Saint-Véran, sud et bipolaire

Les possibilités culinaires proposées par le Saint-Véran sont inépuisables. On peut aussi le déguster seul, il se suffit à lui-même. Célébré pour la Saint-Vincent 2018, ce phénomène de la Bourgogne méridionale doit tout à la bipolarité de ses sols.

Créé en 1971, il est le vignoble le plus méridional de la Bourgogne. Ses 723 hectares uniquement plantés de chardonnay, le cépage blanc majoritaire en Bourgogne, se partagent en deux zones entre les villages de Davayé, Prissé, Solutré-Pouilly au nord et au sud ceux de Chasselas, Leynes, Chânes, Saint-Amour et Saint-Vérand qui pour le coup garde la lettre D dans son nom de commune.

Côté sol c’est le « calcaire à entroques » issu de la période du jurassique moyen qui domine. Parfois brute, l’argile peut être recouverte d’une argile incluant des silex. Le calcaire marneux s’accroche aux pentes douces du versant est des roches de Solutré et Vergisson, tandis que les vignes exposées au sud et à l’ouest de Chasselas et Leynes offrent au chardonnay un lit en pente au matelas de marnes grises.

Ces deux types de sols permettent au Saint-Véran de s’exprimer en deux types de vins jumeaux mais différents. Le premier au profil aromatique floral (chèvrefeuille, fougères, amande et noisette fraîche…) à la matière tendue en bouche. Le second en une boule de fruits jaunes (pêche, abricot) compacte qui passe du nez au palais en un vin gourmand mais qui termine comme le premier par la fraîcheur désaltérante du calcaire.

« Et avec ça, on mange quoi », direz-vous ? À l’instar de nombreux chardonnays bourguignons, rappelons déjà que le Saint-Véran peut être bu seul, sans accompagnement, comme une prière à l’heure de l’apéritif.

Mais par sa prise en bouche au fruité direct, la carte des plats qu’il laisse entrevoir est digne de celle d’un ouvrage culinaire, entrée, poissons, viandes, fromages et desserts compris! Une terrine de poisson ou un feuilleté au chèvre composent un bon début. Sur un saumon poché, un risotto aux fruits de mer ou encore une paella, la vivacité naturelle du vin bluffe les convives.

Côté viande, la couleur sera blanche. Un sauté de veau ou des suprêmes de volailles (de la Bresse voisine forcément) cadrent bien avec son moelleux. Le fromage de chèvre AOP mâconnais est l’accord magistral, parfums différents mais mêmes racines obligent.

Pour les amateurs de fromages de vaches, le bleu de Grièges (ou de Bresse), le Beaufort ou le comté s’en sortent bien aussi. Plus surprenant, l’accord avec un cheesecake à la mangue ou un sabayon d’agrumes marie l’énergie fruitée de l’un et de l’autre pour un final en fraîcheur.


30 cuvées de Saint-Véran réparties sur trois millésimes (2014, 2015 et 2016) ont été soumises à nos papilles, qui en ont retenu une sur deux pour faire la démonstration de la large gamme du chardonnay sur ce terroir. 15 bouteilles de pur plaisir.

Domaine Éric Forest, Saint-Véran « Last Côte Rôtie » 2016
Né d’une vigne pentue de 35 ans sur laquelle le chardonnay se fait dorer la peau « plein sud », ce vin revêt une parure dorée de paille sous un parfum séduisant de verveine et de chèvrefeuille en fleurs. Son attaque grasse dans un fruit abricoté charnu cède son siège à une certaine amplitude et à une allonge acidulée. Un Saint-Véran à l’allure aristocratique. Au sommet dans trois ans. 2000 bouteilles. 17 euros

Domaine Gilles Morat, Saint-Véran 2016
S’il n’est pas revendiqué sur l’étiquette le climat solaire de « La Côte Rôtie » est bien celui qui a vu naître ce vin. Paré d’un or blanc net, il dégage des fragrances fines d’amande fraîche et de fougère des bois, et offre un réel équilibre entre la tension et son élevage frais. Une signature et un terroir valorisé. 7000 bouteilles. 14 euros.

Domaine Gueugnon-Rémond, Saint-Véran 2016
La recette pour faire un Saint-Véran d’apéritif est simple: prenez une vigne qui affiche le quart de siècle, un élevage sur lies en cuve inox pour garder la fraîcheur du fruit et voilà qu’apparaît, sous un jus au doré prononcé, la pêche et la mirabelle en confiture. On les retrouve dans une bouche mature à la finale en boule. Miam! 6000 bouteilles. 9 euros.

Domaine Romuald Petit, Saint-Véran « Champs Ronds » 2016
Installé sur 14 hectares à Saint-Vérand, le trentenaire aux cheveux fous partage son temps entre Bourgogne et Beaujolais. Moitié élevé en fûts, moitié en cuve béton et voilà un joli résultat: une robe jaune paille laisse percer une note de beurre chaud, de viennoiserie. Son jus franc donne l’impression de croquer une pêche. Le Saint-Véran de votre prochain apéritif. 4500 bouteilles. 11 euros.

