On fêtera dans quelques semaines son 80eme anniversaire. Le vœu d’un chemin touristique traversant les grands crus de Côte-d’Or fut d’abord resté lettre morte, avant d’être ressorti des cartons (de vin, s’entend) puis validé le 14 mai 1937. Une naissance aussi bienheureuse que paradoxale, presque miraculeuse : à la base de ce projet de promotion d’un produit de luxe, le gouvernement socialo-communiste du Front populaire.
D’après Edouard Bouyé, directeur des Archives Départementales de Côte-d’Or
Photo : Archives Départementales
Dans les années 1930, le vignoble de la Côte se prend en main. Il prend d’abord appui sur le jugement du tribunal civil de Dijon du 29 avril 1930 donnant sa délimitation légale à la Bourgogne viticole, puis enchaîne les initiatives : fondation de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin (1933-1934), définition des AOC en 1937… Cette dimension touristique est préparée par les chantres de la Bourgogne viticole, écrivains et dessinateurs, qui entendent faire de ces lieux de production viticole un parcours de découverte automobile et pédestre. Autour de la RN 74 s’élabore donc peu à peu un tracé reliant les lieux notables des premiers et des grands crus, de Dijon à Santenay. Le Conseil d’arrondissement de Beaune (supprimé en 1940) se saisit le premier du dossier et veut créer en 1935 « un chemin touristique traversant la ligne des grands crus, de Fixin à Saint-Aubin ». Il n’en sera rien : plus de 2,3 millions de francs à débourser, le concours de l’État « très improbable » et le contrecoup de la crise de 1929 décident la commission des routes et chemins du Conseil général à se désengager du dossier.
Le déclic Blum
Pas découragé pour autant, le Conseil d’arrondissement beaunois renouvelle un projet affiné de « création d’une route traversant les Grands Crus, allant de Montrachet au Clos Vougeot et de Chambolle à Marsannay-la-Côte », le 3 décembre 1936. Cette fois, la donne a changé. Léon Blum est président du Conseil du premier gouvernement à dominante socialiste de la IIIe République. Son parti, le Front populaire, entend résorber le chômage par une politique de grands travaux. Le 10 novembre 1936, Blum demande aux départements d’envisager « un programme de grands travaux d’intérêt régional », et détaille parmi les travaux à prévoir, « la création d’un réseau de routes touristiques pour la mise en valeur de toutes les richesses naturelles, historiques et archéologiques des divers cantons de Côte-d’Or ». Du vin béni pour le projet de la Route des Grands Crus, qui a eu le temps de mûrir après deux ans de garde. Subventions de l’État aidant, plus rien ne s’oppose à ce que le Conseil général lance officiellement le projet, le 14 mai 1937. Au passage, on notera que le traitement par le gouvernement Blum des difficultés économiques d’alors passe par la mise en valeur des grands crus, produit de luxe par excellence…
« Terre de toutes les harmonies »
Le 28 juin 1937, le commandant Charrier, influent président du Comité de propagande pour la Bourgogne peut alors proclamer, dans son dépliant de l’époque : « Voici la Bourgogne dont les Ducs furent des Rois… Patrie de saint Bernard, de Bossuet, de Vauban, de Buffon, de Piron, de Rameau, de Carnot, de Monge, de Lacordaire, de Rude, de Lamartine ; terre de toutes les harmonies du sol et de l’esprit, de l’idéal et de la raison ; vitrail ensoleillé du beau Pays de France ! »