Saint-Vivant a connu la protection des sires de Vergy et contribué à la grandeur de la Bourgogne viticole. Tombée en ruines, pillée dans sa pierre, c’est au prestigieux Domaine de la Romanée Conti qu’elle doit retrouver sa dignité. Nous sommes allés voir pourquoi sur place, avec Jean-Charles Cuvelier, secrétaire de l’association de l’Abbaye Saint-Vivant.
Par Dominique Bruillot
Pour Bourgogne Magazine n°53
Photos : Christophe Remondière
Au pied du mont de Vergy, l’histoire a les parfums de la spiritualité. « Tu comprends pourquoi je suis tombé amoureux de ce lieu ? », ne peut s’empêcher de s’exclamer Jean-Charles Cuvelier, en montrant les ruines de l’Abbaye Saint-Vivant. À croire qu’on ne sort pas indemne d’une vie professionnelle, que dire, sacerdotale, passée dans le mythique domaine de la Romanée-Conti. D’autant que le monastère créé par les moines vendéens et le grand cru le plus prestigieux au monde ont en commun d’avoir eu leur destin lié aux sires de Vergy.
Jeune retraité de la vie viticole, Jean-Charles Cuvelier donne plus que jamais de son temps à l’association l’Abbaye Saint-Vivant, dont il est le secrétaire général. Depuis 1996, un élan collectif est en effet à l’origine d’une extraordinaire entreprise de restauration du prieuré de l’Arrière-Côte, qui ne manque pas d’arguments pour fidéliser les siens. Saint-Vivant plonge celles et ceux qui traversent ses ruines « cristallisées » par de prodigieux travaux, dans une sorte d’état second.
Moines bénis
Le spectacle est aussi saisissant qu’émouvant. Déjà, il a fallu protéger le site, le consolider, le sauver d’un oubli programmé et précipité un temps par une activité de carrière. Saint Vivant était alors le martyr du recyclage imbécile de sa pierre.
Les deux niveaux de caves, témoins de la reconstruction du monastère au XVIIe siècle, ont heureusement survécu à cette agression de l’ignorance. Impressionnant de volumes, d’ombres et de lumières, leur toit qui fut jadis un sol ressemble désormais à une terrasse à ciel ouvert. On se plait alors à imaginer à quoi ressemblait la vie d’un moine, aux troisième et quatrième niveaux de son monastère. Exigeante, évidemment. Bienheureuse, sûrement. Pieuse, toujours.
« Laisser cet édifice qui gît sur son flanc mourir complètement n’était pas acceptable », martèle Aubert de Villaine, propriétaire du Domaine de la Romanée-Conti, instigateur-militant du grand sauvetage en cours depuis plus de 20 ans. Après tout, comment ne pas le suivre ? Dans ce haut lieu du Moyen Âge, des moines bénédictins de Cluny, une vingtaine au plus fort de l’histoire, contemporains de ceux de Cîteaux, vivaient dans la prière et la réflexion. Surtout, qu’ils en soient bénis pour l’Eternité, ils posèrent les bases de ce que sont aujourd’hui les climats, nos Climats universels.
Une folle aventure
Ici est donc née une partie de la Bourgogne spirituelle. Ici est née une partie de la Bourgogne viticole. Dans le repli du secret et de la foi, dans le silence et le travail.
De grandes structures métalliques couvrent et protègent le lent et délicat travail de remise en état de la pierre survivante. Un four a ainsi été ressuscité comme tant d’autres recoins menacés. Des bénévoles s’affairent à reconstruire la « petite maison » attenante à l’abbaye. De gros moyens ont été engagés dans une entreprise ambitieuse, qui arrivera à son terme quand tout cela sera consolidé. Et forcément, tout cela coûte cher…
Les outils et les « œuvriers » laisseront alors place à l’émerveillement que procurera le tableau immuable d’une abbaye bénédictine magnifiquement installée dans les blessures de sa propre histoire. D’ici là, il faudra pourtant encore compter sur le vin que produit son vignoble et la générosité de mécènes inspirés pour financer la folle aventure de sa restauration.
Inlassablement, Aubert de Villaine met à profit ses déplacements dans le monde entier et active son carnet d’adresses pour mobiliser des fonds. Il en sera ainsi, le 26 mai prochain, avec le concours du Château du Clos de Vougeot, lors d’une soirée-concert organisée au profit de l’association de l’Abbaye Saint-Vivant. Jean-Charles Cuvelier ne sera pas bien loin de son ancien patron, fier de ses ruines si chères et si riches en même temps.