Savigny-lès-Beaune, fief de la Cousinerie de Bourgogne

Trois fois dans l’année, les chapitres de la Cousinerie de Bourgogne perpétuent joyeusement un certain art de vivre à Savigny-lès-Beaune tout en faisant la promotion de la commune et de ses vins. Derrière ses traditions immuables, la confrérie bachique a pourtant su évoluer : signe des temps, pour la première fois depuis sa création en 1960, une femme fait désormais partie de son Grand Conseil.

La Savignienne Malory Secula, première femme à faire partie  de la Cousinerie de Bourgogne  depuis sa création en 1960. © Michel Joly / Bourgogne Magazine

C’est au sortir d’une réunion du conseil municipal en 1959 que le maire de Savigny-lès-Beaune, Pierre Petitjean, demanda au président du Syndicat d’initiative, Maurice Vollot, de réfléchir à la création d’un évènement mettant en valeur le village et ses vins, qui donnerait envie aux gens de venir… et surtout de revenir. C’est ainsi que naquit l’idée d’une confrérie vineuse, à l’image de la confrérie des Chevaliers du Tastevin qui bénéficiait déjà à l’époque d’une grande renommée.

Toujours gentilshommes sont cousins

À la Saint-Vincent suivante, le 22 janvier 1960, à l’occasion du banquet du syndicat viticole, se réunissait donc dans le caveau communal ce qui allait devenir la Cousinerie de Bourgogne. Il n’y avait ce soir-là ni costume, ni écharpe, ni même le nom de Cousinerie, mais cette réunion restera cependant dans les annales comme le chapitre fondateur de la confrérie savignienne. Les officiants étaient alors au nombre de cinq, et le premier intronisé fut I’ambassadeur de France en Islande.

Il faudra attendre un an et la Saint-Vincent 1961 pour que la Cousinerie se réunisse une seconde fois, cette fois-ci avec tous les attributs d’une vraie confrérie bachique. Un nom tout d’abord, inspiré du titre de « cousin » que le roi donnait autrefois aux personnages qui avaient gagné ses faveurs. Puis une devise ad hoc, « Toujours gentilshommes sont cousins », tirée d’un vieux proverbe français qui ajoute « et vilains sont compères ». Le costume fut quant à lui conçu à partir d’une gravure ancienne représentant le vicomte-mayeur de Dijon qui proclame le ban de vendange devant l’église Saint-Philibert. Il s’agit d’une veste de velours d’un gentilhomme campagnard du XVllle siècle, porté avec un jabot, un gilet chamarré et une écharpe « or et azur » aux couleurs de la Bourgogne.

Mémorables goûtaillons

Si les deux premières manifestations de la Cousinerie eurent lieu à l’occasion du banquet des vignerons, dès 1961, la confrérie tint ses propres chapitres à dates fixes. Les repas étaient alors très simples, car il n’y avait pas de cuisine à proximité du caveau. Au menu de ces « goûtaillons » (nom toujours utilisé aujourd’hui), on trouvait des assiettes de charcuterie et terrines, des côtes de porc froides, un plateau de fromages et du gâteau de semoule… loin, très loin des agapes gastronomiques des chapitres d’aujourd’hui. 

Des chapitres auxquels tout le monde peut participer trois fois l’an, en janvier le jour de la Saint-Vincent tournante, en mai pendant l’opération caves ouvertes « Bienvenue à Savigny » (on y intronise traditionnellement la Miss Bourgogne de l’année), et en novembre la veille de la vente des vins des Hospices de Beaune. « Pour 130 €, chacun peut participer à une soirée hors du commun, avec quelque 180 convives répartis en tables rondes, pas moins de cinq plats et une dizaine de vins, tous de l’appellation Savigny, de l’aligoté servi en apéritif au crémant en dessert, en passant par des premiers crus. Le repas est animé tout du long par la troupe des Joyeux Bourguignon, rythmé par des bans bourguignons et invariablement conclu par la chanson Joyeux Enfants de la Bourgogne», détaille la Savignienne Malory Secula, cadre de direction administrative qui a intégré le Grand Conseil de la Cousinerie il y a peu, et est désormais en charge du secrétariat de l’association.

Cousinage rituel
Regroupées sous le terme de « cousinage », les intronisations ont lieu entre la viande et le fromage, introduites par les sonneurs de trompe de la Saint-Hubert. Chaque postulant est invité sur l’estrade où un cousin « heurleur » dresse son portrait à travers un discours teinté d’humour appelé « harangue », traditionnellement rédigé en vers (Maurice Vollot les écrivait en alexandrins, en alternant les rimes masculine et féminine). Puis l’impétrant promet sur l’honneur de pratiquer l’hospitalité à la mode bourguignonne, « bouteille sur table et cœur sur main ». Ne reste plus alors qu’à enfiler l’écharpe jaune et bleue, et à vider le tastevin géant pour devenir officiellement membre de la Cousinerie de Bourgogne. C’est le cas notamment de l’actrice Nicole Garcia, du journaliste Bruno Masure, de la ministre Michèle Alliot-Marie ou encore de l’athlète Stéphane Diagana.

6 500 cousins à travers le monde

« À notre époque, la féminisation de notre confrérie est une évolution naturelle des choses. Les traditions que nous défendons concernent aussi bien les hommes que les femmes ou les jeunes générations, estime Olivier Turpin, ex-mayeuret pilier toujours actif de la Cousinerie. Notre but reste toujours le même : promouvoir l’hospitalité bourguignonne, notre village et ses vins, fruit du travail des vignerons qui nous entourent et méritent tout notre respect. » 

Depuis 2017, ce sont deux vignerons du village, Hugues Pavelot et Stéphen Maurice, respectivement mayeur et vice-mayeur de la Cousinerie, qui ont repris les rênes de l’association pour la faire perdurer. « Il faut souligner que la confrérie c’est 100 % de bénévolat depuis 1960. C’est aussi un lieu de rencontre pour tous ses membres, qu’ils soient liés au monde du vin ou pas, car on y trouve l’amitié, la sympathie, la convivialité et le plaisir de se retrouver autour d’un bon verre de savigny. »

Aujourd’hui, la confrérie peut être fière d’avoir organisé plus de 400 chapitres depuis sa création, et intronisé quelque 6 500 « cousins », jusqu’en Papouasie-Nouvelle-Guinée ! Autant d’ambassadeurs du vin de Bourgogne, qui conserveront à jamais le souvenir de Savigny dans un coin de leur cœur, et y retourneront probablement un jour ou l’autre.

→ Informations et réservations sur confrerie-cousineriedebourgogne.com