de consommation, puis reprendre leur charge pour être 100% opérationnelles le matin.
Relever l’ambitieux défi d’un quartier à énergie positive exige bien sûr l’implication de ses habitants, qui doivent modifier leurs habitudes de vie. « Ils doivent y trouver un intérêt financier, et réaliser des économies, sans perdre en confort de vie », tranche François Rebsamen. Concilier ces deux impératifs exige de multiples innovations visant la sobriété énergétique. Les appartements sont équipés de capteurs pour ajuster finement la température, pièce par pièce, entre zone jour et zone nuit, à l’aide de vannes thermostatiques.
Celles-ci, conçues par l’entreprise lyonnaise Ogga, sont capables de déterminer, par exemple, quand une fenêtre est ouverte, pour couper le radiateur. Un boitier permet aux habitants de signaler leur présence ou leur absence. Quand ils sortent, les lumières s’éteignent, le chauffage baisse, pour ne remonter que quelques minutes avant leur retour.
« Nous déployons un système intelligent qui apprend automatiquement les habitudes du foyer, pour s’y adapter », détaille Quentin Antoine. Le même procédé est déployé dans les bâtiments publics, notamment au sein du groupe scolaire Buffon. « L’école Buffon, tout juste rénovée, est la première école à énergie positive de France, grâce à l’intelligence de ce bâtiment. Un capteur renseigne sur les conditions climatiques, ce qui permet d’anticiper les besoins de chauffage. À l’intérieur des salles, l’air est analysé en permanence, et les enseignants peuvent savoir quand ils doivent ouvrir les fenêtres pour aérer, ou au contraire, les laisser fermer pour conserver la chaleur », détaille enfin Jean-Patrick Masson, adjoint au maire en charge de l’énergie, du patrimoine municipal et de la propreté.