Cave de Charnay, Saint-Véran  « Vieilles Vignes » 2016
Issu de vignes cinquantenaires appartenant à la famille Rivet, cette bouteille est produite par une des caves coopératives locales. Sous l’apparence d’un miel frais liquide, tilleul et fougère se tiennent la main pour une valse aromatique. L’ardeur de son attaque derrière une chair musclée fait place à une tension active. Déjà bon il sera au top dans 5 ans. 10,10 euros.

Domaine Loïc Martin, Saint-Véran 2016
Né d’un assemblage de plusieurs parcelles situées sur le sud de l’appellation, cette cuvée a été vinifiée « sans fûts » pour préserver le fruit par un jeune vigneron de 31 ans installé en 2009. L’or tendre du jus libère un voile de senteurs fraîches de fougère des bois. Le fruit est goûteux, souple et laisse la bouche nette. Un Saint-Véran à boire en jeunesse. 9000 bouteilles. 8,70 euros.

Domaine de la Feuillarde, Saint-Véran « Maison Rouge » 2015
Lucien Thomas produit à partir d’une vigne de 75 ans un Saint-Véran sérieux comme un pape. Un regard or clair avec pour nez le silex frotté et les pierres séchées au soleil. Au palais sa mâche fait penser à un vin rouge par l’extrait sec qui met le terroir en bouche dès l’attaque. Un vin racinaire et à la persistance complexe. 10,50 euros.

Domaine de la Croix Senaillet, Saint-Véran « La Grande Bruyère » 2015
Né d’une vigne plantée deux ans avant l’AOP, ce vin issu de l’agriculture biologique dévoile sous un doré fin des reflets verts. Son nez « jeune » capte la noisette et l’amande fraîches. Son jus croquant à la matière nerveuse s’allonge sur la marne calcaire à chailles. Franche et tactile voilà une cuvée identitaire au terroir révélé. 6600 bouteilles. 15,70 euros.

Domaine de la Bâtie, Saint-Véran « En Réfort », Hommage à Antoine de Saint-Victor 2015
Sur la commune de Leynes l’argile aux fameux calcaires à gryphées donne naissance à des cuvées explosives! Ce liquide à l’or pâle et limpide délivre un aromatique frais de vétiver et de santal. Son jus libère un torrent minéral dynamique extrêmement désaltérant pour un millésime solaire. Une cuvée de référence pour le cru. 4000 bouteilles. 14,50 euros. 

Domaine Perraud, Saint-Véran 2015
Produite sur la commune de Prissé et avec de jeunes vignes, cette cuvée accroche sa robe or verte au calice tandis que le nez se coiffe de fleurs d’acacia. Dès la mise en bouche la saveur charnue de l’abricot fait place à une énergie franche par sa tension. Un terroir qualitatif valorisé. 9000 bouteilles, 7,10 euros.

Domaine des Deux Roches, Saint-Véran « Les Cras » 2015
Ce domaine phare de l’appellation produit la gamme de Saint-Véran la plus homogène du cru. Cette cuvée peut rivaliser avec les chardonnays de la Côte de Beaune. Sous un jus or vert une fragrance de silex frotté encourage le dégustateur à chercher plus loin. L’acacia en fleur apparaît dans un parfum majestueux. Le jus dynamique se serre autour d’une saveur de roche, celle de la craie calcaire de son sol. Sa minéralité est évidente. Votre plaisir le sera également. 1800 bouteilles. 24,50 euros.

Domaine des Poncetys, Saint-Véran « Le Clos des Poncetys » 2015
Ce clos de 90 ares est parmi les 15 hectares certifiés bio, la vigne totem du lycée viticole de Davayé. Vinifié par l’intuitif Sylvain Paturaux, un parfum sucré de caramel au beurre salé se cache sous sa robe cristalline. Le jus est précis dans sa dimension parfaitement mûre. Tactile, sa matière prolonge la salivation après l’avoir avalé. Un vin référence pour le millésime. 9500 bouteilles. 15 euros.

Domaine Geoffrey Martin, Saint-Véran « Planchette » 2014
Ce jeune producteur basé à Leynes exploite 3 hectares dont 50 ares de ce vin. La robe reste verte et claire comme si elle venait d’être mise en bouteille. Le nez est étonnamment fringuant avec son volume floral de tilleul et d’acacia mêlé. Tendue et élancée, sa saveur typée met en lumière un travail respectueux du terroir. 4000 bouteilles. 12 euros.

Vignerons des Terres Secrètes, Saint-Véran « Les Cras » 2014
Quand la cave coopérative locale met en avant ses meilleurs terroirs en les isolant, cela donne des cuvées « coup de poing » comme celle-là. Le jaune vert de son habit met en avant les fragrances de vétiver avec une touche de boisé sèveux. Le fruit est frais, appétant et se confrontera volontiers à un chèvre du Mâconnais… mais sans les cornes ! 12,20 euros.

Rijckaert, Saint-Vérand, « En Avonne » 2014
La voilure de ce bateau affiche un jaune tirant sur le vert et souffle déjà un parfum de miel d’acacia. Vineux dès son attaque en bouche, sa texture généreuse livre un fruité riche en pêche. Ce vin élevé 18 mois sur lies a atteint son port. Il pourra mourir dignement avec une queue de lotte lardée au safran. 1600 bouteilles. 21,50 euros.